Marcus Bläsche (Rumble League Studios) "Rumble Kong League, notre jeu vidéo Web3, sera disponible au public fin 2022"

Après une première vente de NFT il y a un an puis une levée de fonds de 4,5 millions de dollars auprès d'investisseurs de renom, la start-up US (mais fondée en France) Rumble League Studios touche au but. Son CEO Marcus Bläsche (ex-The Sandbox) répond au JDN.

Marcus Bläsche, CEO de Rumble League Studios. © RLS

JDN. Il y a bientôt un an, en octobre 2021, Rumble League Studio s'est associé avec le studio de jeu vidéo iLogos (développeur d'Angry Birds 2) pour réaliser Rumble Kong League, jeu de basketball sur blockchain et basé sur des NFT. Où en êtes-vous ?

Marcus Bläsche. Nous en sommes à un stade très avancé puisque nous avons en interne une version jouable. Dans le même temps, nous avons converti tous les avatars existants en 2D pour les rendre disponibles en 3D. Nous sommes en discussion avec plusieurs Layer-2 (des sous-réseaux des blockchains) susceptibles d'accueillir le jeu mais nous n'avons pas à prendre de décision maintenant. De nombreux éléments seront sur blockchain, les avatars que nous avons vendus au public sous forme de NFT en juillet 2021, les accessoires mais d'autres parties du jeu seront centralisées, et ce, pour faciliter l'expérience utilisateur. À la fin de l'année, une version jouable sera disponible au public, d'abord sur le web avant de le porter sur mobile.

Vous prévoyiez initialement une première version pour le début de cette année civile. Comment expliquez-vous ce retard ?

Nous aurions probablement déjà pu être live avec une version minimaliste en 2D ou très simplement animée mais nous désirions une production qualitative, esthétique et plaisante à jouer. Nous avons aussi une relation très étroite avec notre studio de développement, dont une partie est située en Ukraine. C'est aussi une situation avec laquelle nous devons faire face depuis six mois. Heureusement, iLogos a fait un excellent travail en s'assurant de la sécurité de son équipe. Il y a donc eu des délais. J'espère qu'il n'y en aura pas d'autres. Cependant, après 14 ans d'expérience dans le secteur du jeu-vidéo, je sais aussi que l'on ne peut prédire ce genre d'obstacles.

En décembre dernier, vous avez levé 4,5 millions de dollars auprès de figures du Web3 tels JDS Crypto, Sébastien Borget (CEO de The Sandbox) et Animoca Brands ainsi que le basketteur Paul George ou encore l'agence US CAA Sports. Quel impact a-t-elle eu sur le projet ?

A l'origine, nous ne voulions pas de levée de fonds mais nous avons changé d'avis en raison de la valeur stratégique que chacun de nos partenaires pouvait nous apporter. Avec toutes les entités que vous avez citées, nous avons une belle combinaison d'acteurs de l'industrie du sport, du jeu et du Web3. A titre d'exemple, les basketteurs Paul George et Stephen Curry nous aident énormément en tant qu'ambassadeurs du jeu, comme l'agence CAA nous aide à éduquer les marques traditionnelles au Web3. Cela se traduit par exemple par le partenariat que nous venons d'annoncer : Gatorade. Nous serons leur premier partenaire du secteur. Pour eux, cela fait sens et ce n'est pas seulement une façon de surfer sur la vague mais de créer quelque chose de valeur pour la marque et la communauté.

"Grâce à la levée de fonds, nous avons enrôlé plus de trente personnes en dix mois"

Evidemment, cette levée de fonds génère davantage de pression mais elle est bienvenue car nous souhaitons de toute façon concrétiser notre projet. Nous sommes vraiment heureux de notre décision car même si elle va à l'encontre de la culture du secteur, où nous sommes supposés être en totale autonomie sans ces grandes entreprises, il faut reconnaître la réalité et les portes qu'elles ouvrent, sans lesquelles ce serait très difficile. Grâce à la levée de fonds, nous avons pu étendre l'équipe afin de continuer de travailler sur la qualité. En l'espace de dix mois, nous avons enrôlé plus de trente personnes, dont un directeur du produit avec l'expérience du marché du mobile ou de nombreux collaborateurs en provenance de l'industrie du jeu-vidéo, notamment Ubisoft.

Comment conjuguez-vous les attentes de ces partenaires avec la culture décentralisée du Web3, portée par la communauté qui a acheté les avatars du jeu en NFT il y a un an ?

Nous faisons en sorte d'inclure le plus possible notre communauté, comme vous pouvez le voir sur Twitter : cette semaine, nous avons par exemple demandé à nos détenteurs de NFT s'ils étaient satisfaits de la taille des terrains de basket. Décentraliser une partie des décisions fait partie de l'aventure, même si tout ce qui est lié au cœur du jeu et son développement reste décidé en interne. L'objectif est vraiment de créer quelque chose de fun avec la communauté, de manière à ce que même si vous n'êtes pas intéressé par les NFT ou le Web3, vous ayez entre les mains un jeu de basket amusant.

La législation a énormément changé en l'espace d'un an, notamment en Europe avec l'adoption des textes MiCa et TFR. Comment vous adaptez-vous à cette nouvelle réalité ?

Teaser des terrains du jeu Rumble Kong League. © RLS

Au départ, nous avions en tête un jeu algorithmique qui se rapprochait d'un jeu de hasard. Or, nous avons rapidement constaté que le secteur du Web3 suscitait de plus en plus d'attention, et davantage de régulation, surtout en ce qui concerne les jeux de hasard. Afin d'avoir un jeu accessible à tous, nous avons donc opté pour des changements, de manière à ce que le joueur soit en contrôle. La régulation dépend en grande partie du pays où réside le détenteur d'un wallet. C'est vraiment du cas par cas : il y a des pays crypto-friendly, d'autres qui le sont beaucoup moins. Historiquement, il y a eu beaucoup de zones grises autour des cryptomonnaies, du trading de NFT, de la fiscalité. Plus nous avançons, plus il y a de textes et de conseillers à même de nous guider. Pour cette raison, nous allons sans doute devoir faire avec des procédures de KYC, nous en sommes conscients. Notre objectif est d'être irréprochable : de ne pas être la source de problèmes au niveau légal, tout en créant la meilleure approche possible en termes de ludisme et d'ergonomie.

"Nous avons repoussé la sortie de notre marketplace en raison du marché baissier"

Outre le jeu, l'ambition de Rumble League Studios est de bâtir un écosystème : en février dernier, vous annonciez par exemple le lancement de votre propre marketplace de NFT. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Nous avons repoussé la sortie de notre marketplace en raison de l'état actuel du marché crypto. Nous sommes dans un marché baissier. Cela nous permet de nous concentrer sur d'autres priorités, telle que la sortie de notre autre collection de NFT, les rookies, qui était initialement prévue un peu plus tard. Nous avons également décalé l'émission de notre token, et ce, pour être plus en adéquation avec la sortie du jeu. D'autres choses sont à venir : le Kongcubator est un fonds que nous avons initié avec Penny Jar (société d'investissements fondée par le basketteur Stephen Curry, ndlr) et cela se traduira par un show similaire à l'émission Shark Tank en version Web3. Le jury sera constitué de membres de la communauté Rumble Kong, de Penny Jar, d'athlètes. Nous avons déjà reçu quelques candidatures : des podcasts, des projets vidéo, créatifs mais aussi de développement d'intégration d'API par exemple. La première session du jury se tiendra sous peu et nous devrions sortir un premier show d'ici à la fin de l'année.

Vous avez mentionné l'actuel marché baissier. À titre d'exemple, la valeur actuelle de votre NFT principal, Rumble Kong, s'établit à environ 800 euros contre plus de 15 000 euros à son pic en décembre. Est-ce une perspective qui vous inquiète ?

Il n'y a pas que le marché des NFT qui souffre : quand on regarde l'inflation, l'immobilier, on constate une situation globale très compliquée. Quant au marché baissier, au sein de l'équipe, certains sont dans le secteur depuis 2014, ce n'est pas notre premier rodéo et nous ne sommes donc pas inquiets. Au contraire, nous sommes plutôt confiants au sujet de la popularité et de la normalisation du secteur à l'avenir. Nous avons suffisamment de capital pour continuer notre route et bien qu'une levée de fonds ne soit pas d'actualité, nous continuons de recevoir des propositions très intéressantes dans ce sens, que nous évaluons évidemment.