Satellites et deep learning : Montpellier se regarde changer depuis l'espace

Satellites et deep learning : Montpellier se regarde changer depuis l'espace Grâce à la comparaison de prises de vues satellitaires, la métropole espère mieux piloter l'évolution de son territoire, et détecter des risques environnementaux ou des constructions illégales.

Pour mieux comprendre son territoire et ses évolutions, il faut savoir prendre du recul. Beaucoup de recul. Cet automne, la métropole de Montpellier a reçu une prise de vue satellitaire de son territoire (31 communes et 420 kilomètres carrés), fournie par le Centre national d'études spatiales (Cnes) et ses partenaires. La première d'une série de photographies géantes que la collectivité recevra tous les trois mois pendant cinq ans. "Cette prise de vue est en cours de traitement pour être transformée en plan qui se superpose aux données de la ville", détaille Hélène Roussel, directrice smart city de Montpellier Méditerranée Métropole. L'intégration devrait être terminée d'ici fin janvier.

A travers ces images, qui permettent de distinguer correctement un carré de cinquante centimètres, des algorithmes seront entraînés à reconnaître toutes sortes d'éléments du territoire : occupation des sols, végétation, littoraux, foncier, chantiers en cours… Ce travail de qualification permettra de comparer les clichés afin de repérer automatiquement des changements sur le territoire. "Ces algorithmes viennent d'applications de défense et d'espionnage. Ils sont tout à fait pertinents pour détecter des changements à l'échelle d'un territoire", explique Alain Podaire, responsable des applications spatiales au Cnes.

Identifier des anomalies

Cette initiative doit permettre à Montpellier de mieux suivre le respect de son schéma d'organisation territoriale (Scot) et de son plan d'aménagement urbain (PAU), qui définissent pour les années à venir la manière dont doit évoluer le territoire. Les images satellite pourront être comparées chaque trimestre aux projections théoriques des Scot et PAU, pour voir si elles sont respectées. La comparaison des clichés pris tous les trois mois permettra aussi de détecter des anomalies beaucoup plus localisées. Par exemple l'apparition de constructions dans des zones où aucun permis de construire n'a été accordé ou de décharges sauvages. Des suivis à plus long terme,  comme l'érosion des littoraux ou la bétonisation des sols, seront également réalisés.

"Il n'y a guère que le spatial qui permette d'acquérir simplement des images si précises sur un si grand périmètre", assure Alain Podaire. "Autrement, il faut prévoir des campagnes de survol du territoire par drones ou avions, mais les prises de vue ne sont pas aussi éloignées que par satellite." Montpellier avait en effet recours à cette méthode, qui lui permettait d'acquérir des prises de vue aériennes de moins bonne qualité et plus rarement. "Nous allons passer d'un aveugle qui voyait une fois tous les trois ans à un malvoyant qui voit tous les trois mois", résume Hélène Roussel.

"Seul le spatial permet d'acquérir simplement des images si précises sur un si grand périmètre"

Le Cnes  fournit ces données gratuitement. Une trentaine d'entreprises partenaires, segmentées sur des tâches très spécialisées, aident ensuite les collectivités à interpréter ces données, contre une rémunération qui reste encore à déterminer. Une occasion pour elles de mettre en valeur leurs services et d'entraîner leurs algorithmes. C'est aussi une vitrine pour le Cnes. "Ce qui se joue à Montpellier a valeur de test, car nous espérons déployer la même solution dans d'autres territoires avec lesquels nous sommes en discussions comme Paris, Toulouse, ou encore les régions Bretagne et Aquitaine", ajoute Alain Podaire. Il imagine même un modèle de mutualisation, en passant par des centrales d'achat public comme l'UGAP, qui permettrait à des collectivités de taille plus modeste de s'offrir ces services, qui deviennent de plus en plus efficaces et abordables."Nous assistons à une explosion du volume de données et à une fréquence de rafraîchissement de plus en plus élevée des images satellite. Nous serons en mesure de faire du temps réel dans dix ans", anticipe Alain Podaire. Le big data satellitaire se met en orbite.