Quelles disruptions pour le secteur du divertissement ?

Le secteur du divertissement vit actuellement un véritable big bang auquel la crise de la Covid n'est pas étrangère.

Amazon qui s’offre le mythique studio MGM et retransmet une partie des matchs du tournoi de Roland-Garros. M6 et TF1 qui nouent une alliance éclair autour des enjeux publicitaires. Netflix qui devrait prochainement proposer une offre de Jeu vidéo en Streaming-Cloud Gaming…

Le secteur du divertissement vit actuellement un véritable « big bang » auquel la crise de la Covid n’est pas étrangère.

Alors que théâtres et cinémas commencent à rouvrir leurs portes et que des événements comme les concerts et les festivals entrent en phase de test, le secteur s’interroge sur son avenir. 

Imaginez. Pendant presque un an, les dépenses publicitaires se sont drastiquement réduites, avec des entreprises qui ont comprimé leurs coûts marketing, affectant ainsi les revenus de l’ensemble de l’industrie des loisirs. 

La situation semble tout aussi problématique, quelle que soit la partie du monde concernée. La Chine a été confrontée à la fermeture de 40 % de ses cinémas, tandis qu’aux États-Unis et au Royaume-Uni, la deuxième plus grande chaîne de cinémas, Cineworld, a fermé boutique. La grande chaîne de multiplexes AMC était également menacée de fermeture imminente, avant sa réouverture partielle à New York début 2021 et le redressement de son cours de Bourse à Wall Street.

Les seuls secteurs à tirer leur épingle du jeu en 2020 furent les marchés liés au numérique, tels les acteurs du streaming et leurs applications d’e-sport ou de jeux vidéo en ligne, qui ont tous connu une croissance remarquable. 

Les revenus générés par les services de jeux vidéo en streaming ont ainsi franchi cette année la barre du milliard de dollars et, selon le cabinet d’analyse Newzoo spécialisé dans le jeu vidéo, ils devraient atteindre 1,5 milliard de dollars fin 2021 et plus de 5 milliards en 2023.

Le passage à la 5G et son effet disruptif sur le marché de l’Entertainment

2020 a également vu l’apparition de la cinquième génération de réseaux de téléphonie sans fil, encore plus puissante en débit, avec pour conséquence un réalignement des acteurs et des modèles économiques du divertissement traditionnel et numérique.

Si les deux premières générations ont permis, puis accéléré les communications vocales, la troisième (3G) a rendu l’échange de données mobiles suffisamment simple pour un usage à grande échelle et a favorisé l’émergence de services musicaux tels que Spotify. La quatrième génération (4G) a apporté plus de puissance et de vitesse aux réseaux de données mobiles, en accélérant des services tels que la diffusion de vidéos sans fil de type Netflix.

La technologie 5G permettra d’atteindre des vitesses de transmission de données encore plus élevées et ira de pair avec l’émergence de nombreux services tels que les objets connectés, la médecine à distance et, en matière d’Entertainment, le streaming de jeux vidéo.

À chaque disruption, un modèle économique renouvelé

À chaque disruption correspondent de nouveaux modèles économiques. Et en matière de divertissement, l’impact du digital est triple. Il impacte la distribution, la production et le marketing des contenus.

Prenons tout d’abord l’exemple de l’industrie du cinéma et l’impact de la numérisation sur la distribution de films.

L’essor des services de streaming vidéo via smartphone, tablette ou ordinateur portable a entraîné une chute spectaculaire des ventes de DVD, longtemps considérés comme la « vache à lait » du secteur. La croissance des ventes de Smart TV aux écrans haute définition constitue un réel risque de détourner les cinéphiles des salles de cinéma.

Pour l’industrie musicale, la dématérialisation des supports et la disparition des appareils de lecture ont également eu raison des supports à faibles valeurs ajoutées tels que le CD, souvent qualifié de « galette de plastique ».

Enfin l’industrie du jeu vidéo se prépare au cours de la décennie actuelle à voir disparaître progressivement des consoles et des achats de Jeux physiques, bientôt remplacés par de nouveaux usages tels que le streaming de Jeu vidéo ou Cloud Gaming, qui permettra de jouer à des jeux vidéo de type PC sans console, sans téléchargement, sans mise à jour, sur tous les appareils.

Les nouveaux entrants dans chacune de ces industries ont adopté un modèle qui sert leurs intérêts commerciaux. Netflix, Spotify ou Xbox Game Pass ont choisi un modèle d’abonnement peu ou prou illimité et à prix accessible.

Apple utilise de son côté les contenus audio, vidéo et jeux avant tout afin de promouvoir la vente de ses terminaux maison, qui lui assurent encore de très belles marges. 

Quant à Amazon, la vente de contenus lui permet de valoriser son service Amazon Prime. 

La disruption des usages a également un impact sur la production des contenus.

L’industrie du cinéma tire parti des avancées technologiques dans la captation et la postproduction de films – effets spéciaux compris – pour tirer vers le bas les coûts de fabrication.

Le secteur de la musique fait de plus en plus la part belle aux créations issues de home studios et faisant appel à des instruments de musique virtuels, avec des voix transformées via vocodeur.

Enfin, le secteur du jeu vidéo expérimente la production de jeux pensés pour être joués dans un environnement Cloud et permettant de repousser les frontières de notre imagination.

Demain, il sera par exemple possible de passer d’un format interactif à un autre et – de même que Netflix a pu licencier des séries phare comme « Stranger Things » à des éditeurs de jeux vidéo ou donner le pouvoir aux spectateurs d’un épisode de « Black Mirror » d’en décider la fin – de visionner un programme vidéo et d’y entrer ensuite sous la forme d’un avatar pour interagir avec ses personnages et contenus.

Le dernier impact de la disruption concerne le marketing des contenus de divertissement. Comme l’explique Thomas Lesinski de Paramount Digital, « la façon dont les grands films sont commercialisés n’a plus de sens. Un studio qui dépenserait jusqu’à 50 millions de dollars en publicité télévisée saturée révèle un manque d’innovation significatif. Après tout, des bandes-annonces convaincantes peuvent faire le tour du web via Facebook, Twitter et YouTube sans aucun coût ».

Sur ce point, le secteur du jeu vidéo bénéficie d’une belle longueur d’avance, tant les communautés de gamers sont actives et déjà adeptes des réseaux sociaux.

Certains éditeurs comme le français Ubisoft – avec Ubisoft+ – ont d’ailleurs décidé de mettre en place des services de jeux vidéo par abonnement multiplateforme et espèrent en tirer des revenus supplémentaires via des abonnements, contenus premium ou produits dérivés.

Enfin, des acteurs du secteur de la distribution comme Walmart aux États-Unis n’hésitent pas à réfléchir à une offre de Cloud Gaming à destination des millions de personnes abonnées à leur service client.

Le marché publicitaire en embuscade

Comme pour la musique et le cinéma, le marché du jeu vidéo compte également dégager de nouvelles sources de profit grâce à la publicité.

Rappelons que les régies publicitaires se tiennent également en embuscade et envisagent de tirer parti des abonnés à ces services numériques :

  • Fourniture d’accès freemium afin d’acquérir de vastes bases de données, exploitées ou revendues ensuite à des tiers dans le respect du RGPD.
  • Formats Ad to Play qui supposent la consommation de publicité avant la consommation numérique.
  • Publicités intégrées qui se glissent directement au cœur du contenu (panneaux dans un terrain de football ou sur le bord d’un circuit de formule 1).

Les raisons d’espérer

Quel que soit le modèle ou la monétisation choisie, les industries du divertissement savent qu’au sortir de la pandémie, rien ne sera comme avant, mais que numérisation et profitabilité peuvent aller de pair.

Ainsi, l’industrie musicale, première touchée par la numérisation, renoue depuis quelques années avec les bénéfices.

Les studios de cinéma expérimentent quant à eux la sortie simultanée des films sur tous les écrans ou nouent des alliances (ou des rachats) avec les GAFA.

Enfin, s’il est un secteur déjà armé pour affronter le « monde de demain » et montrer le chemin aux autres industries du divertissement, c’est bien le marché du jeu vidéo.

Épargné par la pandémie, ressorti renforcé de cette crise sans précédent, son modèle économique, ses innovations et son statut de super média (il fusionne image, son et désormais vidéo 4K) pourraient bien en faire l’arbitre des mutations de demain.

La récente annonce par Rockstar Games (éditeur de la très musicale licence GTA) de son entrée sur le marché de l’édition musicale en apporte une nouvelle  preuve éclatante.

Musique, image, animation ou vidéo, quel que soit le chemin ou l’alliage média que choisiront les entreprises du secteur du divertissement, une chose est sûre… Nous n’avons pas fini de nous amuser !