Youssef Oudahman (MeetMyMama) "Nous lèverons probablement des fonds au cours du second semestre"

Créé il y a deux ans, Meet My Mama propose aux entreprises un service de mise en relation avec des cuisinières, les mamas, issues du monde entier. Son CEO et cofondateur détaille ce projet qui mise sur la fibre sociale des entreprises et de leurs salariés.

JDN. Quel est le concept de votre start-up foodtech Meet My Mama ?

Youssef Oudahman est le cofondateur et CEO de MeetMyMama. © MeetMyMama

Youssef Oudahman. Meet My Mama a pour objectif d'aider à l'émancipation financière de femmes réfugiées ou issues de l'immigration en leur permettant de mettre à profit leurs compétences en cuisine. Ces femmes sont souvent les garantes d'un patrimoine culinaire et culturel transmis de mères en filles depuis plusieurs générations. Notre idée était donc de pouvoir offrir des opportunités économiques à ces mamas comme nous les appelons, en les mettant en relation avec de potentiels clients qui apprécient cette cuisine du monde. Nous avons démarré l'activité sous un statut associatif en 2017 avant de créer une SAS en 2018. Il y a donc aujourd'hui deux structures distinctes : l'association qui est dédiée à l'accompagnement des mamas et la société qui permet de gérer l'activité business. Notre start-up compte 7 collaborateurs.

Comment est née l'idée ?

Nous avons imaginé Meet My Mama avec Loubna Ksibi et Dounia Souad Amamra. Tous les trois avons grandi avec nos propres mamas, des femmes issues de l'immigration, souvent passionnées de cuisine. Nous avons remarqué que beaucoup de ces femmes disposent d'un vrai talent en matière de cuisine mais n'en font pas leur métier. Dans ces métiers de bouche, encore 90% des chefs sont des hommes. Souvent ces femmes se posent elles-mêmes des barrières et n'ont pas conscience de leur capacité. Sans oublier que certaines ne parlent même pas français. Enfin, il y a également la difficulté de franchir le pas de l'entrepreneuriat et de se lancer en allant chercher des clients. Nous voulions aider toutes ces personnes.

Comment vous distinguez-vous des traiteurs traditionnels ?

En commandant chez nous, les entreprises achètent ce que nous appelons un "voyage culinaire". Nous avons cet avantage de pouvoir proposer toute la cuisine du monde tout en permettant des rencontres uniques. En effet, nos mamas vont prendre la parole avant ou après la dégustation pour évoquer leur cuisine et parler de leur culture et parcours. Nous assurons ainsi la livraison de plats pour divers événements tels que des réceptions, réunions, cocktails, petits déjeuners, etc. Nous décorons également le lieu et le buffet avec des objets du pays en question. Nous comptons parmi nos clients des entreprises comme Google, Danone ou Blablacar. Près de 500 clients ont déjà fait appel à nos prestations de traiteur. Nous organisons entre 100 et 200 événements par mois.

Quels sont les critères pour devenir une mama ?

"Meet My Mama a dépassé les 600 000 euros de chiffres d'affaires en 2018 après seulement un exercice"

Les mamas sont avant tout des femmes passionnées de cuisine. Elles doivent avoir envie d'en faire leur métier et de partager leur histoire avec d'autres. Elles doivent également être d'accord pour aider d'autres mamas, en situation de précarité. Si nous comptons des femmes réfugiées ou immigrées de première ou deuxième génération, nous avons également des mamas de certaines régions françaises comme par exemple la Corse, la Bretagne et l'Auvergne. Notre objectif est de faire de ces femmes des role models. Pour cela, nous voulons les faire rayonner et leur donner les moyens de s'émanciper, notamment financièrement. C'est toute l'ambition de l'association Empower My Mama qui est là pour accompagner.

Ces mamas travaillent-elles exclusivement pour Meet My Mama ?

Meet My Mama est une plateforme : nous mettons en relation ces femmes avec des clients, un peu comme Uber met en relation des chauffeurs avec des passagers. Nous faisons appel aux mamas pour des prestations de traiteur et ces dernières sont libres d'accepter ou refuser nos demandes. Aucune ne travaille exclusivement pour nous et nous ne dépassons volontairement jamais 50% de leur CA. Pour ces prestations de traiteur, une mama touchera au minimum 60% du prix négocié. Ce pourcentage varie en fonction du volume.

Pour savoir quelles mamas solliciter en fonction des demandes de nos clients, nous avons développé un algorithme de matching qui prend en compte les spécialités culinaires de chacune ainsi que leur capacité de production. Certaines se sont développées et ont embauché du personnel. L'association est d'ailleurs là pour les aider à gérer leur croissance.

Comment se répartissent les tâches entre vous et vos prestataires, l'entreprise est-elle rentable ?

Nous sommes présents à tous les événements où nous nous occupons du service et de la décoration. Nous nous occupons également de la livraison en envoyant des transporteurs chercher la nourriture pour la ramener sur le lieu de l’événement. Nous fournissons aux mamas le matériel nécessaire pour leur permettre de conditionner les aliments et les maintenir à la température requise par les normes de sécurité alimentaire.

Meet My Mama est rentable. Et l'entreprise a dépassé les 600 000 euros de chiffres d'affaires en 2018 après seulement un exercice. Beaucoup de nos clients ont fait de Meet My Mama leur traiteur de référence. Certains ont même fait appel à nous près de 50 fois en un trimestre !

Outre les prestations de traiteur, quelles sont vos autres sources de revenus ?

"Nous voulons devenir le partenaire de référence des entreprises en matière de cuisine du monde"

Nous avons récemment lancé un partenariat avec Deliveroo, qui a ouvert des cuisines partagées, dont une à Saint Ouen. Dans le cadre de ce partenariat, nous avons lancé trois restaurants : un Sri Lankais, un Malaisien et un Libanais. Les mamas se rendent ainsi directement dans l'espace mis à disposition par Deliveroo pour cuisiner. Les débuts sont encourageants puisque ces trois premiers restaurants ont tous obtenu une très bonne note sur l'application Ce système de cuisine partagée est avantageux pour les mamas qui souhaitent ouvrir un futur restaurant puisque cela leur permet de tester leur concept et valider, ou non, l'existence d'une demande sans avoir à investir.

Pourquoi ne pas ouvrir votre propre restaurant ?

C'est l'un de nos objectifs. Nous allons bientôt quitter Station F où nous sommes incubés et nous aimerions trouver des bureaux équipés d'une cuisine professionnelle ainsi que d'un espace suffisamment grand pour recevoir des convives. Cet endroit serait ainsi un lieu de rencontres mais pourrait également servir à la formation des mamas. Il pourrait éventuellement s'avérer aussi utile pour cuisiner des plats destinés à être livrés via Deliveroo.

Le succès de Meet My Mama semble illustrer qu'il est possible de créer une entreprise à la fois sociale et rentable...

Nous souhaitons effectivement démontrer que responsabilité et rentabilité ne sont pas incompatibles. Nous avons la responsabilité de montrer la voie, même aux grandes entreprises. Celles-ci doivent se transformer tout comme elles l'ont fait avec l'arrivée du digital il y a quelques années. Elles n'auront pas d'autres choix que de devenir davantage responsables si elles souhaitent répondre aux attentes de leurs clients et collaborateurs. Nous sommes aujourd'hui tous rattrapés par l'urgence sociale et écologique.

Quels sont vos objectifs pour la suite ?

Nous voulons devenir le partenaire de référence des entreprises en matière de cuisine du monde. Nous pouvons pour cela nous appuyer sur un réseau de 300 mamas capables de cuisiner des plats fait-maison, ce qui nous permet de lancer différents concepts Notre objectif est de devenir un opérateur food ancré dans le quotidien des français et qui propose des plats sains.

Nous sentons également que nous avons des responsabilités à l'égard des mamas. De plus en plus de femmes entendent parler de notre concept et viennent frapper à notre porte. C'est précisément pour elles que nous créons toutes ces nouvelles business units. Sur près de 300 mamas au sein de notre réseau, nous ne pouvons en faire travailler que 70 mensuellement. Nous voulons continuer à nous développer pour pouvoir offrir à toutes ces femmes des opportunités économiques.

Une levée de fonds est-elle prévue ?

Nous n'avons pas encore levé de fonds, malgré des sollicitations d'investisseurs. Mais nous lèverons probablement au cours du second semestre.

Youssef Oudahman est le cofondateur et CEO de la start-up Meet My Mama, une plateforme sociale et responsable dont l'objectif est d'aider à l'insertion des femmes réfugiées et issues de l'immigration par le biais de la cuisine.  Avant cela, Youssef avait travaillé pour Unilever. Il avait également occupé des fonctions commerciales ou de gestion de projet au sein de Critizr. Il est diplômé d'un Master 2 en Marketing International de Skema Business School.