Améliorer les services de recharge permet d'accélérer la transition vers les véhicules électriques

Afin de respecter les mesures du nouveau règlement de la Commission européenne "Fit for 55", les gouvernements doivent mettre en place une politique d'homogénéisation d'electrification des flottes

Aujourd'hui, l'électrification des transports est aussi inévitable que nécessaire. En Europe, le transport routier est responsable de plus des deux tiers des émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur. Malgré les mesures destinées à les réduire, l'Agence européenne pour l'environnement (AEE) prévoit que les émissions du secteur des transports resteront supérieures aux niveaux de 1990, en 2030. Selon BloombergNEF (BNEF), pour atteindre les objectifs de neutralité carbone prévus d'ici 2050, les ventes de véhicules à émission zéro (ZEV) "doivent augmenter de manière significative", afin d’atteindre idéalement 50% des ventes de véhicules particuliers neufs d'ici 2030, pour atteindre 100% d'ici 2035. S'il y a des raisons d'être optimiste, il reste encore beaucoup à faire pour accélérer l'adoption des véhicules électriques (VE) sur le continent, ce qui est directement lié à la disponibilité de l'infrastructure de recharge des VE dans tous les pays.

Les nouvelles initiatives sont porteuses d'espoir, mais manquent de garanties essentielles

Récemment, la Commission européenne a publié sa proposition de règlement sur les infrastructures pour les carburants alternatifs (AFIR). Elle abroge la précédente directive sur les infrastructures pour les carburants alternatifs adoptée en 2014, qui fixe le cadre réglementaire des infrastructures publiques de recharge et de ravitaillement pour les carburants alternatifs, y compris les stations de recharge publiques pour les VE. Le nouveau règlement fait partie d'un ensemble complet de mesures appelé "Fit for 55", qui vise à atteindre une réduction de 55% des émissions européennes des GES d'ici 2030. Le paquet reconnaît les progrès des technologies des VE, et la croissance de la demande, et comprend des révisions des objectifs d'émissions des nouveaux véhicules et des exigences pour mettre fin à la vente de voitures à moteur à combustion interne (ICE) à travers l'Europe. En tant que membre de ChargeUp Europe, une association qui se bat pour améliorer la recharge des VE en Europe, ChargePoint accueille favorablement de nombreux changements dans la nouvelle proposition, mais nous pensons que certains éléments pourraient être encore améliorés pour assurer une expérience de recharge des VE transparente, et pratique pour les conducteurs à travers l'Europe.

Depuis 2007, ChargePoint est à l'avant-garde des efforts déployés pour qu'un jour toutes les personnes, et tous les biens soient transportés, via des flottes électriques, en Amérique du Nord et en Europe. Nous y sommes presque. Mais pour atteindre cet objectif, nous devons tous - des gouvernements et de l'industrie aux services publics, aux entreprises, et aux particuliers - travailler ensemble pour rendre la transition vers l'électrification aussi facile et transparente que possible pour les conducteurs à travers le continent. C'est pourquoi, en mars 2020, nous nous sommes associés à Allego et EVBox pour fonder ChargeUp Europe, une association dédiée à la création d'un modèle de marché ouvert et centré sur le consommateur, pour les infrastructures de recharge en Europe. L'alliance a depuis ajouté 17 nouveaux membres, ce qui en fait l'une des plus grandes associations d'infrastructures de recharge de VE au monde. Nous croyons en la construction d'un cadre réglementaire transparent, basé sur le marché, pour l'électromobilité européenne, qui soit prévisible et non discriminatoire.

La politique actualisée de l'AFIR, publiée en juillet, introduit certaines dispositions constructives, notamment des améliorations de sa base juridique qui entraîneront un déploiement et une couverture accrus des infrastructures de recharge des VE pour faire progresser la connectivité paneuropéenne, ainsi qu'une meilleure application au niveau de l'UE. Ces changements, ainsi que les objectifs obligatoires basés sur la capacité énergétique pour les nouvelles infrastructures de recharge directement liée au déploiement de la flotte de VE, et les propositions politiques complémentaires, telles que la révision des niveaux de dioxyde de carbone (CO2) pour les nouveaux véhicules, constituent des signaux forts qui devraient stimuler les investissements dans le secteur. Toutefois, la proposition de l'AFIR manque encore de garanties essentielles qui, si elles étaient mises en œuvre, permettraient d'accroître les avantages pour les consommateurs en ce qui concerne l'expérience globale de l'utilisateur, et les coûts associés à la recharge des VE.

De nouveaux modes et systèmes de paiement sont nécessaires pour la recharge

Les transactions pour les sessions de recharge peuvent être traitées de deux manières : paiement de la transaction à l’acte pour lesquelles  les technologies de paiement sont flexibles et non limitées, ou via un modèle d'abonnement avec le fournisseur de services d'e-mobilité du conducteur.

  • Pour assurer la disponibilité du paiement de la transaction à l’acte, il est important que les moyens de paiement ne soient ni limités ni prescriptifs. Les technologies de paiement (lecteurs de cartes de paiement, dispositifs sans contact, ou codes QR générés spécifiquement) et le comportement des consommateurs évoluent rapidement et, par conséquent, rendre obligatoire un nombre limité d'options de paiement pourrait enfermer les consommateurs dans des méthodes de paiement dépassées ou obsolètes. Parce qu'il s'agit d'un marché émergent, l'industrie naissante du ravitaillement en carburant électrique doit pouvoir s'adapter rapidement à l'évolution des préférences des consommateurs et, par conséquent, doit avoir la capacité d'offrir le meilleur service possible sans contraintes arbitraires. Nous recommandons de mettre en œuvre cette approche dans la proposition, sans prescrire de technologie de paiement spécifique à ce stade.
  • Si la tarification par transaction de recharge est fondamentale, elle peut également être complémentaire à d'autres solutions, notamment dans le cadre d'un modèle d'abonnement pour les conducteurs. Grâce à des affiliations avec des fournisseurs de services d'e-mobilité, les conducteurs reçoivent des informations sur les stations de recharge, notamment leur emplacement, la puissance fournie, l'accessibilité de la station, la disponibilité, les coûts, et tout service local proposé. Ils peuvent également réserver des stations, vérifier l'état d'avancement des sessions de recharge, et bien d'autres services, via une application sur leur appareil mobile. Les conducteurs peuvent en outre bénéficier de fonctionnalités supplémentaires sur mesure, telles que des frais négociés pour la recharge et une identification automatique.

Un modèle d'abonnement est nécessaire pour permettre la recharge intelligente et l'intégration du véhicule au réseau (V2G). Pour que les services publics puissent contrôler la charge et la décharge de l'énergie vers et depuis un VE, il est nécessaire qu'ils puissent établir des accords, et communiquer avec le conducteur du VE. Ni l'un ni l'autre ne sont réalisables avec les seuls paiements à l’acte de recharge, car il ne peut y avoir d'authentification du conducteur et, par conséquent, de communication pour exprimer un consentement.

L'itinérance permet une expérience sans faille pour le conducteur

Plus important encore, un système d'abonnement peut permettre l'itinérance. À l'instar de l'interconnectivité et de la commodité dont bénéficient les clients d'entreprises de téléphonie concurrentes, l'itinérance des VE profite aux utilisateurs en leur permettant d'accéder à la recharge dans des stations appartenant à plusieurs réseaux de ravitaillement en électricité grâce à un seul abonnement proposé par leur fournisseur de services de mobilité préféré (leur opérateur "d'origine"). Cela s'applique tant à l'intérieur des pays qu'au-delà des frontières nationales. Un niveau minimum d'accessibilité aux stations de recharge de la concurrence via l'itinérance devrait être garanti par la législation européenne afin d'optimiser l'efficacité et de favoriser la compétitivité sur un marché naissant mais en pleine croissance. Actuellement, ces dispositions sont absentes de la proposition de l'AFIR.

Il faut davantage de législation pour garantir l'adoption des VE en Europe

Selon BloombergNEF, "le soutien aux infrastructures de recharge doit être considérablement étendu, y compris pour les endroits éloignés et par ailleurs mal desservis". L'AFIR peut améliorer considérablement les principes du marché pour le déploiement des services d'e-mobilité à cette fin. Pour que les VE soient adoptés en masse, ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de l'UE en matière de climat et d'accélération des émissions, les conducteurs doivent pouvoir compter sur un marché de l'approvisionnement en électricité qui fonctionne. Ce marché doit permettre l'accès à un vaste réseau de chargeurs intelligents, répartis équitablement, et offrir une transparence des prix et une facilité de paiement. Plus important encore, il doit inclure des options d'itinérance qui suppriment les tracas pour les conducteurs, comme les obliger à gérer plusieurs comptes de recharge ou à compter sur plusieurs applications mobiles pour se recharger.

Le changement est difficile, même dans des circonstances optimales. Lorsque l'on demande aux gens de modifier leurs comportements pour contrecarrer une menace existentielle telle que le changement climatique, il faut que ce soit aussi facile et transparent que possible pour eux de le faire. Les VE sont supérieurs à leurs homologues à moteur à combustion interne dans tous les domaines imaginables. Ils sont technologiquement avancés, bien plus efficaces, plus silencieux, non polluants et moins coûteux à alimenter et à entretenir. Il devrait en être de même pour leur alimentation en carburant. Soutenir un secteur de la recharge des VE solide dans l'UE favorisera l'accès, inspirera l'innovation et augmentera l'adoption. L'heure tourne. Il est temps de faire de la promesse de l'e-mobilité une réalité en Europe.

Sources :

-European Environmental Agency (updated 2021), “Greenhouse gas emissions from transport in Europe”. Disponible ici.

-BloombergNEF (2021), “Electric Vehicle Outlook 2021” page 119. Disponible ici.
-European Commission (2021), “Proposal for a REGULATION OF THE EUROPEAN PARLIAMENT AND OF THE COUNCIL on the deployment of alternative fuels infrastructure, and repealing Directive 2014/94/EU of the European Parliament and of the Council”. Disponible ici

- BloombergNEF (2021), “Electric Vehicle Outlook 2021” page 129. Disponible ici