Travail à distance : les digital workplace françaises vont-elles transformer l'essai ?

Travail à distance : les digital workplace françaises vont-elles transformer l'essai ? Face à la crise du coronavirus, nombre d'éditeurs français d'applications collaboratives proposent gratuitement leurs outils pour faciliter le travail à distance durant la période de confinement.

L'explosion du télétravail consécutive aux mesures de confinement prises par le gouvernement conduit nombre d'entreprises françaises à s'équiper dans l'urgence en applications de collaboration. Pour accompagner le mouvement, notamment en direction des PME, les acteurs français de la digital workplace ont lancé en masse des solutions gratuites. A l'initiative de Cédric O, Mobilisation-numerique.gouv.fr en met en avant plusieurs dizaines. Via la plateforme #Open_solidarity, OVHCloud en fédère quant à lui une vingtaine auxquelles il fournit gracieusement ses services cloud et ses serveurs bare metal. Même logique pour 3DS Outscale via #ActForLife. Du pain béni pour les entreprises qui ne s'étaient pas encore équipées. Reste à savoir si ces offres les conduiront à inscrire leurs nouveaux usages digitaux dans la durée... et, in fine, à devenir clients des éditeurs.

Parmi les acteurs français engagés dans ce vaste mouvement de solidarité, Klaxoon a décidé d'offrir pour une période de trois mois son application de pilotage de réunions (avec la possibilité de tenir des meetings jusqu'à 40 participants). "Depuis son lancement le 17 mars, 1 000 équipes embarquent chaque jour dans notre suite collaborative via ce nouveau canal", confie Matthieu Beucher, CEO de Klaxoon. "Globalement, il s'agit d'un public qui connaissait déjà notre technologie, et qui a décidé de passer le pas pour évoluer vers le télétravail généralisé et un management distribué." Conçue pour gérer le virtuel et le présentiel ou un mixe des deux, l'application de Klaxoon est particulièrement bien adaptée à la gestion de crise. "Klaxoon permet d'organiser des réunions en urgence y compris avec l'ensemble des participants à distance, et de brainstormer pour trouver des solutions", argue Matthieu Beucher.

Le coronavirus : booster de transformation

Revendiquant pas moins de 4,5 millions d'utilisateurs à travers le monde, LumApps a mis au point pour l'occasion une offre gratuite axée justement sur la communication de crise. Basée sur l'environnement collaboratif et social de l'éditeur lyonnais, elle s'articule autour d'une quinzaine de cas d'usage : communication de la direction vers les salariés, questions-réponses pour répondre aux inquiétudes des salariés, communication horizontale via des communautés virtuelles... "Trois grands groupes français sont en train de déployer notre plateforme sur plus de 50 000 utilisateurs. L'un deux a bénéficié de cette nouvelle offre", confie Olivier Chanoux, chief marketing officer et co-fondateur de LumApps.

"L'ancien système hiérarchique et le côté convenu des réunions traditionnelles sont balayés"

De son côté, Jamespot propose gratuitement et sans limitation son réseau social d'entreprise et toutes les briques associées, de la visioconférence à la gestion de projet en passant par le chatops. Une offre qui est accessible via #Open_solidarity. Comme chez LumApps, des entreprises entières ont basculé d'un coup en profitant de l'offre de l'éditeur de Montreuil. Confrontés à la nécessité d'outiller le travail à distance, des clients existants, qui étaient en cours de déploiement, ont également décidé d'accélérer leur projet et d'ouvrir Jamespot à tous leurs salariés. "L'effet collectif a été immédiat. Les utilisateurs nouveaux ou plus anciens ont rapidement atteint le niveau d'engagement et la masse critique permettant le fonctionnement optimal d'un réseau social interne", constate Alain Garnier, CEO de Jamespot.

Autre réseau social d'entreprise français à rejoindre le mouvement : Whaller. Baptisée Full Remote, son offre gratuite est elle-aussi disponible via le programme #Open_solidarity. Elle combine agenda, partage de documents, visioconférence, gestion de projets, quiz... "Elle a été mise en œuvre par des caisses primaires d'assurance maladie, des hôpitaux, des associations de médecins", égraine Kamélia Graff, directrice de la communication et du marketing chez Whaller. "Des écoles et des collèges l'ont retenue pour diffuser les cours en ligne et organiser la vie des classes en confinement." Via sa solution de campus numérique, Whaller était déjà bien présent dans l'éducation. Parmi ses clients, l'éditeur suresnois compte Polytechnique et même l'ensemble du réseau de Science Po.

Des audiences qui explosent

Les entreprises ayant expérimenté ces solutions pourraient-elles être tentées de poursuivre l'exercice au-delà de la période de gratuité et passer à des abonnements payants ? "Les sociétés bénéficiant de notre offre gratuite auront évidemment la possibilité de se rétracter. Dans ce cas, nous leur proposons des dispositifs de réversibilité et de reprise de données", explique Alain Garnier. Même son de cloche chez Klaxoon, LumApps et Whaller. Comme chez Jamespot, aucune obligation particulière n'est demandée. Libres aux utilisateurs de quitter le navire. Du coup, les acteurs interrogés s'interdisent de faire tout plan précis sur la comète. "En même temps, la crise sanitaire et le télétravail qu'elle génère a pour conséquence d'accélérer de facto les pratiques digitales, des instituts publics aux TPE. Comme nos clients existants, les utilisateurs de notre offre gratuite n'échappent pas à la règle", se félicite Kamélia Graff.

"On a certainement gagné 3 à 5 ans en transformation digitale"

Et Matthieu Beucher de Klaxoon d'insister : "Du côté des méthodes d'organisation et de réunion, cette crise est vécue comme un stress test. Les entreprises n'ont pas le choix, et la solution que nous proposons vise à les accompagner face à ce défi. Elles sont obligées de se transformer pour s'adapter à la situation. L'ancien système hiérarchique et le côté convenu des réunions traditionnelles sont balayés. Les entreprises se rendent compte que le management visuel et le partage de données en temps réel sont beaucoup plus efficaces. Globalement, on a certainement gagné 3 à 5 ans en transformation digitale." A ce jour, le Rennais enregistre depuis le début de la phase de confinement une hausse de 400% d'échanges quotidiens sur sa plateforme. Chez LumApps, Olivier Chanoux approuve : "Le Covid-19 a engendré une accélération vers de nouvelles habitudes de travail qui étaient déjà latentes. Au-delà du télétravail auquel la grande majorité des managers français était loin d'être habitués, c'est un changement culturel profond vers le digital qui se joue."

C'est une lame de fonds. Les offres gratuites lancées par les éditeurs français ne sont que l'arbre qui cache la forêt. "Nous avons un client français dans le secteur de la santé publique qui est en train de basculer 85 000 agents sur Jamespot. Globalement, le volume de visiteurs uniques quotidien sur notre plateforme a progressé de 70% depuis mi-mars", lâche Alain Garnier. "Les utilisateurs prennent massivement conscience de la puissance d'un réseau social d'entreprise généralisé à toute leur organisation, en termes de partage, d'entraide... Ils constatent qu'en poussant une question ou un document à tous les collaborateurs ils décuplent leur capacité à répondre aux problématiques business." Kamélia Graff de Whaller enchérit : "Nous enregistrons une hausse de 200% de nouvelles souscriptions quotidiennes depuis le 16 mars. En parallèle, les projets de nos clients existants s'accélèrent comme jamais. A l'image d'une université française qui a décidé de généraliser notre solution de campus numérique en passant de 600 à 15 000 licences." Une petite révolution est en marche.