5 principes pour une digitalisation efficace des réseaux de transport en commun

Dan Roche, vice-président et public sector lead de Publicis Sapient est convaincu que la conception de services et d'interfaces efficaces doit être au cœur de la transformation numérique des villes. Il partage plusieurs principes pour développer de meilleurs réseaux de transports en commun.

Privilégier la simplicité

Avant et pendant leurs trajets, les voyageurs ne devraient être exposés qu'au minimum d’informations, c'est-à-dire seulement à celles qui peuvent les aider à prendre les bonnes décisions et à mieux vivre leurs parcours. En effet, toute surcharge d’information se révèle vite contre-productive et peut même devenir source d’angoisse.

“Que doit vraiment savoir le voyageur ? Quelles données vont l’aider à faire de meilleurs choix ?” devraient ainsi figurer parmi les premières questions à se poser, afin de faire la différence entre les informations réellement utiles et celles qui relèvent du superflu. Les premières sont des aides à la décision, les secondes sont synonymes de mal de crâne. Par exemple, proposer une carte interactive du métro avec l'emplacement de chaque train en temps réel se révèle bien peu utile pour le voyageur : c’est un gadget.

En 2012, des chercheurs du CEA-Saclay et de l’Université d’Oxford ont travaillé ensemble à déterminer la quantité d’informations maximale qu’une personne “peut raisonnablement assimiler dans le cadre d’un trajet en transport en commun”. En analysant les quinze plus grands réseaux de métros du monde, ils sont arrivés à la conclusion qu’une carte avec plus de 250 points de connexion constituait la limite maximale.

Leurs résultats, publiés dans Science Advances, indiquent que pendant leurs trajets, les individus peuvent traiter un maximum de 8 “bits” d’information. C’est un peu l’équivalent du célèbre nombre de Dunbar, qui quantifie le nombre maximum d’amis qu’un individu moyen peut compter. Les chercheurs ont conclu que la plupart (plus de 80%) des déplacements dans les grandes villes dépassent cette limite de 8 bits. Ils ont aussi classé le réseau de métro de New York comme le plus grand et le plus complexe du monde.

S'inspirer des principes du design graphique

Il est pourtant possible de transmettre des informations de manière efficace et simplifiée, grâce à un bon design, centré sur l’utilisateur : le plan du métro de Washington DC en est l’illustration parfaite. Cette carte stylisée est composée essentiellement de lignes droites et colorées, sans lettres ni chiffres, avec des stations espacées de façon identique.

Évidemment, ce n'est pas le cas dans la réalité : si vous prenez la ligne Orange, la distance entre les stations varie. Il y a des virages, des montées et des descentes. La carte n’est donc pas géographiquement exacte. Mais doit-elle l’être ? Quand vous transportez de nombreux touristes, dont une bonne partie ne parlent pas l’anglais, cela fonctionne parfaitement.

Le premier à avoir appliqué cette approche de cartographie simplifiée est le dessinateur industriel Harry Beck, en 1931, pour le métro de Londres. Il a clairement inspiré Washington, mais aussi Madrid, Paris et Moscou. À l’inverse, la carte du métro de New York est bien plus exacte, géographiquement parlant. Elle peut même servir de guide pour les piétons si besoin. Mais cette démarche a souvent été critiquée : la fidélité à la réalité est privilégiée au détriment de la clarté, et cette carte est souvent difficile à appréhender pour les touristes.

En 2012, une étude menée par Google et des psychologues de l'Université de Bâle à Zurich, a montré que les internautes préfèrent les sites simples, plutôt que leurs alternatives plus complexes, et que ce choix est effectué en 50 millisecondes. De la même manière que pour le design graphique, les solutions de transports doivent chercher à être "compréhensibles" plutôt que de viser l'exhaustivité.

Travailler les fondamentaux

Même s’ils parviennent à transporter des millions de personnes chaque jour, les réseaux de transports en commun sont souvent mal-aimés :  les mauvaises expériences prennent toujours le dessus. Faire leur éloge n'est donc pas chose aisée. Pourtant, dans les différents classements mondiaux, certaines villes se distinguent par la qualité de leurs réseaux de transport : Tokyo, Singapour, Hong-Kong, Séoul, Londres et Paris…

Pourquoi ces villes en particulier se démarquent-elles ? Parce qu’elles répondent avant tout aux attentes de base de leurs usagers : fiabilité, ponctualité, rapidité, propreté, luminosité, confort, sécurité, simplicité d’usage… Améliorer ces fondamentaux devrait être la priorité des opérateurs de transports publics, et c’est tout à fait possible grâce aux opportunités offertes par le numérique. L’analyse les données sur les voyageurs et les trajets est déjà un bon point de départ pour identifier les lacunes dans les systèmes actuels.

S’appuyer sur la data pour améliorer l’expérience

Ensuite, il est tout à fait possible d’améliorer l’expérience utilisateur tout en collectant au même moment des données qui seront utiles pour des développements futurs. Par exemple, l’application du Minneapolis Institute of Art permet aux visiteurs de concevoir leurs propres parcours en fonction de leurs centres d’intérêt. En parallèle, les données collectées permettent de mieux comprendre comment les visiteurs explorent le musée et utilisent les espaces : de quoi ajuster les dispositifs de communication et améliorer les parcours, afin d’apporter aux visiteurs exactement ce dont ils ont besoin.

Des approches similaires peuvent être déployées dans les réseaux de transport. Du wifi gratuit et une bonne connexion 4G améliorent la satisfaction des usagers, tout comme la mise en place de véhicules climatisés. Mais utiliser les données de fréquentation en temps réel pour augmenter la fréquence des trains est tout aussi utile pour améliorer l’expérience de voyage. 

Simplifier le paiement

Une autre façon d’améliorer l’expérience de voyage est de s’attaquer au processus de paiement. À Hong-Kong, la Mass Transit Railway (MTR) Corporation a été le pionnier des cartes de transport sans contact, dès le milieu des années 1990, avec le pass Octopus. Celui-ci a inspiré l’Oyster Card, lancée à Londres en 2003.

En plus, depuis 2014, les Londoniens peuvent utiliser leurs cartes bancaires sans contact comme moyen de transport. Transport for London (TfL) fait état d’un taux de satisfaction de ses usagers particulièrement élevé : depuis la mise en place du paiement sans contact, il fluctue autour de 85%.

C’est maintenant au tour de la ville de New-York de déployer un système similaire, OMNY : avec ce nouveau mode de paiement, les usagers peuvent utiliser leurs smartphones ou leurs cartes bancaires pour voyager depuis certaines stations de métro à Manhattan et dans les bus de Staten Island. L’avenir dira si ces changements permettront d’améliorer l’expérience de voyage des New-Yorkais : lors d’un récent sondage, 62% des usagers s’estimaient “non satisfaits” ou “très insatisfaits” de leur service de transport. Parmi leurs principaux reproches : les retards et l’affluence dans les trains.

Finalement, la digitalisation des transports en commun pourra être considérée comme une réussite si elle parvient à rendre l’expérience du voyageur plus simple. Rien de plus. La technologie peut aider à atteindre cet objectif, à condition de ne pas tomber dans le gadget et la complexité. La donnée doit être mise au service de cette mission : elle permet de concevoir des expériences centrées sur l’utilisateur. Mais, pour autant, ce n’est pas une raison pour assaillir les voyageurs de données et d’informations !