Gérard Spatafora (Millesima) "Responsive design et migration vers AWS : pari tenu !"

Le spécialiste français des grands vins a migré ses 14 sites web dans le cloud d'Amazon en mars 2013. Trois mois après, le bilan est plus que positif.

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Gérard Spatafora est directeur e-commerce et m-commerce de Millesima. © JDN / Antoine Crochet-Damais

Spécialiste de la vente de grands vins et vins primeurs, Millésima affiche un stock de 2,5 millions de bouteilles. Capable de livrer dans 120 pays, la société a investi plusieurs canaux de vente : catalogue, téléphone, boutiques physiques, mais aussi un site web par le biais duquel Millésima réalise l'essentiel de son chiffre d'affaires, avec à la clé 120 000 visiteurs uniques par mois.

JDN. Vous êtes passés au responsive design...

Gérard Spatafora. Nos 14 sites Internet sont tous passés en responsive design début avril. Ce projet correspondait à une demande de nos clients. 26% du trafic web est désormais réalisé depuis des terminaux mobiles. Il était aussi assez facile à mettre en place pour une entreprise comme la nôtre. Le responsive design doit permettre aux clients d'accéder rapidement aux données sur les stocks pour prendre leur décision d'achat.

Parallèlement, nous proposons aussi des applications mobiles natives, notamment pour smartphones iPhone et Android. C'est un canal complémentaire, un outil captif offrant beaucoup plus d'informations, du texte, des photos, de la vidéo... Mais aussi des services de gestion de cave, sur la cote des vins...

Avez-vous fait face à des difficultés lors du passage au responsive design, notamment en termes de SEO ?

Cette évolution s'est faite plutôt naturellement. Nous avons demandé à la société de services Kaizen Marketing de nous accompagner pour réécrire nos pages en HTML5 et CSS3 pour partir sur de bonnes bases. Pour répondre plus précisément à votre question, il est vrai que le responsive design peut être compliqué à gérer en termes de référencement. Mais, cet aspect ne nous a pas posé problème. Dans le domaine du vin, nous sommes très peu nombreux à avoir adopté le responsive design. On peut donc se permettre d'être un peu moins bon en SEO.

Mais, Kaizen Marketing nous a fait des recommandations pour nous améliorer sur ce point. L'idée est par exemple de bien optimiser et mettre en avant les produits que nos concurrents n'ont pas, par exemple les requêtes liées aux vieux millésimes. C'est aussi une stratégie performante en termes de coûts. 

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Millésima est désormais hébergé à 100% sur Amazon Web Services. © Capture

Quelle est votre politique en matière de développement et d'hébergement ?

Elle a été quelque peu chaotique. Nous avons expérimenté tous les cas de figure. Après une phase d'externalisation complète de notre infrastructure, nous avons repris en interne les développements en 2007, dans l'optique de notre croissance à l'international. A l'époque, Internet représentait 10% du chiffre d'affaires.

Peu après, en 2009, nous avons réalisé un premier test de Magento lors de l'ouverture des Etats-Unis et de Honk-Kong. Nous étions alors partis sur un serveur dédié chez un grand hébergeur. Nous avons décidé alors de gérer toute la technique en interne, du développement à l'infogérance. Nous avons pris un gros risque. Suite à une mauvaise manipulation, nous avons failli effacer tout le site. En 2010, nos 14 sites ont été migrés sur Magento. Nous avons alors opté pour un autre hébergeur, spécialisé dans cette technologie, qui nous a conseillé des serveurs sous-dimensionnés. Ce qui s'est révélé être un fiasco : énervement, perte de temps, de chiffre d'affaires... Nous sommes passés ensuite chez un troisième hébergeur, en Angleterre, avec cette fois des machines sur-dimensionnées, donc une prestation très chère. 

"Nous avons décidé de tout migrer sur Amazon fin 2012"

L'Internet a progressé depuis pour représenter 70% du chiffre d'affaires, et 80% des nouveaux clients, avec une très forte croissance hors de France aux US et en Asie. Face à cette montée en puissance mondiale et suite à ces différentes déconvenues, nous avons étudié l'opportunité de recourir au cloud courant 2012. Mais là, au lieu de partir tête baissée, nous avons déroulé une batterie de tests, autour de proof of concept, auprès de RackSpace et d'AWS.

Vous avez retenu l'offre AWS. Pourquoi ?

Les temps de réponse d'Amazon étaient les meilleurs, et son offre de services plus riche. Nous avons décidé de tout migrer sur Amazon fin 2012. Nous avons fait appel à eNovance pour l'infogérance. Le basculement a eu lieu en mars. 

Quelle est désormais votre architecture ?

Nos frontaux sont installés sur quatre instances EC2, réparties sur deux zones différentes d'AWS. L'équilibrage de charge est géré par le service Elastic Load Balancing d'Amazon. La base de données, sous Percona Server [un fork de MySQL NDLR], repose également sur une instance EC2, avec une garantie supplémentaire en matière de vitesse de lecture / écriture. Pour le cache Magento et des sessions utilisateurs, nous avons recours à Redis que nous hébergeons sur la même instance. 

Nous utilisons aussi le CDN Amazon CloudFront pour avoir une distribution mondiale. Pour permettre au marketing de lancer des requêtes sans pénaliser le site, le back office Magento dispose par ailleurs de sa propre instance. Et pour le stockage des images et photos, nous prévoyons d'utiliser S3. Nous y avons d'ailleurs déjà recours pour nos e-mailings. Nous réalisons entre 14 et 28 e-mailings par semaine, qui ciblent 70 000 clients chacun. Ce service est performant, pour un coût de stockage très faible. S3 a aussi permis à la direction technique de se décharger de l'hébergement des médias intégrés par les équipes marketing aux e-mails. Nous n'avons plus à nous en occuper.

"Nos coûts d'hébergement sont 30% plus faibles"

Avez-vous rencontré des difficultés pour migrer Magento sur Amazon EC2 ?

Les services disponibles sur AWS permettent de gérer un tel projet sans problème. Nous nous sommes beaucoup inspiré du projet de Web Store sous Magento réalisé par AOE Media pour AngryBirds.com, qui est hébergé sur AWS. Ce Web Store dispose de processus de déploiement continu sur Amazon. Il réplique l'infrastructure et, avec le load balancer, il active ses nouvelles versions, avec la possibilité de revenir en arrière. Quand tout va bien, il détruit l'ancienne version. Notre objectif serait d'aboutir à une configuration équivalente.

Pour réaliser nos tests, nous avons mis en place pour l'heure une plate-forme de pré-production sur Amazon, qui est la réplique exacte de l'environnement de production. Nous hébergeons nos versions sur Github, et réalisons nos déploiements directement à partir de ce service via des scripts. Pour encaisser nos futures montées en charge, notamment en termes transactionnels, nous avons la possibilité dans Magento et avec AWS de disposer de quatre, cinq, six bases de données MySQL répliquées en lecture.

Quel est votre premier bilan de l'utilisation d'AWS ?

D'abord, nos coûts d'hébergement sont environ 30% plus faibles que précédemment. Nous sommes en effet passés de serveurs dédiés sur-dimensionnés à une infrastructure sur-optimisée en termes de ressources, avec de la puissance machine à la demande. Précédemment en cas de problème sur un serveur physique, l'infogérance n'était pas très souple. Aujourd'hui, nous n'avons plus ce genre de souci. En cas de montée en charge subite, nous pouvons réagir instantanément en répliquant l'infrastructure autant de fois qu'il faut, et nous ne payons que ce que nous consommons.

Nous utilisons les Web Services Magento que nous avons un peu adaptés pour intégrer le back office de Magento à notre ERP maison. Nous synchronisons notamment les commandes, les stocks, les produits entre les deux applications. L'objectif, à termes, serait de faire de l'ERP un back office transverse à l'ensemble des canaux, qui servirait aussi à administrer la plate-forme d'e-commerce, jusqu'aux bannières marketing. Sachant que ce progiciel est déjà utilisé pour la gestion des stocks et du centre d'appels.
 

Biographie professionnelle : Gérard Spatafora est directeur e-commerce et m-commerce de Millésima. Il est titulaire d'un Master Wine Marketing & Management du Bordeaux International Wine Institute.