L'œuvre d'art NFT, un actif pas comme les autres...
2021 aura été l'année du sacre des non fungible tokens et de leur utilisation dans le marché de l'art en vue, notamment, de certifier la propriété d'œuvres d'art numériques et d'inscrire leurs transactions de façon immuable dans un registre géré par la blockchain, permettant ainsi de les collectionner et faisant alors de l'œuvre d'art dite NFT un actif spécifique. Qui fait d'ores et déjà débat en France...
Quand l'artiste britannique de renommée internationale, Damien Hirst, lance il y a quelques jours sa dernière collection, en version physique et NFT, intitulée très adroitement "The Currency" en déclarant "l'avenir de l'art pourrait se jouer sur la blockchain", on est en droit de se demander ce que va devenir le marché de l'art traditionnel !
D'autant que des œuvres d'art numérique de certains artistes beaucoup moins connus sur le marché de l'art ont fait l'objet cette année d'incroyables spéculations, faisant parfois oublier que le bien acquis était aussi (?) une œuvre d'art, soit un élément patrimonial pas tout à fait comme les autres …
Décryptage : L'œuvre d'art [i] est un "bien" au sens juridique, c'est à dire "que l'on peut en disposer" car faisant l'objet d'un droit réel, soit susceptible d'appropriation. Et c'est cette attribution de propriété précisément qu'ont permis les NFTs dans le cas des œuvres d'art numériques - soient non matérialisées -, ce qui est en train de révolutionner le marché de l'art de plusieurs façons…
L'œuvre d'art est aussi considérée comme un "actif" dans le sens qu'elle peut produire pour son propriétaire des revenus ou un gain en capital, qui vient intégrer le patrimoine de l'artiste-auteur et/ou du collectionneur. Et si cet actif "non-financier" est souvent perçu comme insuffisamment "liquide", des initiatives afin de rendre des œuvres d'art plus "échangeables et monétisables" existent - grâce notamment à la technologie blockchain - comme notamment depuis 2019 la plateforme Monart [ii], ou bien encore la mise en vente par certains musées cette année - le Musée des Offices à Florence ou prochainement le Musée de l'Hermitage à St Pétersbourg - d'une version NFT (soit numérique) d'œuvres de certains de leurs grands Maitres, en l'occurrence Michel Ange, Leonard de Vinci ou bien Monet[iii].
Devenir le propriétaire d'une œuvre d'art, numérique ou pas, engage vis-à-vis de son auteur et de ses ayant-droits, comme vis-à-vis des héritiers présomptifs du propriétaire et/ou de ses donataires. Car l'œuvre d'art est un bien auquel s'attache des droits spécifiques, qui entre au même titre que les placements financiers et immobiliers dans le patrimoine de son propriétaire. Nécessitant de fait un traitement particulier - notamment en France en lien avec la réglementation du marché de l'art et du droit de la propriété intellectuelle -, la gestion patrimoniale des œuvres d'art, numériques ou pas, devient alors une discipline à part entière recouvrant des compétences spécifiques - juridiques, réglementaires et fiscales.
En ce qui concerne l'œuvre d'art numérique, le fait d'acheter des NFTs qui sont en quelque sorte des certificats d'authenticité numériques enregistrés au sein de la blockchain, permet aussi d'assurer le contrôle des droits d'auteur, et notamment le droit de suite, ainsi que la traçabilité des transactions à venir. Or dans ce cas précis, lorsqu'un collectionneur acquiert une œuvre d'art NFT, il n'achète pas en fait une œuvre d'art physique mais un jeton/token (NFT), soit un certificat de propriété d'une œuvre d'art virtuelle, avec pour conséquence qu'il n'est détenteur que des droits sur le NFT qu'il pourra céder en vente aux enchères par exemple et pour lesquels, il sera rémunéré en crypto-monnaies !
Et cela rebat absolument les cartes puisqu'à ce jour, les NFTs ne font l'objet d'aucune réglementation spécifique dans le marché de l'art [iv] et qu'il existe de fait une incertitude sur le régime fiscal qui leur est applicable dans le cadre de l'œuvre d'art ; le NFT étant considéré comme un actif numérique au sens fiscal de l'article 150 VH bis du CGI, et sa taxation en France intervenant lorsque le jeton/token issu de la transaction est reconverti en euros.
Alors à ce jour, il y a débat en France - notamment au titre des articles L. 111 et suivants du Code de la propriété intellectuelle -, sur le fait que le NFT en tant que tel, puisse être apparenté ou non à une œuvre d'art, d'autant que pour cet actif numérique la taxation applicable en cas de plus-value, sauf cas particulier, est la flat tax à 30% ...
[i] En France, la législation encadre strictement la notion d'œuvre d'art car la fiscalité régissant les œuvres d'art est spécifique (en matière de TVA comme en matière d'impôt). Ainsi, l'article 98-A du code des impôts donne les critères permettant de définir ce qu'est une œuvre d'art du point de vue du législateur, et ce, par discipline artistique
[ii] La plateforme Monart propose d'investir dans sa crypto-monnaie le MArt Token afin d'acquérir un titre de propriété sur une œuvre d'art avec d'autres investisseurs, et par ailleurs recevoir des revenus en fonction de la fluctuation de la valeur de leur MArt Token et donc in fine du prix des œuvres d'art
[iii] Des entreprises privées ont breveté des méthodes de création de versions numériques d'œuvres d'art célèbres dans leurs dimensions d'origine, qu'ils appellent DAWs. Chaque pièce est assortie d'un jeton NFT et d'un certificat d'authenticité et par conséquent, chaque œuvre est unique et à l'épreuve du vol
[iv] Les NFTs constituent avant tout des actifs numériques soumis aux dispositions de l'article 86 de la loi PACTE du 22 mai 2019 qui a créé l'article L. 54-10-1 du Code monétaire et financier (CMF), qui définit l'actif numérique comme suit : Toute représentation numérique d'une valeur qui n'est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique.