Jean-Frédéric Lambert (Readly France) "Nous lançons Readly avec 419 titres français dans 30 catégories et 6 000 titres internationaux"

Après avoir vendu ePresse au suédois Readly en octobre 2021, Jean-Frédéric Lambert est au manettes du lancement de la plateforme suédoise, qui a nécessité un an de renégociations auprès des éditeurs français.

JDN. Vous annoncez ce 22 novembre le lancement de Readly France, un an après l'acquisition par Readly de l'entreprise que vous aviez fondée, Toutabo, éditrice du kiosque numérique ePresse.  Que s'est-il passé durant ces 12 mois ?

Jean-Frédéric Lambert est CEO de Readly France © Readly

Jean-Frédéric Lambert. À son arrivée l'automne dernier, la plateforme Readly proposait plus de 6 000 titres représentatifs des onze pays où le groupe était déjà implanté mais à peine une dizaine de titres français. Aujourd'hui, elle en rassemble 419, répartis dans environ trente catégories. Tout cela est compris dans notre offre d'abonnement de lecture illimitée, et nous allons continuer d'en faire venir de nouveaux. Cela répond aux deux critères qui pour nous étaient essentiels pour ce lancement : rassembler des marques fortes et proposer le choix dans toutes les catégories pour que le lecteur ne soit jamais déçu, quels que soient ses intérêts et goûts. Nous sommes donc dans de très bonnes conditions pour communiquer au grand public le lancement de notre offre d'abonnement chez Readly France.

ePresse propose toujours quant à lui 1 200 titres dont l'écrasante majorité sont français. Cela signifie qu'il vous a fallu tout recommencer, en négociant avec chaque éditeur la migration vers Readly ?

Oui, nous avons en effet réalisé ce travail en les contactant un par un. Les contrats proposés par Readly sont différents de ceux d'ePresse : ils portent sur une commercialisation mondiale et non plus qu'en France. Le modèle économique est également différent. Il se base sur un partage de revenus très proche du modèle adopté par les plateformes musicales ou SVOD, comme Spotify ou Netflix. Le modèle que nous avions en France était beaucoup plus basé sur une approche sur mesure, éditeur par éditeur, les accords variant en fonction de la taille et de l'importance du titre. Désormais, la répartition est la même pour tout le monde. Tout cela nécessitait qu'on négocie avec les éditeurs pour revoir tous les accords que nous avions avec eux et sur toutes les catégories.

Avez-vous eu du mal à les convaincre ?

C'est un travail de fourmi. Il a fallu que les éditeurs comprennent le modèle. Il a fallu aussi que l'ACPM, organisme de mesure, l'approuve pour rassurer les éditeurs que chez Readly France leurs audiences sont bien comptabilisées en vente à l'unité selon les mêmes critères, que l'article soit lu en France ou à l'étranger. Tout cela est fait. Des données quantitatives et qualitatives très granulaires (pages lues, temps passé, et bien d'autres indicateurs) sont disponibles sur le back-office de chaque éditeur. Après, chaque éditeur a son propre agenda. Certains voulaient tout de suite venir car ils ont compris l'intérêt de cette opportunité. D'autres préfèrent attendre pour voir comment ce lancement se passera avant de franchir le pas.

De nombreux titres préfèrent encore rester chez ePresse, dont des têtes d'affiche telles que Les Echos. Avez-vous l'intention d'éteindre ePresse ?

Nous allons dédier ePresse uniquement aux professionnels. Dès que la migration du grand public vers Readly France sera achevée, ePresse deviendra Readly Business. Pour le moment, ePresse reste accessible au grand public, proposant toujours 1 200 titres en ligne, dont 850 sont intégrés dans une formule d'abonnement avec lecture illimitée (au même prix que l'offre Readly France en illimité, à 9,99 euros par mois, ndlr.). Cette migration ne devrait pas être longue à opérer car nos abonnés vont vite se rendre compte que pour le même prix ils auront une offre beaucoup plus riche chez Readly France et avec une expérience de lecture optimisée. C'est pourquoi ce ne sera pas compliqué pour nous non plus de continuer de faire basculer progressivement les titres d'ePresse vers Readly France.

"Tous les éditeurs ont en commun la peur de la cannibalisation de leurs abonnés"

Concernant les têtes d'affiche (Readly en propose plusieurs dans toutes les catégories, comme Libération, Cosmopolitan, Marianne, Sciences et Avenir, etc. ndlr.), ce ne sont pas les plus compliqués à faire venir. Parfois pour les plus petits éditeurs cela peut être bien plus impressionnant de travailler avec une plateforme mondiale. De plus, dans le monde de l'édition, chaque éditeur a une politique de distribution spécifique qui évolue tout le temps et dont il faut tenir compte. Tous ont en commun la peur de la cannibalisation de leurs abonnés. C'est pourquoi nous avons travaillé sur une offre très transversale : les lecteurs qui viennent chez nous cherchent la diversité de contenus bien plus qu'un titre en particulier.

Quel est le poids du marché français pour Readly ? Et quels objectifs de développement visez-vous dans l'année à venir à la suite de ce lancement au public ?

La France est déjà le quatrième marché principal de Readly (sur les 12 pays où le groupe est implanté, ndlr), derrière l'Allemagne, l'Angleterre et la Suède. Au troisième trimestre, la France représentait 11 % de l'activité de Readly. Nous considérons que la France a au moins le même potentiel que l'Allemagne, qui est le premier marché de Readly, que ce soit par le nombre de titres proposés (plus de 3 000 magazines et journaux) que par la population qui achète beaucoup de presse (on estime à plus de 5 milliards d'euros le montant de ventes de presse numérique et papier par an en France). Notre objectif est d'arriver très rapidement au moins au même niveau de l'Allemagne.