Repenser la réparabilité et le recyclage des véhicules électriques pour une mobilité durable

Les véhicules électriques (VE) incarnent l'une des innovations les plus significatives de notre époque dans le domaine du transport.

Cependant, derrière la promesse d'une mobilité plus durable et respectueuse de l'environnement, se dessine une réalité complexe, jalonnée de défis technologiques et opérationnels uniques. La question de leur réparabilité, notamment en ce qui concerne la valeur de leurs composants, se présente comme un enjeu majeur. Tandis que la question du recyclage des composants constitue quant à elle un aspect essentiel de leur durabilité environnementale.

La voiture électrique est souvent présentée par de nombreux fabricants comme une alternative écologique à la voiture thermique. Toutefois, le bilan carbone de ce nouveau mode de transport demeure sujet à débat, surtout si l'on prend en compte l'impact de sa conception. Malgré le constat selon lequel 54% des propriétaires français de véhicules électriques regrettent leur achat*, en grande partie en raison des difficultés de réparabilité, il est crucial de noter que les véhicules électriques émettent 77% d'émissions de CO2 de moins qu'une voiture essence en France, de la production jusqu'à la fin de leur vie**. Pourtant, les véhicules électriques entament leur cycle de vie avec une dette environnementale, notamment lors de leur fabrication. À titre d'exemple, la production d'une berline électrique est estimée à l'émission de plus de 10 tonnes de CO2, contre 5 pour une voiture diesel. Dans ce contexte, il est impératif de donner une importance accrue à la réparabilité ou au recyclage de leurs composants.

Considérez un véhicule électrique comme une version modernisée d'une voiture thermique, avec un moteur à combustion interne remplacé par une batterie électrique. Cette transition, centrée sur la motorisation, entraîne des implications majeures en matière de réparabilité. Les procédures de réparation et de recyclage des composants sont profondément affectées, tandis que la valeur des éléments constitutifs diffère entre les deux types de véhicules, influençant directement leur maintenance et leur durabilité.

Prenons l’exemple d’une Clio de 2005. Lorsqu'elle est destinée à la casse, elle est facilement reprise à un prix abordable. Une part importante de sa valeur réside dans le moteur et la boîte de vitesse, incitant ainsi les casses automobiles à récupérer ces véhicules, à démonter les pièces détachées en parfait état de fonctionnement, et à les revendre à des prix compétitifs par rapport au prix du neuf. Malgré les nombreux coûts logistiques, administratifs et humains impliqués, cette pratique reste viable et permet aux professionnels du recyclage d’être rentables dans la plupart des cas.

En revanche, pour les voitures électriques, la situation diffère considérablement. Malgré qu’un rétroviseur reste un rétroviseur, la principale source de valeur n'est plus le moteur mais la batterie, cependant elle est difficile à démonter et encore plus à recycler ou à réutiliser. Par conséquent, une casse automobile aura des difficultés à acquérir une voiture électrique endommagée à un prix abordable et la revente des autres pièces détachées ne permettra pas de dégager de rentabilité similaire à la rentabilité d’un véhicule thermique.

D’autre part, réparer les véhicules électriques et travailler sur les batteries requiert une véritable expertise et nécessite de nouveaux agréments, des installations spécifiques et la formation du personnel. Tous ces points constituent des investissements supplémentaires souvent dissuasifs pour les casses automobiles ou peu rentables.

De plus, les batteries des véhicules électriques en fin de vie sont classées comme des déchets dangereux, ce qui impose des exigences strictes en matière de gestion. Les coûts élevés associés à leur transport, ainsi que les protocoles de sécurité, rendent leur réutilisation ou leur recyclage économiquement peu viables pour les professionnels, qui se contentent souvent de les stocker.

Actuellement, nous constatons une croissance de la demande de pièces détachées sur les plateformes en ligne. Cependant, les casses automobiles éprouvent des difficultés à y faire face en raison des défis associés au traitement, aux exigences réglementaires, à la sécurité, et à la réutilisation des pièces autres que la carrosserie. De plus, un approvisionnement limité est constaté, du fait de la récente introduction de ces véhicules sur le marché.

Pour faire face à ces défis, une approche globale s'impose : tout d'abord, il est essentiel de repenser la réglementation, alléger les contraintes de transport des batteries et favoriser le reconditionnement plutôt que le stockage classique en casse automobile. Cela nécessite de faire appel à des opérateurs spécialisés dans le reconditionnement, bénéficiant de l'aval des constructeurs. De plus, la valorisation des véhicules électriques en fin de vie doit se concentrer sur la revente de pièces détachées plutôt que sur la simple masse du véhicule. Valoriser la fin de vie de ces véhicules contribuera à maintenir une demande pour ces pièces, favorisant ainsi une économie circulaire.

Enfin, sensibiliser les consommateurs sur la réalité de l'empreinte carbone des VE est crucial. Tout comme au Royaume-Uni, la publicité en France ne devrait pas éluder les émissions de CO2 générées lors de la fabrication et du démontage des batteries.

En conclusion, la réparabilité des véhicules électriques est un défi crucial dans la transition vers une mobilité véritablement plus durable. Les contraintes techniques et financières auxquelles sont confrontées les casses automobiles dans le traitement des batteries usagées soulignent la nécessité d'une action concertée de tous les acteurs de l'industrie automobile.