Salesforce bientôt à 10 milliards de dollars par an : un tournant dans l’industrie

10 milliards de dollars ! C’est le chiffre d’affaires annuel que Salesforce devrait bientôt atteindre, faisant de cette dernière la première entreprise exclusivement positionnée sur le marché SaaS à générer autant de revenus à un rythme récurrent.


Ce semestre encore Salesforce a réalisé une croissance de 27% de son chiffre d’affaires. Cette exceptionnelle réussite n’est pas uniquement celle du modèle SaaS (Software-as-a-Service) ; elle est principalement due à ce changement de consommation qui a mené à créer une nouvelle économie. L'économie mondiale effectue en effet une transition « systémique » d’un modèle basé sur des ventes ponctuelles de produits vers la fourniture de services par abonnement.

Salesforce a joué un rôle clé dans ce changement de paradigme qui inspire désormais tous les secteurs économiques : de la formation à l'agriculture en passant par l'industrie lourde. Atteindre un volume annuel de vente de 10 milliards de dollars n'est pas chose aisée – et tout particulièrement pour les entreprises traditionnelles qui, en termes de chiffre d'affaires, repartent à zéro chaque premier janvier ! Mais Salesforce n'est pas une société traditionnelle. Son modèle économique repose sur l'abonnement, une approche qui assure des revenus récurrents. De sorte que la question n'est pas vraiment de savoir si elle parviendra à atteindre le seuil de 10 milliards de dollars de chiffre d'affaires, mais plutôt de savoir quand…

Salesforce bénéficie d'une base de clientèle étendue qui se pérennise année après année. En outre, la stratégie de Salesforce permet à ses clients de capitaliser sur un écosystème vivant et de bénéficier de ses 7 clouds, autant de facteurs contribuant à maximiser la fidélité des clients et la reconduction des contrats année après année.

Mais revenons-en au point initial : comment Marc Benioff atteindra-t-il ce chiffre d'affaires de 10 milliards de dollars ? Salesforce pronostique d’atteindre 8 milliards de dollars pour la prochaine fiscale. La spécificité du business model des abonnements réside dans la différence entre chiffre d'affaires et revenus... il faut se souvenir qu'il s'agit de revenus récurrents! Marc Benioff n'est pas tenu de trouver 10 « nouveaux » milliards de dollars chaque année...

Plus spécifiquement, il faut également noter que les revenus reportés non facturés représentent approximativement 6,7 milliards de dollars, soit une hausse de 24 % par rapport à l’année précédente. En d'autres termes, dans le cas de Salesforce, 6,7 milliards de dollars de recettes futures sont d'ores et déjà assurées – et ce même si elles ne figurent pas encore à son bilan.

Enfin, penchons-nous sur la profitabilité de l'entreprise en abordant ses marges sous un angle différent... Au dernier trimestre, pour un chiffre d'affaires de 1,71 milliard de dollars, l’entreprise a investi quelques 814 millions en dépenses commerciales et marketing. En imaginant qu’elle supprime ces dépenses sur le champ, ses marges feraient alors un bond considérable. Mais Marc Benioff croit fermement dans l'énorme potentiel de la migration vers le cloud. Selon Gartner, le marché des logiciels d'entreprise, stimulé par la tendance SaaS, augmentera encore cette année de 7,5 % pour atteindre environ 150 milliards de dollars. En 2019, il représentera une manne de plus de 200 milliards de dollars.

Dans une économie basée sur les abonnements, les dépenses commerciales et de marketing ont pour effet de faire croître un revenu annuel récurrent ; autrement dit, un chiffre d'affaires futur mais non encore comptabilisable. Les frais commerciaux et de marketing du moment doivent être alignés sur le montant futur du chiffre d'affaires. Si Marc Benioff réinvestit ses revenus dans les ventes et le marketing c'est précisément pour atteindre plus rapidement ses objectifs de croissance dans la mesure où il sait pertinemment opérer dans un marché hautement concurrentiel. C'est aussi la raison pour laquelle, il ne faut pas espérer qu'il ferme les vannes de tels investissements quand il aura atteint ce seuil de 10 milliards de dollars !

Bien sûr, ces puissantes métriques applicables aux revenus récurrents ne sont pas propres à Salesforce. Le New York Times bénéficie actuellement de 200 millions de dollars de revenus récurrents annuels provenant de son million d'abonnés numériques et Netflix a engrangé des bénéfices de 1,48 milliard de dollars grâce à ses 65 millions d'abonnés. Mais les industries du logiciel et des médias ne sont que des précurseurs. L'évolution vers l’économie de l’abonnement est à l'œuvre dans pratiquement tous les secteurs économiques, car il présente deux caractéristiques essentielles : une grande stabilité financière associée à une forte visibilité de l'avenir.

En tant que dirigeant d'une entreprise focalisée sur les abonnements, je me félicite du succès extraordinaire de Marc Benioff et de son entreprise et je suis fermement convaincu que sa réussite n'est pas uniquement celle de Salesforce ni du marché SaaS mais qu'elle est emblématique d'un changement économique fondamental : le grand public comme les entreprises aspirent à répondre à leurs besoins d'une nouvelle façon, par abonnement, alternative à la possession.