Alex Kayyal (Salesforce Ventures) "Salesforce Ventures souhaite dénicher d'autres sociétés françaises comme Algolia ou OpenClassrooms"

Le senior vice president & managing partner évoque la stratégie du fonds pour 2021 et 2022. Une structure qui compte 300 entreprises en portefeuille et 4,1 milliards de dollars d'investissement.

Alex Kayyal est senior vice president & managing partner chez Salesforce Ventures. © Salesforce

En France, Salesforce investit désormais via un fonds, plus global, supérieur au 100 millions de dollars consacrés initialement par Salesforce Ventures à la région EMEA. Le groupe a financé dans plusieurs sociétés hexagonales : Devenson, FollowAnalytics, OpenDataSoft, Openclassroom ou encore Sigfox. Salesforce soutient par ailleurs l'accélération et la croissance de nombreux partenaires français, par exemple Akeneo, Dolmen, Finalcad, ISDI, Odaseva, OSF Commerce, Viseo ou encore 4C.

JDN. Quels les principaux critères qui motivent le choix d'un investissement chez Salesforce Ventures ?

Alex Kayyal. Nous voulons investir dans les technologies les plus disruptives dans le logiciel BtoB au niveau mondial. Nous recherchons des acteurs de premier plan qui représentent la prochaine génération de l'innovation numérique d'entreprise. Des acteurs qui modifient profondément le visage de l'informatique d'entreprise. Partant de là, notre premier objectif est de dénicher des entrepreneurs portant ce type vision avec un positionnement de rupture. Second critère majeur : l'opportunité marché. Nous ciblons des sociétés susceptibles de se développer à l'échelle de plusieurs milliards de dollars (de chiffre d'affaires, ndlr). Enfin, nous soutenons avant tout des activités dont Salesforce peut accompagner la croissance de manière clé. Nous souhaitons développer une relation gagnant-gagnant, à travers laquelle l'éditeur soutenu est gagnant, tout comme Salesforce, et évidemment nos clients respectifs.

OpenClassrooms est un bon exemple de cette démarche (Salesforce Ventures est entré au capital du Français lors de sa levée de fonds de 80 millions de dollars bouclée en avril 2021, ndlr). Ses co-fondateurs portent l'ambition de modifier profondément l'univers de l'éducation en ciblant la problématique de la reconversion (via un catalogue de formations certifiantes, ndlr). Cette question ne se pose pas uniquement en France mais partout dans le monde. C'est un défi que nous relevons également chez Salesforce à travers la plateforme de formation Trailhead à destination de notre écosystème. Cette activité et les compétences que nous avons développées dans ce domaine nous ont permis d'accompagner OpenClassrooms dans sa croissance.

Une fois l'investissement réalisé, comment le partenariat se met-il concrètement en place avec la société ?

En amont, c'est Salesforce Ventures qui prend la décision d'investir. Ensuite, chaque entreprise qui entre en portefeuille est accompagnée par un sponsor opérationnel de Salesforce. L'objectif est de mieux comprendre le marché de la société en question. Mais aussi, et c'est le plus important, de faire en sorte que chaque entrepreneur ait une équipe qui l'accompagne. Cette accompagnement peut prendre deux formes : l'accès à la base de clients et à l'écosystème de partenaires de Salesforce d'une part, le partage de nos compétences de plus de 20 ans dans le cloud d'autre part.

Prenons le cas d'Algolia, qui est aussi une société française dans laquelle nous avons investi. Ses dirigeants se posaient la question de savoir comment déployer un marketing efficace. Nous les avons mis en contact avec des profils séniors en marketing chez Salesforce dotés d'expertises fonctionnelles dans ce secteur (Algolia édite un moteur de recherche pour les sites web et applications mobiles, ndlr). Algolia et Salesforce ont aussi un client commun : Lacoste. Son site d'e-commerce repose sur Salesforce Commerce Cloud tout en ayant recours à Algolia côté moteur de recherche. Lacoste a pu bénéficier du partenariat qui découlait de notre investissement et de l'intégration d'Algolia à la plateforme Salesforce via notre API.

Salesforce Ventures a investi dans 29 entreprises du Cloud 100... Pourriez-vous aller encore plus haut ?

Nous sommes évidemment fiers de ce chiffre. Salesforce Ventures est l'entreprise de capital-risque la plus présente dans le Cloud 100. Nous avons eu la chance d'investir dans des entreprises du cloud qui ont redessiné totalement leur marché. Des sociétés comme Zoom, Snowflake, Twilio, et beaucoup d'autres. Nous espérons en avoir encore beaucoup d'autres à l'avenir dans notre portefeuille. Quand nous nous projetons sur les dix prochaines années, nous estimons que Salesforce Ventures n'en est qu'au début.

Pour réussir à en arriver là, tout l'enjeu a été de nous différencier des autres options de financement que les CEO ont à leur disposition sur le marché. Choisir un partenaire financier est une décision de long terme. La relation avec le fonds d'investissement peut souvent durer sept voire dix ans avant d'entrer en bourse ou d'être acquis par un autre. Une fois l'investissement réalisé, nous passons du temps à trouver les meilleures synergies possibles pour tirer vers le haut la valeur et la croissance des entreprises dans lesquelles nous entrons au capital. C'est là l'un des principaux facteurs clé de réussite.

La pandémie a-t-elle eu un impact sur la manière dont Salesforce Ventures investit ?

La pandémie a eu des impacts négatifs dans de nombreux domaines. Mais elle a contribué à faciliter l'accès aux fonds, c'est un fait. Un entrepreneur français peut solliciter un investisseur via Zoom, qu'il soit basé à Londres où à San Francisco. Suite au Covid, nous observons une globalisation du capital-risque dans l'innovation. Salesforce Ventures s'inscrit dans ce mouvement. Nous avons désormais l'opportunité de soutenir un nombre plus important d'entreprises et d'accéder à des zones où nous n'avions pas ou peu rencontré d'entrepreneurs jusque-là.

"Les entreprises dans lesquelles nous investissons en France résolvent des problèmes techniques complexes, en matière d'IA, de cybersécurité, d'automatisation"

Dans ce contexte, nous allons continuer à investir dans des entreprises disruptives en France. Il s'agit d'un pays clé pour Salesforce Ventures. Nous souhaitons dénicher d'autres sociétés françaises comme Algolia ou OpenClassrooms.

L'autre impact de la pandémie porte sur la vitesse de développement de certaines entreprises que nous soutenons. Par exemple la plateforme de gestion d'événements Hopin est passée de zéro à plus de 100 millions de dollars de chiffre d'affaires en tout juste un an. C'est incroyable en termes de rapidité d'exécution et de time-to-market. Cet exemple illustre le rôle d'accélérateur qu'a joué la pandémie sur l'adoption du logiciel. En 12 à 18 mois, les entreprises ont adopté plus de logiciels qu'elles ne l'avaient jamais fait auparavant. Ce qui a évidemment contribué à booster notre portfolio.

Comment cette internationalisation de vos investissements se traduit-elle en chiffres ?

Salesforce Ventures compte aujourd'hui des investissements dans 25 pays à travers le monde. 50% des opérations ont été réalisées en dehors des Etats-Unis en 2020.

Avez-vous des secteurs d'investissement de prédilection en France ?

Nous sommes très sensibles à la qualité du savoir-faire français en ingénierie et à l'école mathématique française. Les entreprises dans lesquelles nous investissons en France résolvent des problèmes techniques complexes, à la fois en matière d'IA, de cybersécurité, d'automatisation. Dans ces domaines, la France a un avantage du fait de sa culture scientifique et de la qualité de son système de formation. (En France, Salesforce Ventures a notamment investi dans Devenson, FollowAnalytics ou encore Sigfox, ndlr).

Alex Kayyal est senior vice president & managing partner chez Salesforce Ventures. Diplômé d'un MBA à Harvard, Alex Kayyal débute sa carrière chez Merril Lynch comme conseiller en introduction en bourse et fusion-acquisition. Fondateur de TableZest, il investit ensuite dans de nombreuses sociétés dont Algolia. Il rejoint Salesforce en 2018 comme vice-président en charge de la région EMEA. En février 2021, il est promu vice-président sénior en charge de l'international. Il rejoint Salesforce Ventures en juin 2021.