Les VTC font revenir clients et chauffeurs à grands renforts de cash

Les VTC font revenir clients et chauffeurs à grands renforts de cash Alors que la plupart des plateformes cherchent à atteindre la rentabilité, elles subventionnent à nouveau massivement les courses pour relancer leur activité.

Le marché des VTC entrevoit une lueur d'espoir. Alors que les restrictions sanitaires tombent une à une en France depuis fin mai, avec en particulier la fin du couvre-feu le 20 juin et la réouverture des boites de nuit le 9 juillet, les trajets repartent à la hausse, bien qu'une part importante du trafic provenant des voyages d'affaires et du tourisme international manque encore. Pour accompagner ce début de reprise, FreeNow, Uber et Bolt mettent la main au portefeuille pour arroser chauffeurs et clients de bonus, promotions et autres incitations financières.

Par exemple, Bolt propose des réductions sur les courses franciliennes allant jusqu'à 60%, pour une moyenne autour de 40%, et qui sont appliquées automatiquement à tous les clients (avec une limite hebdomadaire). Dans les villes où l'appli estonienne s'est lancée plus récemment (Lyon, Bordeaux, Marseille, Nice, Montpellier), les réductions se situent plutôt entre 50 et 70%, sans limite hebdomadaire de courses. Du côté de FreeNow (ex-Kapten), les réductions vont de 30 à 50% selon les villes et les utilisateurs. Interrogé par le JDN, Uber n'a pas fourni le détail des promotions déployées. Quant à Heetch, la plateforme française est le seul grand acteur du marché français à ne pas suivre le mouvement. "Nous avons levé moins d'argent que nos concurrents. Nous ne pouvons pas nous permettre de subventionner le marché de manière éphémère pour arriver à court de fonds dans trois mois. Ca n'est pas sain et ce n'est pas comme ça qu'on construit une plateforme pérenne", évacue son PDG et cofondateur Teddy Pellerin.

Pas assez de chauffeurs

Des incitations financières qui concernent aussi les chauffeurs. Les plateformes déploient différents mécanismes, comme la baisse ou la suppression totale de leur commission ainsi que des bonus de rémunération nets en atteignant un certain nombre de courses. Il faut dire que les chauffeurs sont presque plus importants que les clients pour les plateformes en ce moment, car ils reviennent moins vite qu'eux sur la plateforme. Ce qui a provoqué ces dernières semaines un déséquilibre entre offre et demande, donc une augmentation des prix via les mécanismes de tarifs dynamiques utilisés par les plateformes.

Bolt et FreeNow reconnaissent ne pas réussir à répondre actuellement à toutes les demandes de courses de leurs clients à certains horaires. "Le déséquilibre s'accentue de manière assez forte. De nombreux chauffeurs ont tout simplement arrêté de conduire, tandis que d'autres bénéficient encore du fonds de solidarité, qui va s'éteindre progressivement entre fin juin et fin août," explique Dimitri Tsygalnitzky, directeur général de FreeNow en France. Une situation qui devrait empirer, estime-t-il, avec la réouverture des boîtes de nuit le 9 juillet, avant de se calmer mi-juillet avec les départs en vacances, pour repartir de plus belle à la rentrée. En période de tension sur le marché, les chauffeurs deviennent donc un élément de compétition majeur entre plateformes : plus elles réussissent à en attirer, et plus elles seront en mesure de capter la reprise de l'activité.

Parts de marché redistribuées

Mais à quel prix ? On peut en effet se demander pourquoi les plateformes se lancent dans ces coûteux programmes, alors qu'elles cherchent par ailleurs à atteindre la rentabilité cette année ou l'année prochaine. Ne peut-on pas imaginer que la demande revienne naturellement sans ces incitations, puisque les activités qui génèrent des courses pour les plateformes sont à nouveau autorisées ?

Chez Bolt, la seule grosse plateforme encore en phase d'investissement, cette relance de l'activité coïncide avec une politique "agressive" de prise de parts de marché en France, afin d'atteindre "une empreinte nationale le plus rapidement possible", explique son directeur général Julien Mouyeket. Quant à FreeNow, l'entreprise se dit obligée de suivre ses concurrents. "Nous avons conscience que ce n'est pas la démarche la plus saine", reconnaît Dimitri Tsygalnitzky. "Mais Paris est un marché clé sur lequel nous ne pourrions pas concevoir de ne pas être leaders. Nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir un concurrent qui arrose sans rien faire. Même si nous souhaitons porter la concurrence davantage sur la qualité de service, la réalité de ce marché est que les utilisateurs comparent d'abord les prix et les temps d'attente."

Rentabilité retardée

Si les clients vont revenir naturellement sur les plateformes, ils vont en revanche choisir sur laquelle ils reviendront en fonction de ces incitations financières. Le marché au global reprendra donc des couleurs quoiqu'il arrive, mais les parts de marché entre les différents acteurs, quelque peu figées depuis le début de la pandémie, pourraient s'en trouver modifiées. "Nous sommes quatre gros acteurs en France (Uber, Bolt, FreeNow et Heetch, ndlr), rappelle Julien Mouyeket. Les marchés aussi compétitifs et fluctuants sont rares, c'est pourquoi il faut investir davantage que les autres." 

Si les vacances d'été marqueront une période d'accalmie dans ces subventions massives à partir de la mi-juillet, ces mécanismes devraient durer encore plusieurs mois, notamment afin de préparer la rentrée de septembre. Les plateformes interrogées n'ont pas souhaité révéler le montant des investissements consentis pour arroser clients et chauffeurs en France. Mais un chiffre permet toutefois de se rendre compte des enjeux, qui ne touchent pas seulement l'Hexagone. Uber a annoncé en avril réserver 250 millions de dollars pour ces incitations financières rien que pour les chauffeurs et seulement aux Etats-Unis. Alors que la crise du covid avait ruiné le chiffre d'affaires des plateformes, la reprise pourrait endommager leur rentabilité tant convoitée.