Thierry Chamfrault (itSMF France) "Les architectures de services BtoB peuvent devenir un vrai levier de compétitivité"

Centrée sur les problématiques de services IT, l'association entend élargir sa réflexion à d'autres métiers. En ligne de mire : lancer depuis la France le premier référentiel de bonnes pratiques commun à tous les domaines du service, BtoB ou BtoC.

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Thierry Chamfrault est co-fondateur de l'itSMF France. © JDN / Antoine Crochet-Damais

En amont du 1er Forum des "Thématiques du Service" organisé par l'itSMF France le 26 novembre prochain à Paris, son co-fondateur dévoile en exclusivité pour le JDN la nouvelle orientation prise par l'association professionnelle.

Le Forum des "Thématiques du Service" s'articulera autour de plusieurs sujet : La gouvernance des services, Mesurer la valeur des services, Les services partagés, La nouvelle relation client, et Passer à une organisation orientée services.

JDN. La notion de DevOps semble s'imposer sur le terrain des référentiels d'organisation de l'informatique. Est-ce une simple évolution ou une véritable révolution IT ?

Thierry Chamfrault. DevOps constitue un référentiel de bonnes pratiques parmi d'autres. Pendant longtemps, les entreprises ont opté pour un mode de structuration des processus en partant du développement de systèmes vers la production informatique.

Dans un premier temps, j'ai pris le contre-pied de cette logique en recommandant de partir des objectifs de production pour remonter au développement. Mais lors de la conférence 2012 de l'itSMF [pour IT Service Management Forum NDLR], j'avais introduit l'idée que la transition entre les deux mondes devait être réalisée en partant de la jointure entre ces deux univers. C'est précisément ce que prône le DevOps.

La production IT retrouve donc un rôle de premier plan...

Pour parvenir à un produit innovant, de bonne qualité, qui soit lancé au bon moment, tous les acteurs doivent en effet s'impliquer, et apporter leur pierre à l'édifice. Nous avons eu tort de mieux considérer la R&D au détriment de la production. En réalité, si nos grandes entreprises veulent tendre vers des organisations plus agiles, elles doivent travailler sur la notion d'architecture de services, ou SOA. Un modèle d'organisation, trop souvent réduit à un concept informatique, à travers lequel il est possible de créer un produit ou service à partir d'une recomposition de composants système ou de services existants.

Mais pour parvenir à cet objectif, il est nécessaire de jouer collectif, et mettre en place des dispositifs participatifs. Il est en effet impossible pour une personne, le DSI par exemple, d'avoir une vision à 360° des composantes existantes et réutilisables. Les équipes de production ont ici un vrai rôle à jouer, car elles connaissent bien le système d'information, tout comme la R&D qui apportera sa vision sur les coûts et la faisabilité d'un développement complémentaire. C'est donc bien l'architecture qui est le trait d'union entre développement et production.

"Nous allons lancer l'Observatoire du service"

Où se place la direction marketing dans ce schéma ?

Sans le marketing, pas de produit. Ce métier représente donc en quelque sorte le troisième pilier du dispositif, avec la R&D et la production. Ce nouveau modèle d'organisation permettrait d'innover en évitant les révolutions internes systématiques, par des recompositions et reengineering de l'existant.

L'itSMF évolue. Vous lancez notamment un Forum sur les Thématiques du Service. Allez-vous sortir des problématiques purement informatiques ?

C'est bien là l'objectif que nous nous donnons. Etant une association d'utilisateurs de l'informatique centrée sur la question de la gestion des services IT, nous avons une vraie légitimité à élargir le débat en impliquant les autres directions de l'entreprise. Car eux aussi mettent en œuvre des services, qui s'adossent d'ailleurs de plus en plus à l'informatique pour s'exécuter. Or, force est de constater que tous ces métiers ne disposent pas de référentiels formalisés comme ceux que nous avons bâtis depuis dès années dans l'IT, autour d'ITIL par exemple.

A contrario, la DSI a voulu se donner un rôle majeur en matière d'information. Mais en réalité, elle n'a aucune autorité sur la valeur de cette information en termes business. C'est une direction des systèmes informatiques qui se contente de gérer la sécurité et l'accès aux données. Là encore, il était donc naturel pour nous d'élargir notre domaine d'intervention. De itSM aujourd'hui, il ne pourrait donc rester que SM demain.

Vous proposez donc de créer un référentiel commun à tous les métiers ayant une composante de service ?

Dans un premier temps, notre associations prévoit de lancer un Observatoire du service, sur les usages, les expériences et les métiers du service, dans le but de commencer à réfléchir avec les autres métiers. Puis, l'idée est effectivement de commencer à définir un référentiel de bonnes pratiques commun en s'inspirant des référentiels existants : ITIL, CMMI... En parallèle, nous aborderons aussi la problématique de la gouvernance des services, et de leur mesure à la fois d'un point de vue technique et d'usage.

"Casser les modes d'organisation en silos implique un changement culturel profond"

Votre réflexion englobera-t-elle les services BtoC ?

Oui. Il n'existe pas non plus de référentiel de pratique sur ce terrain. Mais notre ambition est d'aller encore plus loin. Nous estimons en effet que les architectures orientées services, et donc la composition de services, pourraient devenir transverses à plusieurs entreprises dans l'optique de faciliter et accélérer les partenariats industriels de grande envergure. Les consortiums répondant aux grands appels d'offres se constitueraient non seulement pour répartir les coûts du pré-projet, et ainsi amoindrir l'impact d'une éventuelle réponse négative, mais aussi pour apporter une valeur d'innovation décuplée par cette capacité à composer des services inter-entreprise. Face à la complexité des enjeux économiques, le secret de la réussite se situe dans cette dynamique collective.

Pensez-vous que les réseaux sociaux d'entreprise puissent servir de catalyseur à cette intelligence collective permettant de résoudre des problèmes complexes ?

Les réseaux sociaux d'entreprise ne sont qu'un outil. Derrière, les changements à réaliser sont beaucoup plus profonds. Il s'agit de passer d'un mode d'organisation en silos à une structure horizontale composées de multiples communautés capables de prendre elles-mêmes des décisions. Ce nouveau mode de structuration qui implique des délégations du pouvoir permettra aux grandes entreprises de gagner en agilité. Il est d'ailleurs déjà mis en place par certains groupes, comme le producteur de cuivre Favi.

Vous organisez le 26 novembre prochain à Paris le 1er Forum des "Thématiques du Service". Quels seront les moments forts de cet événement ?

Notre forum 2013 s'inscrit dans le cadre de nos nouvelles Rencontres biannuelles de la communauté du Service. Nous proposerons pour l'occasion des Open Forum à travers lesquels les participants pourront venir partager sur les blocages auxquels ils ont pu faire face à travers leurs projets de mise en œuvre de solution d'ITSM. L'idée est de favoriser les échanges entre participants ayant fait face aux mêmes problématiques, dans l'optique de faire émerger des solutions. A l'issue de cette expérience, un livre de synthèse sera publié regroupant le résultat des travaux. Nous avons d'ailleurs prévu d'organiser un autre Open Forum après l'événement, en janvier 2014. 

Lors du Forum des "Thématiques du Service", nous organiserons aussi des Knowledge Cafés, en lien avec le spécialiste des réseaux sociaux Nextmodernity. Ces lieux d'échange proposeront un programme de réflexion autour des enjeux humains du management et de la transformation des organisations.

Avec tous ces nouveaux espaces, nous entendons faire de l'événement un lieu d'investissement à la fois personnel et d'entreprise. Nous ne voulons plus de visiteurs passifs ! L'idée est de montrer la voie. La mutation de l'entreprise implique en effet d'inventer de nouveaux modèles d'intelligence collective.

Un chef d'orchestre viendra aussi témoigner de son expérience en matière de mise en musique d'un orchestre philharmonique. L'idée est de faire le parallèle avec l'orchestration et la composition des services qui, elles aussi, doivent être harmonieuses pour parvenir à un résultat percutant et innovant. Un retour d'expérience de la SNCF autour des offres de billet de TGV à bas coûts sera présenté lors de l'événement. Ce projet illustre parfaitement l'idée de créer une offre innovante à partir d'une orchestration de ressources existantes. Elle repose en effet notamment sur des rames existantes.

Biographie professionnelle : Thierry Chamfrault est directeur qualité et méthodes chez Technip. Il a été précédemment directeur qualité au sein du Groupe Technologies et Services (GTS). Il a ensuite occupé un poste équivalent au sein de la Société Générale, avant de devenir directeur qualité au sein de la DSI de Bouygues Telecom. Thierry Chamfrault est co-fondateur de l'itSMF France. Il est administrateur de l'association et responsable de la Commission Contenu.