Est-ce le moment pour arbitrer entre unités de compte et fonds euros pour son assurance-vie ?

Avec près de 1 800 milliards d'euros d'encours, l'assurance-vie est le placement financier préféré des épargnants français pour investir leur argent. Face au contexte économique inédit découlant de la propagation du virus Covid-19, les épargnants sont nombreux à s'interroger sur la stratégie à suivre pour gérer leur patrimoine.

Forte incertitude sur l’économie mondiale : les marchés financiers décrochent et la volatilité s’envole

L’expansion rapide du Covid-19 à travers l’ensemble des pays développés du monde et les mesures de confinement mises en place pour ralentir sa progression ont entraîné une paralysie complète de plusieurs pans de l’économie. Ces dernières semaines, les bourses mondiales ont enregistré des baisses records. Le Cac 40 a perdu près de 30% et des niveaux de baisse semblables sont observés sur les autres places boursières européennes. De l’autre côté de l’Atlantique, la situation est analogue. Les cas de contamination explosent aux Etats-Unis.

L’économie se dirige vers une récession mondiale dont l’intensité pourrait dépasser celle de la crise de 2008. Si tel est le cas, les bourses mondiales pourraient plonger vers des niveaux encore plus bas. Au plus fort de la crise, le Cac 40 était tombé sous les 2 700 points (mars 2009). C’est 1 000 points de moins que les niveaux observés courant mars 2020.

Par ailleurs, le VIX (l’indice de la volatilité) dont la valeur est habituellement inférieure à 20 s’est envolé au dessus de 70. C’est le signe d’une volatilité extrême. Face à cela, de nombreux épargnants s’interrogent sur la stratégie à adopter pour protéger leur épargne investie en assurance-vie.

Des interrogations sur la stratégie à suivre avec son assurance-vie

Au sein des contrats d’assurance-vie, l’essentiel des encours (environ 80%) est investi en fonds euros, dont le capital est garanti par l’assureur. La performance de ces fonds sécurisés est en baisse depuis plusieurs années, en raison de la baisse du rendement des obligations sans risque. Ainsi, le rendement moyen des fonds euros est à des niveaux planchers (environ 1,5% en 2019). Les fonds euros peinent à couvrir l’inflation (1,1 % selon l'Insee) même s’ils rémunèrent toujours plus que le Livret A (0,50%).

Afin d’aller chercher de la performance et préserver le rendement des fonds euros, les professionnels du secteur ont incité les épargnants à investir davantage sur des supports délivrant des performances plus élevées mais aussi plus risqués. Car en assurance-vie se côtoient deux compartiments : le fonds euros, sécurisé, et les unités de compte (fonds d’investissement) qui comportent un risque de perte en capital. Ainsi, les épargnants sont invités à placer davantage d’argent sur les unités de compte au sein de leurs assurances-vie. Depuis peu, sur certains contrats, les versements 100% fonds euros ne sont d’ailleurs plus possibles.

Les unités de compte permettent de loger des parts de fonds d’investissement investis en actions, mais également de l’immobilier “papier” tel que des SCPI ou des OPCI. La stratégie des assureurs a bien fonctionné, puisqu’en décembre 2019, les versements vers les unités de compte représentaient près de 40% des versements réalisés vers les contrats d’assurance-vie (contre 20% habituellement, le reste étant investi en fonds euros).

Les épargnants ayant récemment investi en unité de compte ont subi une baisse significative de leurs placements en raison de la baisse des marchés. Cette baisse est d’autant plus sévère que l’est l’exposition en actions. Alors certains épargnants peu aguerris pourraient être tentés de solder leurs positions. Cette stratégie n’est pas forcément la bonne, car le gros de la baisse est peut-être déjà derrière nous. Aussi, les banques centrales et les Etats ont fait savoir qu’ils mettraient en œuvre tout ce qu’il serait possible pour faire repartir l’économie. Ces mesures sans précédent pourraient entraîner une remontée prochaine de la valeur des actifs, aussi les épargnants sortis du marché passeraient à côté de ce rattrapage. A défaut de relancer l’économie, les mesures prises pourraient entraîner un choc inflationniste. Ce risque n’est pas à exclure car il s’agit d’un des leviers dont disposent les Etats pour faire baisser leur niveau d’endettement (exprimé en pourcentage du PIB). Dans cette hypothèse, les fonds en actions constituent un bien meilleur placement que les fonds euroS.

Ceci dit, la poursuite de la baisse des marchés est un scénario que l’on ne peut exclure. Pour faire face à cette éventualité, les épargnants ont plus que jamais intérêt à rester disciplinés. Il est important de rappeler que l’investissement en actions est nécessairement un placement à long terme. Aussi, la part d’actions dans un portefeuille diversifié ne doit pas excéder le montant que l’épargnant s’est fixé. La récente baisse des actions a mécaniquement fait baisser la part des actions dans les patrimoines, donc les investisseurs suivant une allocation cible n’ont en principe pas intérêt à céder leurs actions.

Inquiétude sur les SCPI

Les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) sont des placements très populaires pour investir dans l’immobilier en déléguant complètement la gestion. Les épargnants sont nombreux à loger des parts de SCPI au sein d’un contrat d’assurance6vie afin de bénéficier d’un cadre fiscal très avantageux, puisque les gains peuvent être librement réinvestis au sein du contrat sans frottement fiscal.

Avec près de 8,5 milliards d’euros de collectes nettes en 2019, il s’agit d’une année record pour les SCPI. Le rendement moyen des SCPI s’établit à 4,4% en 2019, en légère hausse par rapport à 2018 (4,34%). Il s’agit incontestablement d’un des attraits forts ayant contribué à la popularité de ce produit et aux fortes collectes enregistrées en 2019.

Les SCPI sont diversifiées sur différents types de produits immobiliers (bureaux, centres commerciaux, habitat résidentiel, maisons de santé, etc.).

Malheureusement en raison du Covid-19, bon nombre de SCPI seront impactées par les difficultés économiques à venir, car certains locataires ne seront plus en mesure de payer leur loyer pendant quelques mois. La suspension des loyers va peser à la baisse sur le résultat opérationnel des SCPI, et donc leur rendement. Là encore, il faut tabler sur une relance économique rapidement pour limiter les dégâts.

En cas de perte de confiance, le désengagement rapide d’un grand nombre d’investisseurs pourrait avoir des effets désastreux, car les SCPI pourraient être contraintes de céder des actifs au plus mauvais moment. Mais comme les fonds actions, les SCPI sont des investissements long terme et les investisseurs seraient bien avisés de garder leur sang froid.

En conclusion, l’économie mondiale va traverser une période de forte volatilité et d’instabilité. Pour autant, il est difficile d’anticiper les meilleurs arbitrages à réaliser au sein des contrats d’assurance-vie tant le devenir des différentes classes d’actifs est incertain. Le rendement des fonds euros s’établit à des niveaux planchers et devrait le rester tant que les Etats lèveront de l’argent à des taux bas, un phénomène qui devrait perdurer afin de permettre le renforcement des politiques de relance économique. Du côté des actifs risqués, actions et immobilier, l’incertitude est grande et le risque de perte en capital est important, mais ils demeurent les seuls actifs délivrant une bonne performance à long terme et un rebond des marchés actions n’est pas à exclure. Les marchés actions se sont toujours remis des krachs en poursuivant leur hausse de plus belle. La fin du confinement, la découverte d’un traitement efficace contre le Covid-19, ou le retour de l’inflation pourrait entraîner un vif rebond des marchés actions.