Qu'en est-il des bornes de recharges ?

Le manque de bornes de recharges peut-il être un frein lors de l'achat d'une voiture électrique ? Où en est le marché des bornes de recharges électriques ? Sa courbe suit-elle celle de la vente des voitures hybrides et électriques ? Quel est le rôle de l'Union européenne dans cette mise en place ?

Une pléthore d’intervenants

EDF, Engie, Total, Shell, Bouygues, Vinci, Spie, Schneider Electric, Ionity, Tesla, Freshmile, Fastned, Electra... Ces entreprises, venues du monde de l'énergie, du pétrole, de la construction ou de l'automobile, ont un point commun : toutes se sont lancées sur le marché des bornes de recharge électriques. Ainsi, le cabinet de conseil Ernest and Young, décompte plus d’une vingtaine d’acteurs sur le seul marché français. 

De plus, comme tout marché naissant, celui des bornes de recharge comprend un grand nombre de clients, de constructeurs, de fournisseurs et de partenaires qui utilisent une grande variété de formats de prises, de systèmes d’alimentation électrique, de logiciels, de systèmes de paiement…

En effet, l’autonomie ainsi que le manque de bornes de recharges peuvent être un frein à l’achat d’une voiture électrique. Les trois dernières années, la vente de voitures hybrides et électriques a augmenté de 110% au sein de l’Union européenne grâce au contexte réglementaire qui leur est favorable ; en revanche le nombre de bornes installées n’a augmenté que de 58%.

Il faut noter que, tous lieux confondus (dans les lieux accessibles au public, en entreprises et chez les particuliers avec la « Wallbox »), la France comptabilisait 710.000 bornes en juillet 2021.

Des enjeux colossaux :

Tout d’abord il faut différencier :

  • L’aménageur : C’est le maitre d’ouvrage d’une infrastructure de recharge jusqu’à sa mise en service.
  • Le CPO : Charger Point Officer (Fournisseur de service de mobilité) il assure le déploiement et la livraison des bornes de recharge, l'installation et la maintenance, la distribution de l'énergie et propose des services de dépannage et d'assistance aux utilisateurs. Ils sont en général propriétaires des réseaux de bornes. Par exemple, New Motion, Allego ou Ionity sont des CPO.
  •  Le MSP : Mobility Service Provider (Opérateur de Bornes de recharge) ils vendent des produits et services de mobilité qui peuvent être un abonnement de recharge, un badge de recharge et/ou une application mobile. Le paiement lors d’une session de recharge se fait par l'intermédiaire de cet acteur comme par exemple ChargeMap ou Plugsurfing.

Mais cette mise en place des bornes électriques amène un ensemble de problématiques entre les acteurs eux-mêmes.

Par exemple, l’affaire « Corri-door » début 2020 a défrayé la chronique. L’entreprise EVBox un des principaux fournisseurs de solutions de recharges connectées (matériel, logiciel, service) pour véhicules électriques présents en France avait mis en place ce projet. En février 2020, son actionnaire Izivia (EDF) a décidé à la surprise générale de fermer plus de 80% des bornes à la suite de deux incidents. Puis, au printemps 2021, c’est Vinci autoroutes avec aux manettes l’acteur EasyCharge en back up qui a repris une partie du réseau « Corri-door ». Ils ont installé des superchargeurs, amélioré le système de paiement et ont procédé à une refonte complète de la signalétique. Il faut noter que Vinci aujourd’hui a équipé plus de 25 % des aires de services avec ses bornes.

De plus, le ministère promet que d’ici fin 2022, toutes les aires du réseau autoroutier concédé seront équipées de stations de recharges pour véhicules. Dans un communiqué, le ministère a expliqué également que depuis janvier 2021, le nombre de bornes de très haute puissance (plus de 150 kW) a été doublé.

Erik-Mark Huitema, Directeur de l’ACEA (Association des Constructeurs Européens Automobiles) dit : « Il y a un vrai risque que l'on arrive à un point où la croissance de la vente de véhicules électriques cale, si les consommateurs voient qu'il n'y a pas assez de bornes là où ils veulent se déplacer ».

La Cour des Comptes de l’UE épingle 

L’Union européenne est encore loin des objectifs fixés dans le cadre du « Pacte vert ». Malgré l’augmentation du nombre d’acteurs dans le secteur de la recharge électrique, la France reste tout de même très éloignée de l’objectif de 100 000 points de charge qui été prévu pour cette fin d’année. Pourtant, elle est un des pays européens les mieux équipés.

En effet, si le déploiement des infrastructures continue à ce rythme, l'objectif du million de points de recharge ouverts au public à l'horizon 2025 ne sera pas atteint. D’après la Cour des Comptes, pour combler l'écart, il faudrait inaugurer « environ 150 000 nouveaux points (...) chaque année, soit approximativement 3 000 par semaine ». 

De plus, le problème est que 70% des bornes européennes sont concentrées dans trois pays : Allemagne, France et Pays-Bas. Cela signifie que parcourir l’Europe au volant d’une voiture électrique reste aujourd’hui compliqué. La mauvaise disponibilité des bornes de recharges s’explique par le fait que :

  • Le système de paiement d’utilisation des bornes n’est pas harmonisé ;
  • Les utilisateurs n’ont pas accès à suffisamment d’informations en temps réel ;
  •  La Commission européenne ne soutient pas assez le développement du maillage des bornes sur l’ensemble des territoires ;
  • La puissance des bornes est trop basse (plus de 170 000 bornes sont plafonnée à 22 kW, ce qui est insuffisant pour permettre une recharge rapide des véhicules).
  • Le prix du kilowatt-heure est plus élevé sur les bornes publiques qu’au domicile des utilisateurs.

De plus, en février dernier, l'Observatoire de la qualité des services de recharge électrique accessibles au public de l'Afirev relevait qu’une recharge publique sur quatre présentait des défauts.

Les bornes dans le futur 

L'Europe a pour ambition de compter au moins 30 millions de voitures « zéro émission à l'échappement » sur les routes européennes d’ici à 2030, ce qui implique le déploiement de 3 millions de points publics de recharge à cette date.

Pour y parvenir, il faudra encourager l'installation de bornes de recharge dans les lieux privés et sur les lieux de travail. De plus, cet été la Commission européenne a présenté un nouveau règlement ; en plus des 30 millions de bornes pour 2030, les Etats membres de l’UE devront prévoir des stations de recharge tous les 60 km sur les grands axes routier.

En France, le programme ADVENIR, qui a déjà financé l’installation de milliers de bornes et qui a été prolongé jusqu’en 2023 avec un nouveau budget de 100 millions d’euros, va permettre d’équiper les principales routes nationales du territoire. En effet, l’État compte subventionner les opérateurs privés pour construire un « couloir de recharge » avec 150 km de distance entre chaque borne.

Enfin, l’état souhaite mettre en place un nouveau partenariat avec la Banque des territoires via un fond commun de placement national afin d’investir dans l’infrastructure électrique des copropriétés. Il servira à financer l’ensemble des connexions électriques des parkings partagés. Il appartiendra cependant à chaque utilisateur de payer l’installation de son terminal.

Malgré la multiplication des acteurs dans ce domaine ainsi que la mobilisation de l’Etat, la mise en place du système des bornes de recharges électriques reste laborieuse. Pourtant pour la ville technologique de demain, la smart city, le secteur des bornes de recharges est très prometteur.