Vendre, ouvrir son capital, rester indépendant, quelle stratégie pour les ESN ?

A quel stade de développement une ESN a-t-elle intérêt à ouvrir son capital, s'adosser, ou préserver son indépendance ? Eléments de réponse.

Avec une croissance de 5,1 % en 2022, le secteur des ESN, qui pèse 32 milliards d'euros, a résisté malgré le contexte économique et géopolitique instable, selon Numeum[1], le syndicat professionnel de l’écosystème numérique en France. Sur ce marché, les défis de 2023 sont nombreux, au premier rang desquels l’aggravation de la pénurie de talents.

Au contact des ESN de toutes tailles depuis plus de vingt ans, nous avons identifié trois paliers principaux à franchir et sommes en mesure d’apporter des éléments de réponse dans les différentes configurations.

1ère étape : atteindre 10 millions d'euros de chiffre d’affaires

Toutes les semaines se crée une ESN positionnée sur une nouvelle technologie qui, à ce stade, n’intéresse pas les grands acteurs. Dans un premier temps, l’entreprise grandit de façon autonome et développe sa marque, forgeant son caractère de spécialiste.

Lorsque le chiffre d’affaires atteint 10 millions d'euros, cela correspond à un effectif d’une centaine de personne. L’entreprise est devenue trop importante pour rester mono-produit ou service. Comment préparer l’avenir et conquérir de nouveaux marchés ?

Passer ce cap n’est pas aisé, même avec une vraie culture d’entreprise et des collaborateurs fidèles. Le dirigeant fondateur pourra songer à réaliser un peu de cash-out en faisant entrer un fonds de capital investissement (OBO), mais ce schéma ne l’aidera pas à dessiner la nouvelle trajectoire de la société ; l’investisseur sera minoritaire et généralement peu actif.

Les corporates s’intéressent beaucoup à ces acteurs de niche qui apportent un savoir-faire spécifique et une équipe experte et reconnue. Dans ces conditions, la très large majorité des opérations de cette taille consiste à s’adosser à un concurrent.

2ème étape : atteindre 20 à 40 millions d'euros de chiffre d’affaires

Dans cette configuration, il s’agit de pérenniser la croissance et d’être référencé chez les clients pour gagner en récurrence commerciale. Avec un effectif entre 200 et 400 salariés, il est essentiel de consolider la culture d’entreprise et de développer la marque employeur pour commencer à recruter en masse.

L’entrepreneur doit s’entourer. Il lui faut désormais partager tout ce qu’il faisait tout seul avant. Il doit aussi et surtout partager SON entreprise avec de nouveaux actionnaires en herbe : des hommes clés identifiés en interne ou venant de l’extérieur. Il faut organiser l’actionnariat pour engager la croissance de la société sur de bons rails.

Le Capital investissement répond très bien à cette problématique. L’investisseur minoritaire ou majoritaire aidera à structurer les relations entre les anciens et les nouveaux actionnaires. Un fonds de capital investissement majoritaire permettra à l’entrepreneur de faire davantage de cash-out, et par conséquent de savoir prendre plus de risques pour accélérer le développement de l’entreprise.

3ème étape : atteindre la barre des 100 millions d'euros de CA

L’ESN est rentrée dans la cour des grands et vise 1000 collaborateurs. Forte des moyens alloués par son actionnaire financier, elle pourra déployer largement une politique de croissance externe, tant en acquérant des spécialistes que des concurrents directs, pour consolider ses positions et se rapprocher de l’objectif de taille. Elle se dotera de services administratifs solides et renforcera sa culture d’entreprise. Les collaborateurs pourront entrevoir des projets de carrière longue, des places seront à prendre pour faire partie de l’aventure. Les croissances externes challengeront la culture d’entreprise et elle évoluera au gré des nouveaux arrivants sans perdre son propre ADN. Le développement national et international ouvrira la société à d’autres rapprochements avec des corporates ou des grands fonds de private equity.

L’essor de la digitalisation post covid, la montée en puissance de l’ESG, les nouvelles organisations du travail, l’innovation permanente, autant d’enjeux auxquels doivent faire face les ESN à tous les stades de leur existence et qui changent la donne. Les fondateurs, les actionnaires et les dirigeants ont intérêt à clarifier leurs ambitions et leurs projets pour se donner les perspectives répondant le mieux à leurs attentes.

[1] Bilan 2022 et perspectives 2023 du secteur numérique