Ceci est le futur de l'investissement... et probablement hors de votre portée

Ceci est le futur de l'investissement... et probablement hors de votre portée Ce que les investisseurs recherchent se trouve désormais dans les entreprises technologiques. Voilà de quoi il s'agit.

Lorsque JCPenney a dévoilé ses résultats pour le deuxième trimestre, ce fut une surprise pour la plupart des investisseurs.

Et pourtant, une poignée de personnes n'ont pas été surprises d'apprendre que l'enseigne voyait passer plus de clients que prévu. Ces investisseurs, principalement des fonds spéculatifs, font appel à une entreprise appelée RS Metrics pour avoir des renseignements sur les parkings de JCPenney à travers les Etats-Unis.

Twitter vend des données à des banques directement, selon Elaine Ellis, directrice marketing chez Gnip

En utilisant des images satellites, RS Metrics pouvait voir que le trafic augmentait dans les magasins entre avril et mai, et ses clients pouvaient recevoir presque en temps réel des alertes sur ces affluences.

Et, s'ils le souhaitaient, ils pouvaient exploiter ces informations : les actions de JCPenney ont grimpé de plus de 10% après la présentation, sur plus de deux jours à la mi-août.

Bienvenue dans le monde des données alternatives ("alternative data"), où des données obscures peuvent devenir des informations échangeables. C'est une industrie confidentielle, faite d'entreprises technologiques qui ont fleuri ces dernières années, traitant des informations de toutes sortes, de la météo aux recherches sur le Web, et les vendant pour des milliers de dollars à des fonds spéculatifs à la recherche du moindre avantage à obtenir.

C'est légal (sous certaines conditions), et, ce n'est, en partie, que l'application d'une technologie sophistiquée au travail que des analystes ont fait pendant des années à la dure. A l'époque, la même intuition à propos de JCPenney aurait pu provoquer l'envoi d'un analyste dans plusieurs magasins du groupe pour effectuer une "vérification de la chaîne".

Pour les fournisseurs de ces données, ce n'est que le début, explique Michael Gantcher, responsable des ventes chez RS Metrics.

"C'est le Far West, et je le dis de manière positive", note-il. "Ce n'est pas bureaucratisé, systématisé ou trop régulé. Le côté achat peut poser une question à laquelle il a besoin d'une réponse."

Alternative data

Les données alternatives renvoient à tout ce qui est brut ou non structuré et elles se distinguent des archives de l'entreprise, des historiques de prix du marché ou des présentations d'investisseurs.

Le secteur d'activités a vu le jour au milieu d'une explosion des données disponibles lors des dix dernières années, en recueillant tout, des données mobiles aux offres d'emploi, en passant par les données de circulation.

"Il existe un catégorie entière de données émergentes, et cela provient du déploiement de millions de capteurs dans le monde entier à l'initiative des gouvernements, des entreprises ou des consommateurs", explique Adam Broun, directeur des opérations de Kensho, une start-up de la filière soutenue par Goldman Sachs.

"Microclimats"

"Les données météorologiques sont meilleures et vous pouvez obtenir beaucoup plus de détails sur les microclimats. Il existe des données sur le trafic, des données agricoles et chaque smartphone est un outil de collecte de données. Il y a les données Web. La liste est longue", a déclaré Broun.

Dans sa forme la plus simple, l'approche est assez directe. Si une entreprise annonce ses résultats chaque trimestre, et qu'un investisseur peut constater les mêmes tendances de revenus dans un ensemble de données alternatives (pensez aux visites sur le site Internet, au trafic routier, aux permis de construire), alors ils peuvent analyser la performance trimestrielle avant la concurrence, explique Erik Haines, directeur général de Quanton Data.

"Si vous êtes capable de faire ça pour battre le consensus et que vous avez une position à 100 millions de dollars dans cette entreprise, ça a énormément de valeur", dit-il.

Industrie artisanale

Les premiers à adopter ce commerce fondé sur les données ont été les fonds d'investissement qui se concentrent sur les fondamentaux d'une entreprise et utilisent des informations supplémentaires pour tester leurs hypothèses, selon Gene Akster, qui a travaillé avec les données alternatives dans des entreprises comme 1010data ou Point72 Asset Management.

Les fonds d'investissement quantitatifs se sont également aventurés sur ce terrain, ainsi que les prétendus fonds d'investissement "quanta-mentaux", qui combinent les approches quantitatives et les analyses fondamentales ascendantes.

Ils mettent les données sous licence et les exploitent en utilisant leurs propres équipes internes qui les traitent, paient pour des analyses faites pas des tiers ou rassemblent les données eux-mêmes.

Le schéma ci-dessous, tiré d'un livre blanc sur l'alternative data publié par Integrity Research Associates et écrit par Ekster, décrit le processus.

Le schéma ci-dessus est tiré d'un livre blanc sur les données alternatives. © Gene Ekster

Les investisseurs des fonds communs traditionnels débarquent eux aussi.

Vanguard Group, l'un des plus importants gestionnaires d'actifs au monde, utilise les données pour mieux comprendre les mouvements du marché, confie John Ameriks, chef de l'équipe des actions quantitatives de l'entreprise. Il cite des sources allant des réseaux sociaux aux documents gouvernementaux en passant par des analyses de texte.

"Nous voulons vraiment voir quelle est la chaîne de causalité", explique-t-il. "Lorsqu'on voit quelque chose se produire sur les marchés, en lien avec ce type d'actualités, ce type d'informations, ou ce type d'activités de recherche, pourquoi pensons-nous que cela conduit à un signal… et quelle est la théorie derrière "pourquoi va-t-il persister" ? C'est là que ça devient compliqué."

Les sources de données émergent également, notamment des entreprises qui génèrent des "données d'échappement" ("exhaust data", générées par le comportement en ligne des internautues, NDLR), comme un sous-produit de leurs propres fonctions internes.

Twitter, qui est avant tout une plateforme de communication mais a su trouver de la valeur dans les données de climat social qu'il est capable de regrouper, est un exemple.

Elaine Ellis, directrice marketing chez Gnip a confié à Business Insider que Twitter vendait ses données directement à des banques et à des fonds spéculatifs.

Vanguard Group, l'un des plus importants gestionnaires d'actifs au monde, utilise les données pour mieux comprendre les mouvements du marché

"Beaucoup d'entreprises recherchent des données d'échappement pour voir si elles peuvent en tirer quelque chose", explique Broun, de Kensho. "Elles sont plutôt réticentes à les utiliser de manière abondante, parfois pour des raisons de confidentialité et de réglementation ou parce qu'elles ne veulent pas en faire grand-chose."

Il y a des obstacles à la généralisation de l'utilisation de ces données. La vie privée est clairement un enjeu de taille. En août dernier, un article de Bradley Hope du Wall Street Journal sur le suivi des cartes bancaires a provoqué une tempête, par exemple. Selon ce papier, Yodlee, une entreprise de finances personnelles en ligne, a vendu des données de transactions bancaires à des entreprises capables ensuite d'évaluer précisément les dépenses chez chaque commerçant.

La régulation dans ce secteur n'en est encore qu'à ses balbutiements. Il n'y a pas d'affaires judiciaires bien connues, portant sur l'utilisation de données récoltées sur Internet à des fins d'investissement, par exemple, auxquelles se référer, selon Ekster.

"La conformité des recherches de données alternatives est un sujet de plus en plus important et qui fait l'objet d'intenses discussions en raison de son ambiguïté réglementaire.", explique-t-il dans le livre blanc.

Quoi qu'il en soit, il semblerait que l'extraction de données brutes et non-structurées à des fins d'investissement devienne quelque chose de courant. Les investisseurs embauchent des spécialistes en données (data specialists) et mettent en place des projets pour s'assurer qu'ils ne seront pas laissés pour compte.

"A un moment donné, ce ne seront plus des données alternatives", déclare Ekster.  

Article de Matt Turner. Traduction par Caroline Brenière, JDN

Voir l'article original : This is the future of investing, and you probably can't afford it