Relance économique verte : n'oublions pas la dimension sociale

De nombreuses personnalités et organisations militent actuellement en faveur d'un plan de relance verte pour renouer avec une croissance qui soit durable. Mais, face aux multiples conséquences de la crise du Covid sur l'emploi et le pouvoir d'achat, il est impératif de ne pas oublier le volet social, alors que plus de 7 millions de foyers sont déjà en situation de précarité énergétique.

Le secteur du bâtiment en première ligne

Réduire la consommation énergétique des secteurs énergivores fait partie des priorités des pouvoirs publics pour atteindre la neutralité carbone. En dépit de la crise actuelle, cet objectif a été conforté par le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, lors d’une audition devant les députés fin avril : « La France devra être la première économie décarbonée d’Europe ». Le secteur du bâtiment est en première ligne puisqu'il représente 18% des émissions de gaz à effet de serre et 45% des consommations d’énergie en France.

Aujourd’hui, la combinaison des aides existantes, principalement Ma Prime Renov et les aides CEE (Certificats d'économies d'énergie), offre un soutien financier incitatif pour les ménages français qui souhaitent entamer des travaux de rénovation de leur logement. La dimension sociale fait partie de l’équation puisque les foyers en situation de précarité énergétique peuvent bénéficier d’un soutien financier plus important pour réaliser leurs travaux.

Un chantier faramineux

Mais, force est de constater que ce n’est pas suffisant. D’après le tableau de bord 2019 de l’Office National de la Précarité Energétique, plus de 7 millions de foyers seraient en situation de précarité énergétique en France, soit près d’1 foyer sur 4 ; c’est considérable ! De plus, le confinement a mis en arrêt de nombreux chantiers et entraîné des reports de travaux, alors que les besoins restent énormes.

Fort heureusement, des associations de terrain comme SOLIHA œuvrent au quotidien auprès des personnes aux revenus modestes pour les aider à réduire leurs consommations énergétiques. Leur action sera clé dans les mois à venir.  Il faut non seulement les soutenir, mais aussi accélérer le rythme des chantiers. A ce titre, il était important qu’Emmanuelle Wargon, secrétaire d’Etat en charge de l’écologie et Julien Denormandie, secrétaire d’Etat en charge de la Ville et du Logement, réaffirment ces dernières semaines l’ambition gouvernementale en la matière.

De son côté, la société civile a pris la mesure de l’enjeu puisque la Conférence citoyenne pour le climat proposait début avril de rendre obligatoire la rénovation énergétique globale des bâtiments d’ici à 2040, et dès de 2030 pour les « passoires thermiques », en multipliant par trois le rythme des rénovations (soit 20 millions le nombre de logements à rénover).

Donnons-nous dès aujourd’hui les moyens de nos ambitions

Face l’ampleur de la crise économique, il est nécessaire d’amplifier nos efforts pour inscrire nos concitoyens, en priorité les plus fragiles, dans un parcours de réduction de leur consommation d'énergie qui soit à la fois efficace et pérenne.

Une première suggestion serait d’autoriser le traitement numérique des demandes de dossiers CEE. Le confinement a servi de test en la matière et les résultats ont été concluants, puisque les démarches ont été effectuées de manière plus simples et plus fluides. Cette digitalisation devra bien entendu aller de pair avec le maintien d’un tissu solide d’acteurs de proximité pour œuvrer à la conduite de travaux de qualité.

Une autre idée serait de renforcer le conseil aux particuliers dans le pilotage de leur consommation. Récemment, le médiateur de l’énergie s’alarmait d’une très forte augmentation du nombre de procédures pour impayés en 2019, et ces chiffres ne tiennent pas compte de la crise actuelle que nous vivons actuellement. Si la préservation du pouvoir d’achat des plus modestes fait partie des priorités, alors il sera essentiel de faire de la pédagogie sur le sujet, notamment à travers les écogestes, qui permettent de réduire simplement et efficacement la facture énergétique.

L'épisode du Covid et la période de confinement qui a suivi ont révélé encore davantage l’importance de mettre le sujet des économies d’énergie au cœur du plan de relance. Pour autant, la dimension sociale ne devra pas être minimisée alors que le pic de la crise est devant nous. La concertation qui va s'ouvrir avec les pouvoirs publics et les acteurs du dispositif CEE devra aussi permettre de renforcer notre capacité d’action pour mieux lutter contre la précarité énergétique.