Vente en ligne de médicaments : l'indispensable révolution numérique des pharmacies d’officine

L’évolution des nouvelles technologies de l’information et de la communication, combinée aux évolutions des habitudes de consommation ont révolutionnés de nombreux secteurs industriels et culturels. Cependant, l’un des derniers grands secteurs à ne pas avoir largement opéré sa révolution numérique est celui de la santé.

Le développement de la télémédecine est devenu une priorité pour les gouvernements, précédant et actuel, au travers de la loi HPST de 2010 qui est venue renforcer l’assise juridique de la télémédecine, en précisant les conditions de sa mise en œuvre et son organisation. Ajoutons à cela la récente autorisation pour les pharmacies d’officine de vendre des médicaments non remboursés sur internet : on comprend aisément que ces avancées représentent un enjeu primordial pour tous les acteurs et garants de la santé publique: médecins, agences réglementaires, industriels mais aussi les pharmaciens d’officines. Dernier maillon du parcours de soin, responsable de la délivrance du médicament et garant d’un conseil médical de grande qualité, le pharmacien ne peut échapper à la révolution numérique précédemment décrite.

Cette évolution d’une partie de la chaîne de délivrance du médicament soulève de nombreux doutes et inquiétudes, notamment chez les pharmaciens qui voient dans celle-ci une étape supplémentaire vers un inexorable démantèlement du monopole pharmaceutique. Au contraire, je pense que cette évolution est une chance, une opportunité pour la profession d’affirmer un peu plus son statut d’acteur indispensable de la santé de nos concitoyens. Prenons l’exemple des médecins : pour contrer la forte augmentation de blogs et de sites internet prétendant donner des conseils médicaux voire même pour certains poser un diagnostic, très souvent d’origine douteuse, de nombreuses initiatives mises en place par des praticiens ont vu le jour. De nouveaux sites internet dont le contenu médical est rigoureusement contrôlé par des professionnels se sont développés, de même que de nouvelles prestations de conseil à distance. Des sociétés telles que Medecindirect, Wengo Santé ou encore Docteurclic proposent ainsi des prestations de conseil par internet, téléphone ou même webcam. Ces prestations ne visent absolument pas à remplacer une consultation chez le médecin, mais simplement à faciliter l’accès aux conseils d’un professionnel. Nous devons bien comprendre ici que les patients d’aujourd’hui ne se limitent plus à prendre leur traitement sans se poser de questions. Au contraire, ils deviennent de véritables acteurs de leur santé, se renseignent, s’informent, veulent comprendre. Ce phénomène peut aller, dans certains cas, jusqu’à l’automédication et l’achat de certains médicaments sur internet.
Si l’on veut encadrer ces nouvelles pratiques et garantir à nos patients l’accès à des médicaments dont l’origine est contrôlée ainsi que les conseils associés indispensables, nous, pharmaciens, devons nous adapter. La vente en ligne existe déjà. Ce phénomène est appelé à prendre de l’ampleur. Ne perdons pas de vue que nous devons être au service de nos patients, et non pas leur imposer des pratiques de délivrance qui ne correspondent plus à leurs besoins. Bien entendu, la vente sur internet ne doit pas se limiter à une simple commande du patient suivi par une livraison à son domicile. C’est dans cette optique que de nouvelles plates-formes de vente en ligne prévoient déjà de développer de nombreux services annexes facilitant l’interaction entre le patient et le pharmacien.

La préservation du monopole pharmaceutique par les pharmaciens ne se fera pas en s’érigeant systématiquement contre toute évolution du métier, mais en s’adaptant et en s’affirmant toujours plus comme professionnels de l’acte de délivrance et interlocuteurs privilégiés des patients. Notre objectif doit être de maintenir le dialogue avec ces derniers, même si nous devons envisager d’autres types d’interactions que le face à face physique.
Ne nous enfermons pas dans ce qui pourrait apparaître comme un carcan corporatiste
qui ne fait que ternir l’image de la profession aux yeux de nos concitoyens.