Les DNVB à l'international, entre déboires et réussites

Les DNVB à l'international, entre déboires et réussites Bergamotte, BonneGueule et Kipli se sont toutes trois risquées à exporter leur business. Avec des fortunes diverses, liées autant à leurs méthodes qu'à leurs motivations.

Chez les DNVB, vertical rime-t-il avec international ? En tout cas, "on compte plus de réussites que d'échecs, assure Viviane Lipskier, consultante et spécialiste des DNVB. La force du digital suppose justement une agilité en tous lieux, à chaque instant, et permet ainsi d'envisager l'international naturellement, surtout si le marché cible est peu saturé. Si une marque ne parvient pas à s'exporter c'est que l'idée de départ n'est pas la bonne."

Pour autant, les expériences des DNVB à l'international sont diverses et aussi variées que les secteurs d'activité qu'elles représentent, de même que les stratégies d'entreprise adoptées. "Pour une DNVB, je considère que l'international n'est pas forcément le levier qui rapportera le plus d'argent, lâche Geoffrey Bruyère, cofondateur de BonneGueule. Pour ceux qui le font, c'est avant tout un choix stratégique dans une logique de valorisation de l'entreprise : les investisseurs repèrent les entreprises qui peuvent grossir vite. Or, je ne pense pas qu'il soit toujours pertinent pour les marques digitales de tester l'international à tout prix sans véritable proposition de valeur sur un marché en besoin." "Il ne faut pas oublier son marché phare qui est souvent rentable alors que les pays étrangers représentent un investissement, donc une prise de risque", réagit pour sa part Antoine Loredo, co-fondateur de Kipli, marque digitale spécialisée dans le matelas en latex naturel.

Kipli, à l'épreuve de l'Italie

"En France, l'industrie du matelas est précaire et on retrouve peu d'acteurs sur le latex naturel, hormis les mousses qui sont transformées en Asie. L'oncle de mon associé possédait une usine spécialisée dans le latex naturel en Italie, son pays d'origine. Nous avons donc décidé de nous lancer là-bas, fin 2017", retrace Antoine Loredo. Toutefois, le marché italien n'est pas le plus aisé pour se frotter à l'international. Avec un chiffre d'affaires de 20 000 euros au départ, porté à 500 000 euros aujourd'hui, la présence de la DNVB française via sa filiale italienne reste fragile. "Nous avons réalisé l'importance de prendre en compte les spécificités du marché visé. En Italie, la culture du e-commerce n'est pas la même qu'en France et la population est friande des achats en magasins", analyse le cofondateur de Kipli.

La marque, qui s'est lancée en France à la même période qu'en Italie, a poursuivi son expansion en Allemagne dès mai-juin 2019. Un pays à la fois sensible aux produits bio et naturels, et mature sur le e-commerce. De bons arguments pour Kipli mais là encore, les nuages guettent. "En Allemagne, le marché de la literie est assez concurrentiel. Surtout, les cyberacheteurs ont tendance à retourner régulièrement les articles. Pour faire face à ce phénomène, nous avons mis en place le retour payant il y a un mois." Si le chiffre d'affaires de Kipli atteint le million d'euros en Allemagne, Antoine Loredo considère ce marché comme en cours de consolidation.

"Les DNVB prêtes à s'implanter outre-Rhin doivent penser leur logistique en tenant compte de la problématique des retours. Elles doivent s'entourer d'acteurs multiples, et pas seulement d'UPS", recommande Alexandre Eruimy, CEO de Prestashop, plateforme e-commerce fondée sur l'open source permettant de créer une boutique en ligne. La logistique figure en effet au centre de la stratégie à l'international. Avec des matelas dépassant les 60 kilos, l'activité de Kipli connaît quelques contrariétés. "Nos matelas trouvent difficilement leur place chez les transporteurs standards. Sans plateforme logistique dans chaque pays, cet aspect reste compliqué à gérer."

Bergamotte, confiante en Allemagne

"Berlin, Hambourg, Munich, Cologne, Düsseldorf, Brême, Francfort, Leipzig…", énumère Romain Raffard. Le cofondateur de Bergamotte, DNVB de plantes et fleurs depuis janvier 2016, peut se targuer d'avoir trouvé la recette pour attirer les consommateurs allemands. Dès mi-2018, Bergamotte a opté pour un modèle original : l'installation de pop-up stores, trois jours maximum, aux quatre coins de l'Allemagne. "Etant donné que le pays est décentralisé, il était important pour nous de cerner les dynamiques de consommation à l'échelle nationale et au niveau local", souligne Romain Raffard.

En 2019, Bergamotte prolifère en Allemagne à travers 30 pop-up. Une stratégie ingénieuse pour recueillir les données qualitatives au contact du marché. "Nous avons adapté l'offre des plantes selon les performances des ventes et nous nous sommes assurés de la bonne compréhension du message de notre marque. Cette implantation a été très efficace et économique car nous avons utilisé très peu de marketing", précise Romain Raffard.

Bergamotte décline son site en version allemande en juillet 2019. Très vite, le site draine 5 000 à 6 000 visiteurs uniques journaliers (le tiers du trafic français à son lancement), sans aucun investissement marketing, "simplement grâce au trafic issu des pop-up stores qui nous a assuré une base de clients", explique Romain Raffard. La DNVB a inauguré début février sa première boutique pérenne à Hambourg. "Nous testons notre présence durable sur le sol allemand via une expérience client originale, en rendant la possibilité aux consommateurs d'acheter les plantes et fleurs en boutiques, pour une livraison dans un lieu précis, à une date donnée", détaille le fondateur, qui projette de disséminer ses pop-up au Danemark et en Suède cette année.

BonneGeule, précoce aux Etats-Unis

Le site français de mode masculine BonneGueule, lancé comme un blog en 2007 et comme une boutique en ligne en 2014, a entrepris une brève incursion sur le marché américain en 2013. Cette année-là, BonneGueule rachète la plateforme Kinowear.com dans le but de prodiguer des conseils à la gent masculine, avec l'objectif de vendre ses produits outre-Atlantique. Mais l'aventure tourne court. "Avec le recul, nous nous sommes lancés par candeur et de manière prématurée à l'international. A l'époque, nos stocks grossissaient et nous étions en hyper croissance. Nous avions besoin de trésorerie, et très vite nous n'avons plus été en mesure de gérer nos business français et américain. Nous avons donc vendu à perte Kinowear.com et réalloué les ressources en France", détaille Geoffrey Bruyère, cofondateur de BonneGueule.

La DNVB, qui s'est exportée trop tôt à l'étranger, est désormais frileuse à renouveler l'essai. "On y réfléchit d'ici deux ou trois ans, mais nous ne sommes pas encore prêts. Nous aimerions affiner notre image de marque. Pour l'heure, nous nous concentrons sur le marché masculin de la mode qui est en croissance en France. L'international n'est pas notre chantier prioritaire même si nous scrutons l'Allemagne qui compte peu de DNVB et de gros acteurs tels que Zalando."