Comment rester pertinent dans un monde IT en transition ?

Les technologies de l'information évoluent rapidement. Nous, les doyens, sommes mieux payés que les jeunes qui sont pourtant plus compétents que nous sur ce terrain. Alors comment résoudre l'équation ?

Il y a des phénomènes dans notre société actuelle qui ne font pas forcément bon ménage.  Nous vivons plus longtemps et en meilleure santé, ce qui est plutôt positif, par conséquent nous travaillons plus longtemps aussi. Les technologies de l’information évoluent à une vitesse importante, et pour les consommateurs et ceux qui travaillent dans le domaine, c’est intéressant.

Cependant pour beaucoup, la combinaison des deux est source d’angoisse : les compétences durement acquises à travers des années d’expérience peuvent tout simplement devenir obsolètes. Les aînés au sein d’entreprises voient les jeunes débarquer déjà à l’aise avec les outils récents et, en considérant le taux de chômage élevé pour les seniors, il y a de quoi s’inquiéter. Nous, les doyens, sommes mieux payés que les jeunes, et s’ils sont pourtant plus compétents que nous, la formule ne fait plus recette. 

Sans vouloir écrire une autobiographie, je me rends compte tout de même que c’est un sujet très personnel. Tout proche de la retraite, je travaille dans un environnement typique des start-up, entouré de personnes très compétentes qui sont souvent plus jeunes que mes enfants. Je suis souvent en réunion avec des clients bien plus jeunes que moi et j’ai donc tendance à rester discret sur mon âge. J’ai appris à me taire quand les autres parlent de leurs nuits courtes avec des enfants en bas âges alors mes enfants font ce qu’ils veulent de leurs nuits maintenant. Je n’ai pas de formule magique mais voici quelques principes qui m’ont bien servi tout au long de ma carrière :    

  1. La curiosité : souvent utilisée pour décrire les enfants, le mot veut simplement dire "soif de connaître". C’est peut-être la qualité la plus importante à mes yeux : quand nous rencontrons de nouvelles personnes, de nouvelles technologies, et des cultures différents des nôtres. Nous pouvons sûrement boire au-delà de notre soif, pouvons-nous trop savoir ?  
  2. La confiance : peu de choses nuisent à notre confiance autant que l’ignorance, surtout dans un métier technique. Ce qui m’aide dans ce domaine c’est de faire la différence entre ignorance (manque de connaissance) et stupidité (manque d’intelligence). Parfois, il s’avère utile de se regarder dans la glace et de se dire "je suis ignorant mais je ne suis pas stupide". Ayez de l’aise à dire "non, je ne connais pas ça" en vous promettant que la prochaine fois vous pourriez dire, "bien sûr, je connais", sachant qu’on n’est pas  obligé de rajouter "seulement depuis hier…"  
  3. L’ouverture : il est facile avec le temps d’estimer que mes connaissances et savoirs sont les plus importants, mais l’ouverture d’esprit nous dit que ce que je ne sais pas est peut-être plus important que ce que je sais. Je croise souvent des personnes instinctivement critiques et sans curiosité par rapport aux nouvelles technologies. Ceci a été très visible avec les technologies cloud et tout-as-a-service. Un discours très renfermé : "ça ne marchera jamais chez nous", "pas assez sécurisé", "ce n’est qu’un gadget", "encore une nouvelle vague, u verras". Il y a une différence importante entre suivre aveuglément chaque nouvelle tendance et s’y intéresser suffisamment pour se former une opinion honnête. Certaines personnes prennent un retard de compétence irrattrapable par manque d’ouverture.  
  4. L’humilité : un mot qui n’a pas toujours bonne presse, surtout dans une industrie trop masculine et très technique comme l’IT. L’humilité peut prendre plusieurs formes, l’ouverture et la curiosité en font partie. Le roi Salomon dans les Proverbes a dit "Même le stupide, quand il se tait, passe pour sage. Celui qui ferme ses lèvres est un homme intelligent." Qui aime les interactions avec une personne qui insiste à "montrer sa science" ? Parler avec clarté de ce que nous savons, être pertinent et nous taire sur les sujets où nous sommes plus incertains augmente notre crédibilité. L’humilité peut nous protéger de l’humiliation.
  5. L’expérimentation : le numérique a un gros avantage par rapport à beaucoup de métiers, nous pouvons nous entraîner et apprendre des nouvelles méthodes sans risque et souvent sans frais. La plupart des cloud publics ont des offres de démarrage gratuites, il y a les langages de programmation, les bases de données, les systèmes d’exploitation tous open source avec tutoriels en ligne et des moteurs de recherche planétaires pour nous en sortir quand nous avons des questions. Lancer un serveur sur un cloud public, y faire tourner une application open source ou faire des exercices d’un tutoriel en live nous fait comprendre infiniment plus que les articles comme celui-ci sur le savoir-faire.  
  6. La persévérance : il n’est pas facile de rester à jour et il faut se résoudre à y travailler. Lire des modes d’emploi ou apprendre un langage de programmation peut être ardu, mais on finit par progresser, par réellement comprendre et monter en compétence.  Le but n’est pas forcément de devenir expert en tout, mais d’avoir des compétences suffisantes pour savoir ce que l’on ne sait pas et pour aller plus loin. Par exemple, je ne suis pas expert en base de données, mais je ne regrette pas des heures dépensées à construire des tables, faire des requêtes SQL et tout le reste pour comprendre le travail de ceux qui en font leur quotidien, ou comprendre pourquoi les bases NoSQL sont différentes et intéressantes. 
  7. La pédagogie : apprendre aux jeunes fait partie de ce qui est attendu des aînés et c’est difficile quand nous en savons moins qu’eux. Apprendre aux autres nous aide de beaucoup de façons. D’abord, cela nous aide à savoir quand nous avons réellement acquis une compétence et nous aide à ne pas oublier.  Être généreux avec ce que nous savons est souvent récompensé par la générosité des savoirs de ceux en face qui partagent leurs savoirs avec nous. Nous nous devons d’apprendre aux jeunes les choses que nous avons durement acquises dans le domaine de la communication – comment rendre les conflits constructifs, comment bien écouter, et oser dire ce qui ne va pas.
  8. La hauteur : il y un point important qu’il ne faut pas négliger, les compétences et les savoirs d’une personne plus senior dans une entreprise ne jouent pas le même rôle que les savoirs d’un jeune. Plus âgé, on a souvent un rôle de conseil, de décideur, de stratège, et moins un rôle opérationnel. Il est quand même important d’être compétent mais d’avoir une vue globale, une vue avec plus de hauteur qui s’acquiert uniquement avec l’expérience, à travers des échecs et réussites. Ceci reste un atout intéressant que nous devons mettre en valeur.  

J’aspire à ce que ces points vous soient utiles. Finalement, notre attitude est au cœur du défi de rester à jour tout au long d’une carrière dans la technologie. Restez curieux, restez pertinent, restez employé !

[1] Source