"Ma femme m'a volé en secret et la justice lui donne raison"

"Ma femme m'a volé en secret et la justice lui donne raison" Une immunité méconnue du grand public permet de s'approprier des biens de ses proches sans risquer de poursuites pénales.

Voler les affaires de son conjoint est-il autorisé par la loi ? La question peut paraître surprenante, mais la réponse se trouve écrite noir sur blanc dans le Code pénal français. L'article 311-12 dit clairement : "Ne peut donner lieu à des poursuites pénales le vol commis par une personne au préjudice de son conjoint", mais aussi "au préjudice de son ascendant ou de son descendant".

En d'autres termes, ce dispositif légal signifie qu'un époux peut techniquement s'approprier les biens de son conjoint, qu'un enfant peut prendre l'argent de ses parents, ou qu'un parent peut utiliser les affaires de son enfant, sans craindre de finir devant un tribunal correctionnel.

Cette règle, appelée "immunité familiale", s'étend également à d'autres infractions comme l'escroquerie, l'abus de confiance, l'extorsion et le chantage. L'immunité familiale fait obstacle aux poursuites pénales, transformant ce qui serait normalement un délit en un simple conflit familial aux yeux de la justice.

Toutefois, cette immunité n'est pas absolue et comporte des exceptions importantes. Elle ne s'applique pas lorsque le vol porte sur "des objets ou documents indispensables à la vie quotidienne de la victime". Sont ainsi exclus de l'immunité les documents d'identité, les titres de séjour pour les étrangers, les moyens de paiement comme les cartes bancaires ou les chéquiers, et les moyens de télécommunication tels que les téléphones portables, ordinateurs ou tablettes. L'immunité disparaît également si les époux sont séparés de corps ou autorisés à résider séparément, ou si l'auteur du vol exerce une fonction de tuteur, curateur ou mandataire de la victime.

En revanche, il reste possible de voler légalement de nombreux objets à ses proches : bijoux, vêtements, appareils électroménagers, livres, meubles...

Cette loi a été mise en place pour préserver la paix des familles et éviter que les tribunaux ne soient encombrés de conflits familiaux. Le législateur considère que ces affaires peuvent être réglées au sein de la famille sans recourir à la répression pénale, qui vise plutôt à protéger l'ordre public et la société dans son ensemble. L'immunité familiale repose sur l'idée qu'il existe une certaine communauté de biens au sein de la famille et que les liens affectifs justifient une plus grande tolérance juridique.

Néanmoins, l'absence de poursuites pénales n'empêche pas d'éventuelles poursuites civiles. La victime d'un vol commis par un membre de sa famille peut toujours demander réparation devant un tribunal civil pour être remboursé de ses biens ou obtenir des dommages et intérêts. L'immunité familiale fait disparaître les poursuites possibles mais pas l'infraction : elle peut même être invoquée dans le cadre d'une procédure de divorce pour faute ou d'une révocation de donation pour ingratitude.