Assurance affinitaire : entre illusion de protection et réalité d'arnaque

Le dynamisme du marché de l'assurance affinitaire a séduit de nombreux acteurs mais également conduit à des dérives inacceptables.

Le dynamisme du marché de l’assurance affinitaire a séduit de nombreux acteurs : courtiers, assureurs, gestionnaires de contrats mais aussi des distributeurs à titre accessoire. Ce produit est aujourd’hui sous le feu de projecteurs car accusé par l’ACPR de relever dans de nombreux cas d’une arnaque dont le souscripteur serait la victime. Des critiques légitimes qui doivent appeler à une réforme immédiate et réguler davantage ce Far West qu’est l’assurance affinitaire en France ! En plus de protéger les consommateurs, cela évitera que des mauvaises pratiques isolées nuisent à l’ensemble du secteur.

De quoi parle-t-on ?

L’assurance affinitaire est une offre d’assurance complémentaire proposée par une entreprise à ses clients, en lien avec le produit ou service acheté mais qui n’est pas l’objet principal de la vente. C’est donc une garantie accessoire et facultative. Les assurances affinitaires concernent généralement les produits high-tech ou électroménagers. Ces assurances sont proposées lorsque l’acheteur fait l’acquisition d’un produit ou d’un service au coût relativement élevé.

Des critiques récentes soulevées par l’ACPR

Le 6 mars dernier, l’ACPR, l’Autorité de Contrôle prudentiel et de résolution, a présidé une conférence de presse dans laquelle elle a sévèrement critiqué l’assurance affinitaire. Elle a appuyé ses critiques sur des chiffres relativement parlants, qui montrent parfaitement à quel point le produit est trompeur. L'ACPR observe un taux de rejet des demandes de couverture variant de 40 % à 80 %. De plus, en matière procédurale, les procédures de réclamation semblent complexes et longues, avec de nombreuses conditions et exclusions qui peuvent aboutir au refus de l'indemnisation pour des motifs peu clairs.

L'ACPR met également en lumière le maintien de commissions excessivement élevées chez les distributeurs, atteignant parfois 40 à 50 %, et pouvant même grimper jusqu'à 75 % en cas d'objectifs de vente. Par ailleurs, le régulateur indique que le ratio sinistres/primes reste particulièrement faible, oscillant entre 15 et 20 %.

Le directeur de l’ACPR est même venu préciser que “sur 10 euros de cotisations, seuls 2 servent effectivement à la couverture des sinistres”, le reste est la marge des distributeurs et des assureurs… Par conséquent, le coût de l'assurance affinitaire est excessif par rapport à la couverture proposée.

Les autres problèmes de l’assurance affinitaire

On peut assurément relever en premier lieu le manque de transparence de ces assurances. Les conditions et les exclusions de ces assurances ne sont pas toujours clairement expliquées au moment de l'achat. Les consommateurs peuvent donc se retrouver avec une couverture qui ne répond pas à leurs besoins ou attentes, voire même, ne pas être informés de la souscription à une telle complémentarité.

L'assurance affinitaire peut également couvrir des risques déjà pris en charge par d'autres polices d'assurance que le consommateur possède déjà, comme une assurance habitation ou une assurance auto, rendant ainsi l'achat redondant et donc inutile.

Les assurances affinitaires sont souvent proposées dans un contexte où le consommateur est sous pression lors de l’achat d’un bien ou service représentant des coûts très importants. Les vendeurs profitent donc d’une situation plus que délicate pour l’acheteur afin de le faire souscrire à une assurance à laquelle il n’aurait pas souscrit en temps normal.

Enfin, ces contrats manquent de personnalisation des besoins. Ces assurances sont construites sur la base d’une couverture standardisée qui ne tient pas compte des besoins spécifiques de chaque consommateur, ce qui peut entraîner une sous-assurance ou une sur-assurance dans certains cas.

Un cadre réglementaire insuffisant 

Le code des assurances impose pourtant au vendeur une obligation de conseil lors de la vente de produits concernés par l’assurance affinitaire et surtout, une transparence totale quant à la la présence de cette assurance.

La loi Hamon de 2014 est venue encadrer la protection des consommateurs en imposant des conditions d’application strictes de l’assurance affinitaire, notamment la possibilité de résiliation au bout d’un an, celle de résilier sans justificatif une assurance payée mensuellement, et enfin, un droit de rétractation de 14 jours. Il y a donc une logique de protection du consommateur, mais cela n’empêche en rien les abus par les vendeurs de ce type d’assurances.

Comment corriger le tir et protéger les consommateurs ? 

Une proposition de loi « Pour un accès plus juste et plus transparent au marché de l'assurance affinitaire » a été enregistrée à l'Assemblée nationale le 21 février 2023, avant d’être renvoyée pour examen en commission des finances. Depuis, il ne s’est rien passé…

D’autre part, un avis du Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF) a été adopté à l'unanimité de ses membres afin de "renforcer la protection des consommateurs". Parmi les mesures prévues, on y retrouve notamment une partie sur le consentement du client, ou encore sur le devoir de conseil du vendeur, qui est nettement renforcé. Là encore, cela ne s’est pas suivi de loi en la matière.

A mon sens, le vrai problème vient du fait que ces assurances affinitaires ne sont pas vendues directement par des professionnels du secteur de l’assurance et que ces derniers touchent des commissions beaucoup trop importantes sur ces ventes. Un régime spécifique encore plus strict sur la commercialisation des assurances devrait être créé. Par ailleurs, il faudrait accroître la transparence sur les commissions touchées par ces derniers sur ces assurances.


Si tous les particuliers escroqués par le groupe d'assurance affinitaire SFAM (qui s’est depuis renommé Celside pour essayer de laver son image) avaient eu une présentation claire du produit et des commissions touchées par le vendeur, il est fort à parier que très peu d’entre eux auraient souscrit. Donc, protégeons tous les autres de distributeurs parfois mal intentionnés et légiférons dès que possible !