Alexandre Mars (blisce/) "Cette crise pousse les entreprises digitales à se développer"

Le fondateur et CEO du fonds d'investissement transatlantique partage son expertise sur les DNVB américaines et françaises.

JDN. Quels sont les principes d'investissement de blisce/ ?  

Alexandre Mars, CEO de blisce/. © Epic

Alexandre Mars. blisce/ est un fonds qui existe depuis sept ans avec une spécialité orientée sur les consommateurs finaux BtoC ou D2C, à travers neuf verticales. Le positionnement de notre fonds est atypique car nous réalisons 50% de notre activité en Europe de l'Ouest et 50% aux Etats-Unis. Depuis le début de l'activité du fonds, nous avons déployé un peu moins de 300 millions de dollars. Nous sommes un fonds transatlantique qui ne soutient que les entrepreneurs à mission à partir de la série B. Nous ne sommes pas un fonds early stage. Nous considérons notre structure comme un outil de finance positive. C'est la raison pour laquelle nous sommes le premier fonds de croissance européen à être certifié B Corp. Nous reversons 20% des plus-values du fonds à Epic Foundation, spécialisée dans le bien social.

Quelles sont les différences entre les DNVB françaises et américaines ? 

Lorsqu'on observe les DNVB françaises comme Tediber, Bergamotte, The Big Moustache, il n'y a pas d'innovation majeure. Il s'agit principalement de copier-coller d'entreprises similaires existantes. Par exemple, The Big Moustache a repris le concept développé par Harry's et Tediber s'est inspiré de Casper, et c'est une bonne chose. Je pense qu'il faut assumer ce fait car ce n'est pas un problème en soi. Dès lors que la demande existe, les DNVB européennes construisent l'offre par rapport à cette demande. Le marché intérieur américain est six fois plus grand que le marché intérieur français et il est certain que les succès sont plus rapides et plus précoces aux Etats-Unis. 

Les capacité d'innovation sont-elles également différentes ?

En ce qui concerne les DNVB, l'innovation a souvent eu lieu aux Etats-Unis. Mais la tendance évolue car les sources de financement sont plus accessibles en Europe qu'auparavant. Il y a cinq ans, une marque ou une entreprise qui souhaitait obtenir des financements surtout à partir de la série B ou C, était obligée de se rendre aux Etats-Unis. Aujourd'hui, des organismes comme Bpifrance offrent des possibilités de financement. Car les compétences existent en France et en Europe. Ces changements de paradigme sur le financement ont changé la perception des entrepreneurs et des investisseurs. En réalité, il y a autant d'innovations des deux côtés de l'Atlantique et souvent, les entrepreneurs que nous soutenons ont la volonté de développer leur business en Europe lorsqu'ils sont aux Etats-Unis ou aux Etats-Unis lorsqu'ils ont démarré en Europe.

Comment voyez-vous l'évolution des marques digitales cette année ? 

Les marques digitales se sont vite rendu compte que les clients continuaient à se rendre en boutique pour garder le contact avec le produit. Aujourd'hui, les DNVB disposent de leur propre boutique ou distribuent leurs produits à travers d'autres enseignes. Si l'on prend l'exemple de Bonobos, rachetée depuis par Walmart, la marque a créé un réseau de boutiques partout aux Etats-Unis alors qu'initialement, elle ne jurait que par le digital. Cette évolution-là est très forte. Dans le même temps, le contexte actuel incite les consommateurs à prendre de nouvelles habitudes de consommation et les points de vente physique vont connaître des difficultés. En effet, les consommateurs se retrouvent dans un modèle dans lequel ils prennent l'habitude de consommer en ligne. Cette crise pousse les entreprises digitales à se développer alors que les consommateurs souhaitent de plus en plus soutenir celles qui ont un sens.   

Et à terme ?

Dès lors qu'il y a des investisseurs dans le capital, ces derniers ont une volonté de liquidité. Il y a trois possibilités d'évolution en fonction de la volonté des marques : soit les DNVB rachètent une autre marque, soit elles entrent en bourse soit elles sont rachetées par un acteur traditionnel ou une marque concurrente. Par exemple, est-ce que Le Slip Français rachètera une marque pour grandir, sera-t-il racheté ou entrera-t-il en bourse ? En Europe, le système boursier n'est pas aussi développé qu'aux Etats-Unis. Dans un futur proche, on peut espérer qu'Euronext disposera de plus de moyens pour accompagner les marques digitales qui le souhaitent. En soi, il n'y a pas beaucoup d'alternatives si les DNVB veulent se développer et ce sera intéressant de voir quels seront leurs choix. 

Alexandre Mars fonde à 22 ans A2X, l'une des premières agences web françaises qu'il revend en 1998. En 2001, il lance Phonevalley, une agence de marketing mobile, qu'il vendra à Publicis six ans plus tard. Il s'attaque en 2006 aux médias sociaux en créant ScrOOn qu'il revendra à Blackberry en 2013. Depuis la création de blisce/ il y a sept ans, le fonds a investi dans des sociétés comme Spotify, Pinterest, Too Good to Go, Headspace et Brut.