Chiffres Fevad : quelles leçons en tirer pour les e-commerçants ?

En 2023, l'ecommerce français a réalisé 160 milliards d'euros de chiffre d'affaires, en hausse de 10%. Une croissance au rendez-vous mais avec de réelles disparités selon les secteurs.

Au terme d’une année 2023 marquée par le grand retour de l’inflation, on se doutait que les "chiffres clé du e-commerce", publiés chaque année par la Fevad, montreraient une forme de ralentissement de la croissance effrénée qui anime le marché, particulièrement depuis la période du Covid. Etonnamment le phénomène se révèle limité.

Le marché progresse de 10,5% sur un an, représentant près de 160 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Si la croissance est toujours au rendez-vous, l'analyse des chiffres détaillés publiés par la Fevad révèle toutefois de réelles disparités selon les secteurs et les typologies d'acteur. Avec, à la clé, quelques enseignements ou pistes de réflexion utiles à tous les e-commerçants.

Ramenés à l’échelle du consommateur, que traduisent ces chiffres ?
39,4 millions de Français ont effectué des achats en ligne en 2023. En moyenne, le cyberacheteur réalise 60 commandes dans l’année, soit en moyenne cinq par mois, pour un montant total de 4 055 euros. Ce qui nous donne avec une formule très très compliquée (ou pas) un panier moyen de l’ordre de 68 euros, avec la mode, les chaussures et les produits d’hygiène ou de beauté dans le top 3 des produits les plus achetés en ligne. 

Produits contre services, une croissance très inégale

Cette croissance à deux chiffres affichée par la Fevad cache tout de même une réalité plus contrastée. C’est principalement la vente de services (voyages, abonnements, assurances, livraison de repas, etc.) qui tire le marché vers le haut, avec 97 milliards d’euros de CA, soit une progression de 19,3% sur un an !
Du côté des produits (les objets physiques), le marché enregistre 62,9 milliards d’euros de transactions, un chiffre supérieur de 34% à celui de 2019, année de référence pré-Covid, MAIS en recul de 0,7% sur un an.

Le détail des catégories les plus représentées dans les achats en ligne confirment les effets de l’inflation sur les habitudes de consommation des Français. Du côté des services, la Fevad relève le recul sur les billets de transport et les séjours, hôtels ou location de vacances. Même topo pour la mode, le linge de maison, les produits techniques ou l’électroménager, produits plus facilement "dispensables", dont la part baisse chez les e-acheteurs. 

Des achats multi-écrans, multicanaux

Sur le volet démographique, pas de grande surprise : l’achat en ligne devient un réflexe généralisé (70% des Français de 15 ans et plus le pratiquent, et 87,1% des actifs), avec une sur-représentation des 15-44 ans et des CSP intermédiaires ou supérieures, et des usages légèrement plus marqués dans les grands centres urbains. Si le mobile continue à grignoter du terrain, utilisé par 62% des acheteurs, il reste encore devancé par l’ordinateur, qui reste l’écran numéro un pour 77% des acheteurs.
Alors que le smartphone s’impose nettement plus largement dans d’autres usages comme la consommation média ou les réseaux sociaux, les habitudes auraient-elles la vie dure en matière d’achat ? Pour beaucoup d’internautes, l’ordinateur reste le vecteur de prédilection quand il s’agit de déclencher un paiement ou souscrire une offre. Il faut donc penser mobile first, mais pas forcément mobile only !

La même logique s’applique aux problématiques de canal. En 2023, le e-commerce pèse environ 10% du commerce de détail en France, mais ses parts de maché continuent à progresser sur le marché de l’équipement de la maison (28%, +1 point), des meubles (23,9%, +2 points) ou de l’habillement (21%, +3 points), secteurs dans lesquels le « mortar » connait actuellement de vraies difficultés… Or le bilan de la Fevad nous montre que les consommateurs, en ligne ou en boutique, préparent toujours plus soigneusement leurs achats, et si les différents canaux se mêlent au moment de la recherche d’information, c’est majoritairement sur Internet que cette étape cruciale se déroule. Les médias l’ont d’ailleurs bien compris : tous développent ou mettent en place des stratégies de content to commerce pour tenter de se positionner comme l’intermédiaire de choix avant le passage à l’acte… Ce multicanal, et la concurrence accrue sur la recherche d’information, imposent donc aux e-commerçants une recherche de visibilité, mais aussi de légitimité. Avec tout de même une bonne nouvelle : d’après les chiffres compilés par la Fevad, les acheteurs en ligne se disent satisfaits à 93% de leur parcours d’achat ! 

152 000 sites marchands actifs en France

On le sait, le développement des marketplaces, soutenu par leur facilité d’accès et la promesse d’une audience massive accessible, a largement enrayé l’essor des sites marchands indépendants… et pourtant, la tendance repart à la hausse !

Le panel de la Fevad recense ainsi 152 000 sites marchands actifs à fin 2023, soit une progression de 10% sur un an. On est encore loin des 180 000 sites recensés à fin 2019, ou même des 204 000 sites listés fin 2016, mais cette reprise souligne une forme de dynamisme et montre que beaucoup d’entrepreneurs croient encore à la possibilité d’exister en propre sur Internet. Une volonté d’indépendance qui n’interdit d’ailleurs pas de collaborer avec une marketplace ou d’y faire référencer ses produits… bien au contraire ! 

Dernier volet : celui de la RSE (responsabilité sociale et environnementale), incarnée principalement par le marché de la seconde main dans le monde du e-commerce. Le sujet, porté par des marques comme Vinted ou Backmarket, est-il vraiment au cœur des préoccupations des acheteurs ? Oui selon les déclarations, peut-être un peu moins dans les actes : si 65% des acheteurs disent qu’il est important pour eux de privilégier des produits issus de l’économie circulaire, ils ne sont que 45% à avoir réalisé un achat de produit de seconde main en ligne en 2023.
À l’heure où tout le monde nous parle de transition il reste difficile pour un e-commerçant de ne pas réfléchir à la prise en compte des sujets RSE dans la constitution de son offre et de ses messages. Une valeur sure ? Le made in France bien sûr, qui aurait les faveurs de 79% des consommateurs en ligne… même s’ils ne sont pas forcément prêts à le payer plus cher, mais c’est une autre histoire ! 

Quelles priorités pour les e-commerçants fin 2024 ? 

En parallèle de ces chiffres annuels, la Fevad a publié début juillet son rapport d’activités, qui liste de façon indirecte les sujets prioritaires du secteur pour cette fin d’année 2024. Avec, au programme, quelques défis aussi bien conjoncturels que structurels. Par exemple, comment concilier croissance et confiance, alors que le cadre réglementaire lié à l’utilisation des données personnelles n’a de cesse de se resserrer et que l’avènement d’outils comme l’IA générative ouvre des pistes d’accélération significative ? 

D’ailleurs, comment développer sa propre stratégie de données, pour limiter sa dépendance aux plateformes ou aux fournisseurs tiers et renforcer le lien avec son client final ? Comment enfin devenir, soit individuellement, soit collectivement, acteurs d’une consommation plus responsable ?