En 2021, la voiture autonome entre dans l'ère de la commercialisation

En 2021, la voiture autonome entre dans l'ère de la commercialisation Depuis le 1er janvier 2021, un règlement de l'ONU autorise les constructeurs à commercialiser des véhicules dotés de premières fonctionnalités de conduite autonome de niveau 3.

Une étape importante vient d'être franchie pour faire du véhicule autonome un business. Depuis le 1er janvier 2021, un règlement onusien autorisant la commercialisation de voitures dotées de capacités de conduite autonome de niveau 3 est entré en application. Il s'agit plus précisément d'autoriser des fonctionnalités de maintien sur voie rapide, à une vitesse maximale de 60 kilomètres par heure. "Cette étape est importante car elle rend possible une première fonction de délégation de conduite et nous fait basculer dans l'ère d'un premier véhicule autonome", estime Luc Bourgeois, expert leader véhicule autonome chez Renault. En dessous du niveau 3, les fonctionnalités (telles que le régulateur de vitesse) sont plutôt considérées comme de l'aide à la conduite que de la délégation de conduite. Précisons que ce règlement concerne uniquement les véhicules individuels commercialisés, et non pas les services de transports.

Il ne faut toutefois pas s'attendre à une invasion de véhicules autonomes sur les routes au 1er janvier. Le règlement, adopté par le Forum mondial pour l'harmonisation des règlements concernant les véhicules de l'ONU, signifie que ses signataires (la plupart des pays industrialisés, à l'exception des Etats-Unis, de la Chine et du Canada) ont désormais le droit d'homologuer ces systèmes de maintien dans la voie. Mais ils devront pour cela modifier leur code de la route, tandis que les constructeurs devront prendre en compte les strictes exigences du règlement (détection de ceinture attachée, détection de l'absence et de l'inattention du conducteur, désactivation des systèmes de divertissement pendant la conduite autonome, cybersécurité...) "Le seul pays actuellement en mesure de profiter de cette nouvelle réglementation est l'Allemagne", assure Luc Bourgeois. Pas étonnant de voir ce grand pays de l'automobile en pointe sur le sujet : plusieurs de ses constructeurs ont déjà implémenté des fonctionnalités de conduite autonome de niveau 3 dans des véhicules qui sortiront l'année prochaine, par exemple la Mercedes Classe S.

Les bouchons, mais pas la grande vitesse

"Ce règlement va permettre de libérer les conducteurs des bouchons en leur proposant une conduite automatisée", anticipe Franck Cazenave, directeur mobilités et smart city de Bosch en France. Une fonctionnalité très attendue par les constructeurs, qui y voient un argument de vente pour des automobilistes coincés quotidiennement dans les bouchons en allant travailler. Cependant, le règlement exclut l'utilisation urbaine de ces technologies, encore considérée comme trop risquée en raison du nombre d'obstacles potentiels. Mais il écarte aussi la délégation de conduite sur autoroute à allure régulière, puisqu'il limite la vitesse d'utilisation de ces systèmes à 60 kilomètres par heure. Pour voir arriver ces fonctionnalités de niveau 3 étendu, voire de niveau 4 (délégation de conduite totale dans un environnement prédéfini), il faudra attendre encore plusieurs années. "Le cadre réglementaire pour passer à l'étape suivante est en cours de travail et ne sera pas prêt avant 2 à 4 ans. En comptant l'homologation, il faudra attendre au minimum entre 3 et 5 ans", estime Luc Bourgeois.

Sauf que deux pays majeurs de l'automobile et de la conduite autonome, la Chine et les Etats-Unis, ne participent à ces règlements mondiaux. S'ils doivent tout de même travailler avec leurs industries sur de complexes règles d'homologation, ils sont en revanche dispensés des laborieuses discussions onusiennes permettant d'accoucher d'un compromis acceptable par plusieurs dizaines d'Etats. Ne risquent-ils pas de devancer l'Europe sur le sujet ? "Il est vrai que ces pays avancent très vite, mais ils n'ont pour l'instant rien déployé, il y a beaucoup d'effets d'annonce", évacue Luc Bourgeois, qui estime qu'il faudra également trois à cinq ans aux Chinois et aux Américains pour légaliser puis homologuer des fonctionnalités de conduite autonome plus avancées. Moins optimiste que lui, Franck Cazenave rappelle l'enjeu économique derrière les aspects techniques. "Si les Etats-Unis dégainent leurs standards de véhicules autonomes les premiers, ils les imposeront à tous les constructeurs", y compris européens. Dans la course à l'innovation, certains partent avec une longueur d'avance... et davantage d'autonomie.