Reed Hastings : "La France compte moins d'abonnés à Netflix que l'Allemagne"

Reed Hastings : "La France compte moins d'abonnés à Netflix que l'Allemagne" Reed Hastings était de passage à Paris pour faire le point sur la stratégie de contenus et l'activité française de sa plateforme. Le JDN l'a rencontré.

Le patron de Netflix, Reed Hastings, a profité de sa tournée européenne (Netflix vient de se lancer en Espagne, Italie et au Portugal) pour faire une halte à Paris et rencontrer quelques journalistes à l'occasion d'un déjeuner. L'occasion de faire le point sur l'activité du sevice, lancé depuis maintenant un peu plus d'un an en France."Nous avons conquis un peu plus de deux millions d'abonnés en France et dans les autres pays européens ou nous nous sommes implantés en septembre 2014 : Allemagne, Autriche, Belgique, Luxembourg et Suisse", annonce-t-il. Se refusant à communiquer le chiffre précis pour l'Hexagone, il concède tout de même que "la France est devancée par l'Allemagne en termes d'audience". De quoi mettre en doute les estimations de NPA qui estimait que le service atteindrait les 900 000 abonnés en France à la fin de l'année 2015. Avant cette vague de lancement, Netflix était déjà présent au Royaume-Uni, où il compterait aujourd'hui près de 4,5 millions d'abonnés.

Les discussions avec Free suivent leur cours...

S'il admet que "l'exception culturelle française en fait un marché très particulier", Reed Hastings se veut confiant et assure que "l'objectif du tiers de foyers français abonnés d'ici 7 ans tient toujours". Dans un marché où le pouvoir de prescription des FAI est très fort et la présence au sein de box indispensable, Netflix peut se targuer d'accords de distribution avec Orange, Bouygues Telecom et SFR. Manque toutefois Free à l'appel. "Mais les discussions sont toujours en cours", assure-t-il. Où en est-il de sa sa bisbille avec Xavier Niel soupçonné de ralentir volontairement les débits de diffusion (une baisse de 10% a été constatée en septembre dernier sur les Freebox) ? "Il s'agissait en fait d'un problème technique, la situation est revenu à la normale", tempère Reed Hastings.

"Pas inquiété par le nombre de nouveaux abonnés en deça des prévisions"

Avec un total de 69 millions d'abonnés à la fin du mois de septembre et une activité rentable (29 millions de dollars de bénéfices au troisième trimestre), on pourrait penser que Netflix a de quoi voir l'avenir sereinement. Les marchés financiers lui ont pourtant lancé un sérieux avertissement à l'occasion de la publication de ses derniers résultats, avec une chute de près de 14% du cours de bourse dans les heures qui ont suivi. En cause : un nombre de nouveaux abonnés inférieur aux prévisions (3 millions, contre un peu plus de 3,5 millions d'abonnés attendus) et une pression concurrentielle qui s'accroît avec le lancement par HBO de son propre service à la demande. Deux motifs d'inquiétudes que Reed Hastings balaie d'un revers de la main en déclarant que "les soubresauts de la croissance restent anecdotiques dès lors que celle-ci est continue sur le long terme" et que "un climat concurrentiel accru est le meilleur moyen de s'améliorer et contenter le client". Et le patron risque d'être servi de ce point de vue. Amazon étant de plus en plus agressif sur le sujet avec Prime.

Youtube vient, lui, de lancer Red, un service payant qui lorgne aussi du côté des contenus vidéos originaux. Une initiative, il est vrai, aussi floue que timide pour l'instant, qui n'a pas de quoi vraiment l'inquiéter, propos à l'appui. "Youtube est surtout connu pour ses compétences en matière d'UGC et ce service m'a l'air d'être vraiment orienté vers la musique."

Une concurrence aux ressources quasi illimitées

Reste qu'avec plusieurs dizaines de milliards de dollars en caisse Google est, au même titre qu'Amazon, un géant aux ressources quasi illimitées. Tout le contraire de Netflix, qui doit soutenir sur sa seule activité sa stratégie d'investissements dans le contenu ("près de 6 milliards de dollars en 2015"). La plateforme a d'ailleurs été soupçonnée de faire grimper d'un dollar le prix de son abonnement standard (celui à deux écrans) pour inciter les abonnés à passer à celui à quatre écrans qui devenait, par domino, plus attractif. "Absolument pas, coupe Reed Hastings, il était dans la logique des choses de proposer trois abonnements à 8,10 et 12 dollars".

Si la société dispose de près de 2,1 milliards de dollars de liquidité en poche, elle a d'ores et déjà annoncé qu'elle allait devoir à nouveau emprunter de l'argent aux marchés. Début 2015, 1,5 milliard de dollars ont déjà été levés via une émission de dette à long terme. L'exercice 2016 devrait débuter par un exercice de séduction similaire auprès des investisseurs.

Prime est désormais donnée aux contenus originaux

Il faut dire qu'avec un premier film, Beast of No Nation, que l'on dit en route pour les Oscars et qui est déjà "le film le plus populaire sur Netflix avec plusieurs millions de vues", Netflix a accéléré radicalement sa politique en matière de contenus originaux. La nouvelle saison d'Orange is the new black est sortie il y a peu, celle de Daredevil est dans les tuyaux et la nouvelle pépite du groupe, Narcos, rencontre le succès. 20 nouvelles saisons de séries et une dizaine de documentaires sont prévus pour l'année prochaine. "Il est évident que le catalogue va progressivement se consolider autour de nos contenus originaux, les accords de licence faisant office de garniture au sein du gâteau Netflix", avance un Reed Hastings qui aime à manier la métaphore. La France aura droit à sa part au printemps prochain avec l'arrivée de "Marseille", une série Netflix en huit épisodes mettant Gérard Depardieu aux prises avec Benoit Magimel. "Car au final c'est la qualité du contenu qui prime".