Les technologies numériques, moteur d'une société plus résiliente ?

La question se pose plus que jamais du développement et du passage à l'échelle de leviers technologiques augmentant notre capacité de réaction, d'adaptation et donc de résilience.

La crise que nous traversons depuis mars 2020 frappe par sa globalité, son ampleur et ses séquelles. Elle a touché en profondeur individus et organisations à l'échelle mondiale avec une fulgurance que nul n'avait anticipé. Dans notre capacité d'adaptation, chacun a pu mesurer l'importance des infrastructures numériques et la technologie : maintien du lien social, essor du télétravail, école à la maison lors du premier confinement, divertissement numérique.

On imagine sans peine à quel point une telle crise aurait été plus dévastatrice il y a 20 ans. Les réseaux télécoms et infrastructures cloud ont bien résisté et soutenu la croissance très forte des échanges numériques. Il est intéressant de constater que d’autres innovations technologiques, dont le développement se réservait à des usages spécifiques, ont également été mises à contribution : impression 3D, robots, livraison par drone.

La question se pose du développement et passage à l’échelle de leviers technologiques augmentant notre capacité de réaction, d’adaptation et donc de résilience.

  • L’objectif étant de concilier continuité d’activité et réduction du risque pour les travailleurs (distanciation sociale, limitation des interventions physiques) : cela passera sans doute par un recours plus fort au contrôle à distance des opérations, à l’automatisation des tâches et à la robotisation.
  • De nouveaux leviers devraient favoriser ces avancées, notamment l’edge computing et la 5G qui amélioreront la performance, la fiabilité et l'agilité des moyens connectés. La 5G permettra de maitriser la qualité de service de la connectivité sans fil, tandis que le mobile edge computing favorisera un accès modulable à des ressources cloud distribuées en mobilité. Les technologies de réalité augmentée et virtuelle permettront quant à elles de rapprocher l’expertise des intervenants sur le terrain dans un mode plus immersif et avec des outils plus ergonomiques.

Tour d’horizon non exhaustif de l’application de la 5G dans quelques secteurs :

Santé

La crise sanitaire et la course au vaccin ont mis l’intégralité de la chaîne de valeur du secteur médical sous pression : personnel médical et hospitalier, recherche pharmaceutique et chaîne logistique. Pour autant, rarement la technologie n’a semblé autant à même d’aider une industrie face à une situation aussi extrême, annonçant une accélération des programmes de digitalisation.

Ceci est vrai pour la transformation de la pratique médicale, dont nous avons pu apercevoir les prémices, via la généralisation de la téléconsultation connectée et la mobilisation, en immersion dans le réel, d’experts à distance pour du diagnostic, voire des interventions : ainsi, en pleine pandémie et ne pouvant pas voyager aux Etats-Unis, un homme a été opéré d’une tumeur cancéreuse à Londres, par un bras robotique piloté à distance par un chirurgien localisé à Seattle[1].

Certains hôpitaux ont testé l’usage de robots intelligents et autonomes pour des opérations de pré-diagnostic, de logistique ou la désinfection des installations. Au-delà de la crise, on peut s’attendre à voir se multiplier les capteurs IoT pour localiser les équipements, faciliter l’accès temps réel à l’information, et optimiser l’accueil et la gestion des flux des patients entre les services.

Enfin, la technologie devrait favoriser le développement du nomadisme médical, à travers la mise en place d’ambulances connectées (diagnostic à distance à bord d’une ambulance équipée en 5G[2]) pour accélérer le diagnostic des patients et la prise en charge à l’hôpital, ou encore le déploiement de cabines de téléconsultation (accès en visio à un médecin, appareils de mesure de type électrocardiogramme) en plein cœur des déserts médicaux.

Industrie

Le confinement et la crise dans son ensemble ont conduit à de très fortes baisses d’activité de sites de production et à la disruption des chaînes logistiques ; repenser la résilience des opérations devient une priorité et la contribution des leviers technologiques et digitaux à ces bouleversements s’avère primordiale : contrôle et commande déportés, automatisation accentuée des chaînes de production et d’assemblage, recours à des robots et chariots roulants autonomes pour des tâches de logistique, soutien d’experts à distance via de la réalité augmentée... La multiplication de capteurs et le recours à l’analyse vidéo temps réel nourrissent le jumeau numérique et permettent d’en assurer le suivi en temps réel, d’anticiper les besoins de maintenance et d’orchestrer les tâches. L’élasticité et la capacité de pilotage logiciel qu’apportent la 5G et l’edge computing vont renforcer la flexibilité de l’appareil industriel. Objectif : renforcer les capacités des usines à reconfigurer de façon simplifiée ou automatique ses lignes de production ou d’assemblage pour accompagner les montées ou baisses de charge de façon plus graduelle. In fine, l’impact sur les coûts est réduit, et l’organisation gagne en agilité pour suivre l’évolution de la demande.

Construction, maintenance des réseaux, livraison : l’émergence de véhicules téléopérés ou autonomes

Ces secteurs étant fortement dépendants de l’activité humaine, une situation de crise conduit à la fois à un ralentissement de l’activité et à des risques sanitaires pour le personnel mobilisé. La technologie apparaît comme un levier puissant : le recours de plus en plus massif à des capteurs IoT et des drones pour la surveillance des infrastructures (réseaux télécom, énergie, ferroviaire, ouvrages…) permet d’anticiper et optimiser les opérations de maintenance. La livraison par drone, qui paraissait encore lointaine il y a peu, fait l’objet d’initiatives multiples, comme la livraison, testée en Floride, de médicaments aux personnes vulnérables confinées[3]. Dans un autre registre, comme le transport routier ou la construction, on s’attend à ce que le pilotage à distance de camions ou d’engins de chantier se généralise dans les prochaines années.

Repenser nos modes de fonctionnement

Les technologies numériques peuvent donc constituer des facteurs de résilience ou d’adaptation à une situation nouvelle, en plus d’être des leviers de transformation plus larges de notre société et de notre économie : transition énergétique, santé, nouvelles mobilités. L’apport de ces technologies numériques doit être évalué avec ambition et pragmatisme. Il suppose une forte collaboration entre experts technologiques, filières industrielles et acteurs publics pour éprouver la valeur métier, la viabilité technico-économique de ces sujets ainsi que leur prise en compte concrète de l’ensemble des enjeux sociétaux : empreinte environnementale du numérique, enjeux de souveraineté et cybersécurité, accessibilité du progrès technologique pour tous. Un défi formidable pour l’avenir.

[1] Source

[2] Source

[3] Source