Les fausses informations à l’épreuve des algorithmes

Au-delà de toute considération politique, de différentes analyses pointant du doigt la montée des populismes et nationalismes de tous bords ou encore du rejet de la classe politique en place, les derniers grands rendez-vous politiques ont été marqués par les fausses informations.

Qu'il s'agisse du vote sur le Brexit, des élections présidentielles aux États-Unis comme en France, ces différentes campagnes ont mis en avant la volonté de militants, de partis ou même d'États à servir de relais aux fausses informations avec pour objectif d'influencer le résultat de votes. Il est donc aujourd'hui important de comprendre les enjeux liés à ces pratiques. Cela est d'autant plus vrai qu'en raison d'internet et des réseaux sociaux, les canaux de diffusion ne manquent pas.

Face aux critiques, deux géants d'internet ont récemment réagi à ce phénomène. Le premier, Facebook, a mené une campagne de suppression de comptes dits "non authentiques". Pour ce faire, il a mis en place des outils capables d'analyser le comportement de différents comptes afin d'isoler ceux dont l'objectif était la diffusion d'informations sous pseudonyme. Cet outil ne s'attache donc pas à déterminer le caractère faux ou non d'une information, mission toujours remplie par l'intervention humaine grâce aux différents signalements d'utilisateurs et aux modérateurs, mais à en supprimer l'émetteur. Autre acteur majeur, Google, a lui aussi décidé de riposter. L'acteur devenu incontournable grâce à son célèbre moteur de recherche a ainsi adapté son algorithme de référencement des différentes pages internet. Il entend ainsi être plus pertinent dans les résultats proposés aux internautes au moyen d'une meilleure classification des sites et informations considérées comme moins fiables ou de moindre qualité. Là encore, Google ne s'affranchit pas de l'intervention de ses utilisateurs, ces derniers ayant toujours la possibilité de faire remonter leurs observations à Mountain View.

Si ces initiatives sont, somme toute, louables, elles soulèvent tout de même quelques interrogations. En effet, à l’heure où l’image joue un rôle crucial, lorsque la notion même de vérité semble être plus étroitement liée à l’émotion qu’à la démonstration, il apparaît essentiel non pas de contrôler les informations en circulation, mais d’en déterminer et la provenance et le niveau de confiance à leur accorder. Google et Facebook entendent remplir ces deux objectifs. Cependant, un facteur reste mis de côté : l'audience de ces fausses informations. En effet, ce ne sont pas tant les fausses informations qui posent aujourd'hui problème que le fait qu'un plus grand nombre de personnes y accordent du crédit. Tenter de les dissimuler pourrait donc renforcer l'idée, bien ancrée chez certains, que quelque chose leur est dissimulé et que si certaines fausses informations leur sont cachées, elles comportent certainement une part de vérité. Ce sentiment est d'autant plus fort que Google et Facebook sont deux géants d'internet sur lesquels planera toujours un doute quant à la mise en avant de certaines informations voir même, la peur de la censure.

Différents médias ont également rejoint la lutte contre les fausses informations. Qu'il s'agisse de démontrer que des informations sont fausses ou de les identifier le plus rapidement possible, cette riposte est là encore incomplète et ne prend pas en compte le rejet des médias par une partie de la population. Les fausses informations font suite à un mouvement de fond de remise en cause de la parole politique et médiatique. La première ayant d'ailleurs bien souvent remis en cause la parole des seconds en fonction d'intérêts divergents, même les tentatives pédagogiques de médias visant à donner une grille d'analyse des informations à ses lecteurs et auditeurs seront critiquées pour les mêmes raisons.

Les deux solutions présentées précédemment ne déméritent donc pas. Cependant, elles interviennent a posteriori. Les fausses informations qu'elles entendent dénoncer ont donc bien souvent eu le temps d'être relayées. S'il est impossible d'anticiper l'ensemble des fausses informations tant l'imagination de ceux qui les diffusent semble être sans limites, il est cependant possible d'être, dans un certain nombre de cas, proactif. Par exemple, alors candidat à l'élection présidentielle, Emmanuel Macron a su, avant le premier tour, anticiper la probable[1] diffusion de fausses informations concernant des avoirs dissimulés ou encore un héritage. Il est intervenu en amont pour les démentir alors qu'elles n'étaient que des bruits de couloir et a ainsi été le premier à communiquer. Nul doute qu'il aurait été bien plus difficile de justifier a posteriori, même sur des éléments factuels, qu'il s'agissait de fausses informations.

Enfin, si les fausses informations ont été au centre de toutes les attentions ces derniers mois, il serait malheureux d'imaginer que de tels procédés ne puissent être appliqués pour cibler certains acteurs du secteur privé. Il convient donc de retenir l'ensemble des enseignements des dernières échéances politiques. Si aucune solution n'est totalement efficiente, lutter contre les fausses informations est avant tout une mission qui incombe à ceux qui en sont la cible. Ces derniers, tout en faisant preuve de la plus grande des prudences, doivent être proactifs dans leur communication. Ils doivent également s'assurer d'être les plus transparents possible pour ne pas laisser le doute s'installer et ne pas s'enliser dans un certain nombre de justifications après coup. Les médias traditionnels comme les acteurs d'internet ont certes leur rôle à jouer. Mais aucun algorithme ni initiative des médias ne pourront, à eux seuls, restaurer une confiance perdue. Il leur est donc essentiel de se donner les moyens d’être proactifs dans leur communication pour construire et entretenir l'image qu'ils entendent avoir auprès du grand public.


[1] À l'entre-deux tours, de nouvelles tentatives visant à diffuser de fausses informations ont également eu lieu.