Les métiers de la grande distribution attirent encore trop peu les candidats
Résiliente durant la crise sanitaire, la grande distribution recrute à la faveur d'une reprise économique qui devrait se poursuivre en 2023, malgré l'inflation.
Le développement du numérique, ainsi que la crise sanitaire récente ont changé la physionomie de la grande distribution. Deux tendances de fond, souvent accélérées par cette crise, contribuent ainsi à faire évoluer progressivement les métiers du secteur, de même que son image : le développement du e-commerce et la diminution de l’importance relative des hypermarchés et supermarchés au profit des magasins de proximité.
Mais il semble que ces changements affectent les métiers sans renforcer suffisamment leur attractivité.
E-commerce et proximité : dans l’air du temps
Emporté par la vague numérique, le commerce électronique est appelé à progresser encore dans le domaine de la grande distribution. La tendance est en effet générale et l’on observe qu’elle représente déjà entre 20 et 25 % du chiffre d’affaires de certains acteurs asiatiques (source INSEE).
En France, après une forte augmentation en 2020, la tendance se poursuit et la part de marché de l'e-commerce pour les produits de grande consommation s’établit à 9% d'après les données Nielsen pour la FEVAD relatives aux PGC/FLS, tandis que le secteur de l'e-commerce dans son ensemble (produits et services), soit un périmètre plus large, pèse 129 milliards d’euros en 2021, et, après une hausse de 15,1% sur l’année, affiche une part de marché de 14,1%.
A l’origine de cette tendance qui s’affirme, le numérique et son cortège d’innovations techniques. Les sites de commerce en ligne offrent une ergonomie et un confort d’utilisation accrus pour séduire toujours plus de clients. Au service du marketing, ils permettent, grâce à des algorithmes sophistiqués, de suggérer des achats avec pertinence ou bien d’afficher une promotion au bon moment.
Parce qu’il rationalise l’activité et la rend plus rapide, plus efficace, le développement du numérique se traduit aussi par un accroissement des marges, à la fois grâce à une automatisation plus forte permettant de réduire les coûts de préparation des commandes au cœur des plateformes logistiques, et par l’optimisation de la fixation des prix résultant d’une meilleure connaissance des préférences du consommateur. Ces opérations reposent elles aussi sur des algorithmes complexes et, donc, sur le recrutement d’ingénieurs disposant de profils très pointus.
Un impact sur tous les métiers
Tous les métiers de la grande distribution sont ainsi impactés par le développement du numérique : les métiers au siège social, c’est-à-dire les métiers de la communication, du marketing, des achats, de la comptabilité ou encore des RH, mais aussi les métiers en entrepôt, et, dans une moindre mesure, les métiers commerciaux, en rayon ou fixes. Pour leur part, les métiers de bouche sont moins affectés car ils restent associés à un savoir-faire technique dont la spécificité est aujourd’hui mieux reconnue.
Si le commerce de proximité bénéficie par ailleurs d’un regain d’intérêt auprès des consommateurs, la dynamique de l’emploi reste nettement portée par les périphéries des villes, zones d’implantation de prédilection de la grande distribution.
De forts besoins en main d’œuvre y sont observés depuis 2020 où, après un infléchissement en début d’année dû au confinement, la croissance des offres d’emploi publiées a été importante à partir d’avril dans les quatre principaux types d’activités associés à la grande distribution : chargement et stockage, support logistique, fonctions généralistes et détail.
Sur la même période, on observe pourtant que l’intérêt produit par les annonces relatives à chacune de ces catégories, n’atteint souvent pas le niveau auquel on pourrait s’attendre d'après une mesure en nombre de clics par annonce sur Indeed. Cela se traduit, pour la profession, par une moindre qualité des candidatures, laquelle pourrait, à terme, devenir préoccupante.
Une situation qui, couplée à la tension qui existe actuellement sur le marché du travail, pose également de nouveaux problèmes aux recruteurs. Le fort besoin en main d’œuvre observé incitera en effet ces derniers à s’appuyer d’autant plus sur l’automatisation des processus de recrutement, afin de rencontrer le plus de candidats possibles en un temps limité, de pallier plus facilement la qualité décevante des candidatures et de remplir les postes vacants plus rapidement.
Une appétence moins forte chez les jeunes
Afin de mieux comprendre le manque d’intérêt suscité par ces offres d’emploi, une étude sur les actifs et les métiers de la grande distribution, a été réalisée en mars 2022 et a analysé la perception qu’ont aujourd’hui les actifs des métiers de la grande distribution. Deux éléments intéressants ressortent notamment : une appétence moins forte des plus jeunes générations pour le secteur, c’est-à-dire de celles qui sont les plus susceptibles de pratiquer ces métiers à l’avenir, et le fait qu’un peu moins de quatre actifs sur dix recommanderaient ces métiers à leurs enfants. Cela traduit un déficit d’attractivité, qu’un travail sur l’image et la marque employeur pour les entreprises du secteur doit permettre de combler.
Une communication d’autant plus nécessaire que les métiers au siège, supposés exiger un niveau de qualification plus élevé, sont aussi perçus comme présentant moins d’opportunités que les métiers moins valorisés de la grande distribution avec seulement 20% des personnes interrogées les associant à des métiers qui recrutent. Ainsi, si la perception de ces métiers est positive, ils sont jugés peu pourvoyeurs d’emplois, affectés, peut-être, par la diminution, bien réelle, du nombre d’hôte/hôtesse de caisse, métier emblématique de la grande distribution d'après la FCD. Les offres sont alors moins regardées par les candidats potentiels.
La fonction RH au cœur de ces enjeux
La fonction RH et le recrutement sont au cœur des enjeux économiques actuels. Ils sont bien évidemment aussi au cœur des enjeux sectoriels. Le cas du secteur de la grande distribution, analysé ici, montre que les idées préconçues sur certains secteurs et métiers –modernité, dynamisme, salaires, qualifications, etc. - peuvent porter préjudice au recrutement car elles conditionnent la qualité des candidatures apportées en réponse aux offres.
Pour la grande distribution, parvenir, en travaillant la marque employeur, à capter les meilleurs profils est nécessaire. Pour ce secteur en pleine métamorphose qui offre de belles opportunités pour un large panel de métiers, et donc de profils, il s’agit d’attirer les candidats qui présentent les meilleurs potentiels – qu’il s’agisse de profils orientés nouvelles technologies, marketing ou plus traditionnels, comme les métiers de bouche. En effet, aujourd’hui mieux reconnus, les métiers de la grande distribution ne sont pas suffisamment associés à des métiers qui recrutent.