Satya Nadella (Microsoft) "Notre vision est celle du Cloud OS"

Il arrive désormais en premier sur la liste des potentiels successeurs de Steve Ballmer à la tête de Microsoft. Lors de son passage sur LeWeb, le vice-président Enterprise et Cloud du groupe nous a accordé une interview exclusive.

satya nadella
Satya Nadella est vice président exécutif Cloud et Enterprise de Microsoft. © Microsoft

Nous avions rendez-vous avec Satya Nadella lors de la conférence LeWeb le 10 décembre. Le vice président Enterprise et Cloud de Microsoft se souvenait très bien de la première interview que nous avions réalisée de lui fin 2011. Alors que la piste Alan Mulally semble s'éloigner dans la quête d'un successeur à Steve Ballmer, Satya Nadella parait aujourd'hui l'un des mieux placés pour prendre les rênes du groupe. Pourquoi ? Cet homme est l'artisan de la stratégie cloud de l'éditeur. Portant les applications SaaS de Microsoft, le cloud Windows Azure fait le trait d'union entre tous les produits du groupe, s'intégrant aussi bien aux outils Windows côté serveur que Windows côté client... et donc aussi côté terminaux. Satya Nadella pourrait donc être l'un des mieux placés pour négocier la mutation, déjà en cours, de Windows 8 vers Windows 9. Un système, client cette fois, qui devrait être encore plus intimement lié à Azure... et par conséquent également un OS orienté cloud.

JDN. Vous avez annoncé la possibilité d'héberger des applications mobiles non-Windows sur Azure. Quels sont vos objectifs business dans ce domaine?

Satya Nadella. Globalement, sur le cloud computing, notre objectif est de fournir une infrastructure de backend applicatif pour tous les terminaux, en incluant iOS et Android. C'est le rôle de Windows Azure Mobile Services qui est un Backend as a Service, conçu pour s'adapter à n'importe quelle application mobile. Intune, notre solution en mode cloud de gestion de flotte de terminaux, est aussi dessinée pour gérer tous les appareils, en incluant naturellement Windows, mais aussi Android et iOS. Windows Azure est ainsi une plateforme de backend globale. Et à l'avenir, nous étendrons ce potentiel de compatibilité pour couvrir toutes les plateformes et technologies qui seront amenées à se démocratiser.

On peut donc dire que Windows Azure est en réalité un cloud multi-OS, aussi bien du côté des OS clients que des OS serveurs d'ailleurs ?

C'est une réalité. Comme nous l'avons dit, Azure supporte des clients multiples, iOS, Android et Windows. Côté serveur, Azure supporte Windows et Linux. Sur le plan des environnements de développement, rappelons aussi que nous prenons en charge aussi bien notre propre infrastructure, .Net, que Java [NDLR lire l'article : Kompass bascule son système d'information Java dans le Cloud]. Nous avons d'ailleurs signé récemment un accord avec Oracle pour assurer un support de Java de tout premier plan. 

L'idée est de relever le défi de l'hétérogénéité technologique de nos clients en construisant un cloud réellement universel. Nous voulons fournir une plate-forme proposant des fonctionnalités uniques, qui soit ouverte, interopérable avec d'autres plateformes, y compris open source d'ailleurs. Le travail que nous avons réalisé autour de l'intégration d'Hadoop à Azure à travers le service HDInsight, est un bon exemple de notre volonté d'ouverture vers l'open source [NDLR lire l'article : Le Big Data arrive sur le cloud de Microsoft].


Quelles sont les principales valeurs ajoutées d'Azure, comparé à vos principaux concurrents comme Amazon ?

"Active Directory sur Azure permet une gestion des identité sur toutes les applications"

Entre les applications SaaS, comme Office 365 et Dynamics Online, les services d'infrastructure IaaS et de plateforme PaaS Azure, et notre capacité à faire le pont avec les clouds privés au travers de Windows Server et System Center : notre point fort se situe dans notre capacité de couverture. Google et Amazon peuvent nous concurrencer sur seulement une ou deux de ces dimensions. VMware pourrait rivaliser sur le cloud privé. Mais nous sommes les seuls à être présents sur les trois dimensions du cloud.

Active Directory et son historique ne demeurent-t-ils pas votre plus grande force ? Celle qu'aucun autre acteur ne pourra jamais revendiquer ?

C'est vrai. Active Directory et plus largement System Center sont des atouts majeurs. Mais si nous n'avions pas innové autour, ils ne le seraient pas. Car le fait de proposer Active Directory sur Azure élargie notre positionnement, et donc notre potentiel de valeur. Avec le service Active Directory sur Azure, nous sommes en effet capables d'assurer une gestion d'identité sur l'ensemble des applications, en mode cloud ou pas. System Center Configuration Manager, accompagné désormais d'Intune, permet de gérer tout type de terminaux, votre parc de PC et vos flottes de mobiles, même hétérogènes. Du côté des data centers, System Center couvre à la fois l'administration des centres de données internes, mais aussi celle des actifs présents sur Azure.

Votre service d'annuaire en mode Cloud, Windows Azure Active Directory, est capable de supporter des applications SaaS tiers, comme Salesforce.com ou les Google Apps (lire l'article : Azure Active Directory, l'identification unique couvrant tous les clouds). Votre vision est-elle : un cloud pour les gouverner tous ?

Permettre aux entreprises de gérer la complexité : tel est notre objectif. Elles doivent être capables de prendre en compte de nombreuses applications SaaS, comme Salesforce, Office 365 ou Workday. Du provisionning au deprovisionning d'un utilisateur, l'idée est de faire en sorte que ces actions soient aussi simples à réaliser que dans leur Active Directory interne. Dans Azure, nous proposons la même console et les mêmes processus d'administration. Elles ont ainsi la possibilité de contrôler tous les utilisateurs sur l'ensemble des systèmes, que les applications soient installées en interne, on-premise, ou en mode SaaS.

Même chose avec Intune, sur la partie mobile, qui peut gérer des appareils Windows et non-Windows comme on l'a dit. L'objectif étant de couvrir les scénarios de Bring Your Own Device [utilisation de terminaux personnels pour travailler NDLR], ou de Corporate Own Device [utilisation de terminaux fournis par l'entreprise NDLR]. La finalité est de fournir une solution qui réponde aux besoins des métiers comme de l'informatique.
 

Mais Windows Azure a aussi pour vocation de s'étendre en dehors de vos data centers ?

Notre vision est celle du Cloud OS. Il ne s'agit pas seulement de nos propres data centers et de nos propres services cloud. Mais nous voulons aussi permettre à n'importe qui d'autre d'accéder aux technologies composant Azure, à travers Windows Server, pour construire un cloud en propre. C'est l'objet d'Azure Pack, qui repose sur Windows Server. C'est un volet important de notre stratégie.

L'Azure Pack semble être un élément central de votre politique de partenariat. N'est-ce pas là un outil pour accompagner la mutation de votre écosystème de partenaires vers le cloud ?

Nous observons un grand nombre de partenaires qui n'utilisent pas seulement leur cloud, mais utilisent aussi Azure en combinaison avec d'autres offres pour accompagner au mieux leur client, et répondre à tous leurs besoins [c'est le cas de LinkbyNet en France qui propose une offre multi-cloud, avec la possibilité d'héberger des actifs sur Windows Azure, Amazon, ou sur sa propre plateforme d'hébergement dans l'Hexagone NDLR]. L'Azure Pack a été notamment conçu pour eux dans cet objectif.

Cloud or not cloud, telle est la question que ce posent aujourd'hui les entreprises. Pensez-vous qu'elles aient le choix ?

L'histoire de l'informatique serveur s'est fait par bonds technologiques. Du schéma classique client/serveur au cloud en passant par la virtualisation. Chaque étape a contribué à améliorer l'efficacité informatique, en optimisant l'utilisation et la consommation des ressources IT, en facilitant le déploiement applicatif. Le cloud contribue lui aussi à plus d'efficacité et de souplesse. Mais, vous savez, le cloud est laïc. Il n'a pas de religion. Les DSI pourront choisir de bâtir leur propre cloud, pour plein de raisons différentes, liées aux réglementions, à la géopolitique, à des facteurs techniques particuliers, et beaucoup d'autres problématiques. Ils pourront aussi vouloir faire appel à des fournisseurs d'hébergement locaux. C'est dans cette optique que nous avons décidé d'opter pour une posture agnostique, et de proposer des solutions répondant à ces différents scénarios.

"L'extension géographique constitue un élément clé de notre stratégie autour d'Azure"

Vous avez annoncé la création d'une région Azure au Brésil, avec la construction d'un nouveau data center. Etendre la couverture d'Azure est-il votre principal objectif pour l'année prochaine ?

L'extension géographique constitue un élément clé de notre stratégie autour d'Azure. Nous avons aussi annoncé beaucoup de nouveaux services, comme Azure Active Directory en version finale et Azure Active Directory Premium en pré-version. Nous allons également sortir une nouvelle version d'Intune. Le cloud permet d'innover à rythme assez rapide.

Notre actualité concerne aussi Windows Server 2012, avec la version R2, mais aussi System Center et Visual Studio 2013 [lire l'article : Visual Studio 2013, les nouveautés en images NDLR]. Nous préparons aussi une nouvelle version de SQL Server. Et encore une fois, tous ces produits fonctionnent avec Azure. Par exemple, SQL Server 2014 offrira une gestion automatique de la haute disponibilité dans Azure. Quant à Windows Server, il dispose déjà de possibilités de sauvegarde et de reprise après sinistre reposant sur Azure. C'est donc bien une stratégie d'intégration que nous poursuivons.

Avec notamment Facebook et Google, Microsoft a lancé un appel aux autorités américaines pour plus de transparence, notamment via le site ReformGovernmentSurveillance.com. Quel est pour vous l'enjeu de cette action ?
Notre objectif est de nous assurer de la manière dont le gouvernement opère du point de vue de ses citoyens, et permet à la technologie de s'étendre plus largement, en rejoignant les besoins fondamentaux de la société. C'est vraiment notre objectif. Il est temps pour nous d'avoir un dialogue constructif et ouvert. Nous sommes très clairs : nous prônons la transparence, le processus légal, et nous voulons avoir les moyens de respecter la loi. Cela est valable d'ailleurs dans tous les pays. C'est là le sens de notre appel. Nous nous sommes effectivement joints à d'autres sociétés pour créer une coalition pour œuvrer dans ce sens.   



Biographie professionnelle : Satya Nadella est vice président Enterprise et Cloud de Microsoft. A ce titre, il est en charge de l'offre cloud du groupe, ses solutions d'infrastructure et de développement. C'est lui et son équipe qui ont bâti l'environnement de Cloud OS de Microsoft, qui s'adosse à la fois à Windows Azure et Windows Server (et ses offres associées). Une plate-forme qui ne supporte pas seulement les services cloud du groupe (Office 365, Bing, SkyDrive, Xbox Live, Skype et Dynamics), mais aussi de nombreuses applications d'entreprises clientes à travers le monde. Précédemment, Satya Nadella a été président Server and Tools de Microsoft. Il a également été vice président sénior de la R&D pour la division Online Services, et vice président de la division Microsoft Business. Satya Nadella est entré chez Microsoft en 1992. Auparavant, il a été membre des équipes techniques de Sun Microsystems.