Gérer les précontentieux relatifs à des prestations offshore

La fin d’un projet informatique peut donner lieu à des difficultés telles entre un client et son prestataire que l’une ou l’autre des parties estime devoir saisir les tribunaux. Que faire dans ce cas ?

En fonction des situations, certaines décisions judiciaires doivent être obtenues rapidement. Lorsque l'on sait l'âpreté de tels combats dans un contexte strictement franco-français, l'on peut mesurer combien la distance, l'extranéité de la relation contractuelle, peut exacerber ces difficultés dans des proportions considérables.

Quel tribunal saisir ? Comment exécuter une décision favorable ? Les procédures d'urgence sont-elles compatibles avec le fait d'assigner une société localisée à l'étranger ?

Ces questions ne se poseront véritablement que dans les cas d'offshore intégral, c'est-à-dire lorsque le prestataire offshore est une société étrangère localisée en Inde, en Chine ou ailleurs, ayant contracté directement avec un client français, sans recours à un prestataire intermédiaire basé, lui, en France.

Les difficultés à cet égard sont, d'une part, la détermination du tribunal compétent (qu'il s'agisse d'une juridiction étatique ou d'un tribunal arbitral), avec toutes les difficultés que l'on sait de piloter à partir de la France un procès dans un pays étranger, et d'autre part, dans l'hypothèse où le client serait parvenu à négocier l'application de la loi française, ainsi qu'une clause attributive de compétence près d'un tribunal français, de faire exécuter à l'étranger la décision obtenue du juge français.


Dans ce dernier cas, en effet, le client devra préalablement s'interroger sur les règles de droit international régissant les rapports entre la France et le pays de résidence de son prestataire offshore, notamment sur la question de savoir s'il existe une convention internationale de reconnaissance réciproque des décisions judiciaires (bilatérale ou multilatérale) entre ces deux pays. Ces conventions internationales définissent en effet les règles pour qu'une décision rendue par un Etat soit "exequaturée" (c'est-à-dire reconnue exécutoire) par un autre Etat.


Il est essentiel de les étudier attentivement pour en connaître les contraintes et éviter de tomber dans les pièges de procédure.

Prenons un exemple. Admettons qu'une société française, cliente d'un prestataire offshore, ait résilié son contrat et soit finalement contrainte d'entreprendre une action judiciaire pour obliger ce prestataire à mettre en oeuvre la réversibilité des prestations.

L'on sait que, pour assigner en France une société étrangère, l'article 643 du Nouveau Code de Procédure Civile oblige à allonger de deux mois les délais de convocation et l'on sait par ailleurs que le juge des référés français n'applique pas strictement cette règle (allant jusqu'à admettre des délais de comparution inférieur à 24 heures dans les cas de véritable urgence).

Pour sécuriser totalement son action en référé, imaginons qu'une partie - ici le client - fasse une scrupuleuse application du code, délivrant son assignation à son prestataire deux mois et demi avant l'audience de plaidoirie. Le client obtient au final une ordonnance de référé condamnant le prestataire étranger à procéder à la réversibilité (c'est-à-dire par exemple, s'il s'agit d'un contrat d'exploitation, à lui restituer ses données) sous astreinte et entreprend de la faire exécuter dans le pays de son prestataire offshore... Cet Etat étranger va alors apprécier si les règles pour reconnaître valable un jugement français ont bien été respectées.

Dans notre exemple, si le prestataire offshore est tunisien, il n'aura rien à craindre. En effet, sur la base de la Convention Franco-Tunisienne du 28 juin 1972, qui exige que les délais de comparution ne soient jamais inférieurs à trois mois, l'Etat Tunisien refusera dès lors d'accorder l'exequatur à cette décision. Cette dernière ne pourra donc jamais être exécutée et le client devra recommencer toute la procédure.


Conclusion, le fait de prévoir dans le contrat l'application de la loi française, ainsi que la compétence des tribunaux français est totalement insuffisant.

Sans aller jusqu'à cet extrême, les délais pour obtenir l'exequatur d'une décision française sont si longs - notamment en Inde - qu'ils sont incompatibles avec tout impératif de célérité.

On le voit donc, les astreintes qu'une société française pourrait obtenir à l'encontre de son prestataire offshore pour le forcer à exécuter une décision de justice ou une obligation contractuelle de faire sont assez illusoires.


C'est pourquoi, il convient de privilégier le recours à l'offshore via une société française (dont on se sera préalablement qu'elle n'est pas qu'une simple façade, une coquille vide), seul moyen de rendre vraiment efficace un éventuel recours contentieux.


Lorsque c'est un recours de pur offshore qui aura été retenu, il conviendra que le contrat organise une "réversibilité continue", c'est-à-dire une réversibilité qui, à la différence d'une réversibilité classique qui reporte son exécution à la fin du contrat, se réalise régulièrement depuis le démarrage de l'exécution du contrat.


Le prestataire offshore devra ainsi communiquer au client, selon une périodicité à définir, une sauvegarde intégrale de ses données, des versions documentées des programmes développés, et plus généralement de tous les éléments faisant l'objet de cette réversibilité.


Enfin, une autre possibilité sera d'assortir l'obligation de réversibilité d'une astreinte contractuelle et de faire garantir l'éventuel paiement de celle-ci par un tiers solvable (idéalement une banque) au moyen d'une garantie à première demande.