Alexandre Mulliez (AuchanDirect) "Après deux années à transformer AuchanDirect, nous prévoyons une croissance à deux chiffres en 2017"

Le cybermarché d'Auchan est en ordre de marche pour livrer Paris en 6 heures avec 18 000 références. L'enseigne étudie maintenant comment contrer Amazon Prime Now sur le H+1.

JDN. Le nouvel entrepôt d'AuchanDirect à Chilly-Mazarin, dans lequel vous avez investi 30 millions d'euros, est entré en service le 7 octobre. Qu'a-t-il de particulier ?

Alexandre Mulliez, directeur marketing d'AuchanDirect © S. de P. AuchanDirect

Alexandre Mulliez. L'enjeu consistait à répondre aux attentes clients autant qu'à nos propres contraintes, qu'il s'agisse de pénibilité du travail ou de qualité de la préparation de commande.

L'entrepôt, quadri-température, occupe 25 000 mètres carrés dont 13 000 sont automatisés. Toutes les phases en amont du préparateur sont mécanisées : tous les articles de chaque commande viennent à lui. Seuls les fruits et légumes sont manipulés à la main, dans une salle spéciale, par un maraîcher qui les choisit avec des gants. Bien mieux, donc, qu'en magasin où vos tomates ont été touchées par tout le monde et ne sont pas toujours à la température conseillée.

Par ailleurs, nous avons choisi Chilly-Mazarin car cet emplacement optimise les coûts d'approvisionnement de l'entrepôt et de livraison de la région parisienne. A partir du début 2017, nous pourrons livrer Paris en six heures. Enfin il nous permet d'accroître drastiquement le nombre de nos références, qui va progressivement passer de 7 000 actuellement à près de 18 000 en juin 2017.

En 2014, le chiffre d'affaires d'AuchanDirect s'élevait à 120 millions d'euros. Comment évolue-t-il ?

Nous avons pris deux ans pour remettre en place les fondations de l'entreprise. L'aboutissement de ce travail est le nouveau site d'Auchandirect et le nouvel entrepôt. Nous n'avons pas investi dans l'acquisition de clients, donc notre chiffre d'affaires restera cette année de 120 millions d'euros. Mais nous allons maintenant tirer les fruits de cette transformation et prévoyons une croissance à deux chiffres en 2017.

Proposer du H+6 est-il suffisant à l'heure où sur l'alimentaire, Amazon Prime Now livre Paris en une heure et Franprix et Cdiscount en une heure trente ?

Nous avons dû prioriser et investi en premier lieu dans Chilly-Mazarin, qui traitera la majorité des commandes. Chez AuchanDirect, nous sommes convaincus que pour ce type de livraison à l'unité, c'est avec un entrepôt que la qualité de service est la meilleure. La logistique des magasins n'est pas du tout organisée pour cela.

Toutefois nous savons que nous allons devoir proposer du H+1 et que ce ne sera pas possible depuis un stock extramuros. Nous étudions donc la meilleure façon de procéder. Evidemment, le ship-from-store semble très pertinent, puisqu'il pourrait s'appuyer sur la petite trentaine de supermarchés Simply Market que nous comptons à Paris, dans le 92 et le 93, et sur la soixantaine de magasins de proximité A2Pas que nous opérerons d'ici la fin de l'année. Mais nous n'excluons pas non plus de recourir à une plateforme d'éclatement dans Paris, afin de conserver une qualité de service au niveau de celle d'AuchanDirect.

Qu'en est-il du drive piéton que vous testez depuis avril 2014 dans le 15ème arrondissement de Paris : AuchanDirect Retrait Express ? Va-t-il disparaître ? Faire des petits ?

Il est toujours en cours d'expérimentation.

"AuchanDirect est le leader de la livraison alimentaire à domicile et entend le rester"

Comment prévoyez-vous d'articuler le H+1 avec AuchanDirect et Auchan Drive, pour ne pas perdre les consommateurs avec encore un service supplémentaire ?

A l'heure actuelle, AuchanDirect est très complémentaire d'Auchan Drive, qui cible surtout les populations périurbaines. Mais à l'avenir, avec le H+1, se posera en effet la question de simplifier la donne pour les clients.

Ces services sont complémentaires mais si les clients ont le choix entre H+6 d'une part et H+1 ou livraison sur rendez-vous d'autre part, pourquoi choisiraient-ils le H+6 ? Quelle est la pérennité d'AuchanDirect face au ship-from-store ?

D'abord, le nombre de références est sans commune mesure, en particulier pour les acheteurs de centre-ville. Un A2Pas n'en compte en moyenne que 7 000. Par ailleurs, dans un petit magasin, lorsqu'un article manque, le client peut choisir lui-même le produit de substitution. Dans l'e-commerce, les difficultés logistiques de ce genre sont décuplées, en vue client. Si vous voulez improviser un risotto aux cèpes pour des amis qui viennent dîner chez vous, vous ne choisirez pas de vous faire livrer en une heure depuis un magasin de proximité. Et pour les fonds de placard, une offre large comme celle d'AuchanDirect est aussi préférable. Donc il va conserver toute son utilité.

Dans ce cas, sera-t-il suffisant par rapport à Amazon Prime Now, dont l'offre va s'étoffer et l'entrepôt se situe dans Paris ?

Nous ne voulons pas imposer aux consommateurs un seul canal d'achat, mais proposer une offre à 360° pour répondre à toutes leurs exigences. Si on ne sait pas faire du H+1, le client ira chez un concurrent, donc nous sommes obligés d'en proposer. Mais nous saurons bien sûr rivaliser avec les autres acteurs.

Le ship-from-store reposera sur des offres, des salariés en magasin et des prestataires du dernier kilomètre très semblables d'une enseigne à l'autre. Comment vous différencierez-vous ?

La différenciation se fera sur la qualité de l'exécution. C'est ce que nous avons travaillé pendant deux ans chez AuchanDirect. Nous avons réinternalisé tous nos métiers - développement, design, analyse de données, mailing, études, approvisionnement...- et développé ou recruté des compétences très fortes. Notre nouveau site, sorti en cinq mois seulement, en est la conséquence. C'est aussi la raison pour laquelle nous n'avons pas confié notre entrepôt à Ocado : il était hors de question d'externaliser notre cœur de métier. Même nos livreurs sont nos salariés.

Nous sommes le leader de la livraison alimentaire à domicile et entendons évidemment le rester dans les prochaines années. Pour cela, contrairement à certains de nos concurrents qui ont délaissé ce canal, nous ne relâcherons nos efforts sur aucun axe.

Alexandre Mulliez est le directeur marketing et innovation d'AuchanDirect. Il débute sa carrière dans l'entreprenariat et fonde plusieurs sociétés : Hartô (mobilier et décoration) en 2010, Group Ores (agence de publicité) en 2013, Koober (application de synthèses de livres) en 2015. Il entre en 2011 au board d'Auchan E-Commerce, où il siège jusqu'en 2014. En octobre 2014, il prend des fonctions opérationnelles dans l'enseigne fondée par son grand-père et devient le directeur marketing et innovation d'AuchanDirect. Depuis janvier 2016, il est membre du conseil de surveillance d'Auchan Retail France.