MikMak, l'app de shopping vidéo qui emballe les millennials américains
Comment utiliser la vidéo pour vendre davantage sur mobile ? La start-up new-yorkaise a trouvé une solution de pur retailtainment. Et le résultat décoiffe.
D'un côté, l'appétit des millennials pour la vidéo en ligne n'est plus à démontrer et la pénétration des smartphones accroît encore leur gourmandise. De l'autre, divertir devient un levier de vente d'autant plus important qu'il a été à peu près éradiqué par les géants de l'e-commerce : on va sur Amazon pour les prix bas et la livraison rapide, mais certainement pas pour les émotions qu'on retire de l'expérience, sans même mentionner l'agacement que peuvent provoquer les emails promotionnels et le retargeting publicaire.
Rassemblant ces deux postulats, Rachel Tipograph, ex directrice monde des médias sociaux et digitaux de Gap, a lancé en mai 2015 MikMak, une application iPhone de shopping qui présente les produits dans d'énergiques vidéos de 30 secondes réalisées par des comédiens freelance. Des contenus addictifs qu'on consomme à la queue-leu-leu, comme autant de clips musicaux ou de vidéos de lolcats sur Youtube. En pratique, les clients sont surtout des femmes de 18 à 34 ans. Celles qui regardent le plus de vidéos ont tout juste 20 ans, celles qui achètent le plus en ont bientôt 30. Elles se connectent surtout entre 21 heures et minuit et en avalent en moyenne une vingtaine d'un coup.
Ce "binge-watching" est d'ailleurs encouragé. Passé un certain nombre de visionnages, sont offertes des réductions ou une livraison gratuite, à condition de finaliser l'achat sans tarder. Mais le succès de ces mini-publi-rédactionnels tient surtout à la fantaisie des comédiens d'improvisation qui ne ménagent pas leur créativité pour rendre indispensables des centaines de gadgets excentriques, de la télécommande à smartphone aux écouteurs qui endorment en passant par la trousse de toilette pliable. D'où le slogan du service : "watch, laugh, shop". Et pour que rien n'entrave ces achats d'impulsion, tous les produits sont vendus moins de 100 dollars et disponibles uniquement en taille unique, ce qui réduit également les taux de retour.
Du contenu jetable produit à la chaîne
La start-up a fait ses classes dans l'appartement de sa fondatrice à Brooklyn, avant d'emménager dans un espace de coworking puis un loft de deux pièces quelques rues plus loin. Les vidéos y restent néanmoins tournées très rapidement et à peu de frais. Un micro-studio, un fond uni, les comédiens apportent leurs propres tenues de rechange et enquillent les tournages de plusieurs fiches produits. On leur fournit les caractéristiques principales de l'article à promouvoir mais l'idéal est qu'ils trouvent leurs propres idées, ce qu'ils font pendant l'heure où on les coiffe et on les maquille. Les blagues récurrentes sont d'ailleurs les bienvenues, elles créent du lien avec l'audience. Leurs personnalités fortes font le reste pour présenter le produit sous un jour inattendu. Ensuite, quelques prises suffisent. Tourner une vidéo prend entre 5 et 30 minutes, la monter 10 minutes. En revanche, les spots ont beau être improvisés, MikMak brasse beaucoup de données pour savoir ce qui fonctionne le mieux et va jusqu'à A/B-tester deux vidéos pour le même produit.
A la façon de Snapchat ou d'Instagram, l'application se présente comme un flux de vidéos que l'on fait défiler ou dans lequel on effectue des recherches, à la différence que les clips permettent d'ajouter l'article au panier d'un simple swipe. La start-up, qui diffuse aussi ses vidéos sur d'autres sites, comme BuzzFeed, s'adjuge une commission sur le montant des ventes.
MikMak est encore une petite structure, qui employait 12 personnes à temps plein en août au moment de sa levée de 3,2 millions de dollars. Mais l'engouement autour de son concept incite à reconsidérer tout le rôle du mobile dans la vente en ligne. Le m-commerce est bien sûr en croissance, pourtant les consommateurs utilisent bien plus ce canal pour préparer un achat ou faire du lèche-vitrine que pour acheter. En mai 2016, Comscore indiquait qu'aux Etats-Unis, le mobile captait les deux tiers du temps passé à faire du shopping en ligne, mais seulement 19% des dollars dépensés. Entre autres causes, la difficulté à voir correctement les produits. Entre la vidéo, plus riche, et la mise en scène, qui détourne l'attention en direction de l'usage, MikMak offre une solution très intéressante.
Elle capitalise d'ailleurs dessus pour développer de nouvelles sources de revenus. D'abord, elle crée des vidéos pour des marques attirées par son approche rafraîchissante (Kate Spade, L'Oréal, GE, Modelez, American Express, T-Mobile…), quitte à rameuter pour l'occasion des comédiens célèbres. Bientôt, les marques pourront aussi sélectionner les vidéos et choisir les sites du réseau de distribution de MikMak sur lesquels elles veulent les voir diffuser. Enfin, à partir de l'an prochain, la start-up leur fournira de quoi produire elles-mêmes leurs clips. Le fleuve de vidéos de produits à engloutir sans modération n'est pas près de se tarir.