Y a-t-il une vie après le métier de DSI ? Michèle Havelka (ex-DSI Europe d'ECS) : consultante et présidente d'association

Comme Jean-René Lyon et Jean-Louis Rimbod, Michèle Havelka a commencé sa carrière en SSII (en 1976). "Après une maîtrise de mathématique, j'avais le choix à l'époque entre l'enseignement ou l'informatique. J'ai opté pour la seconde solution", analyse-t-elle. Après une première expérience dans un petite SSII, elle rejoint Steria. C'est en 1981 qu'elle entre chez ECS comme directeur de l'informatique. A l'époque, ce spécialiste du financement et de la gestion de parc informatique réalise 350 millions de francs de chiffre d'affaires.

Dans les années qui suivent, la croissance d'ECS est fulgurante. En 1986, la société pèse plus de 5 milliards de francs. En tant que DSI, Michèle Havelka accompagne donc ce développement, et la croissance du groupe au niveau européen. "Le système d'information était essentiel pour notre activité de leasing. Les enjeux portaient aussi sur la gestion financière", commente-t-elle. "Dans ce contexte, je bénéficiais de budgets très ouverts." En 1985, ECS est vendu par son fondateur, Jean-Louis Bouchard, et son principal actionnaire, le CCF, à la Société Générale.

La SSII est l'un des meilleurs endroits pour apprendre. L'émulation est permanente, on nous donne l'occasion de se former à des méthodes de travail.

L'ancienne équipe de direction quittant le navire, Michèle Havelka s'interroge. "Je souhaitais pouvoir concilier ma carrière avec la construction d'une vie de famille, ce qui devenait difficile à un tel poste", analyse l'ex-DSI. Michèle Havelka décide alors de se tourner vers une activité de commerciale en SSII. Elle entre chez Unilog en 1985, avec le statut d'ingénieur principal... et une certaine baisse de rémunération à la clé.

Dès la première année, elle surpasse ses objectifs et entre au capital du groupe. Durant les années qui suivent, elle gravit les échelons, et accroît sa part de stock options. Elle commence par travailler au sein de l'activité grands systèmes bancaires dont elle prend rapidement la tête. "C'était passionnant", lance-t-elle. "La SSII est l'un des meilleurs endroits pour apprendre. L'émulation est permanente, et on nous donne l'occasion de se former à des méthodes de travail", explique Michèle Havelka.

Mais avant tout, la consultante insiste sur la notion de challenge. Selon elle, le métier d'ingénieur en SSII implique une remise en question permanente pour rester force de proposition vis-à-vis des clients, et ne pas se contenter d'être exécutant. Une réflexion qui l'amène à prendre en parallèle la casquette de DRH à partir de 1989.

Soutenu par le P-DG, Jacques Wallut, elle développe une politique de gestion de carrière. "C'est là le vrai travail d'une SSII : recruter des débutants et en faire des professionnels, puis éviter le turn-over et fidéliser les troupes", insiste-t-elle.

Suite à une réorganisation du groupe en 1992, elle est nommé à la tête d'une business unit intitulée "Distribution, Service et Administration". "J'aurais préféré être associée à cette décision, d'autant qu'en tant que femme je cherchais moins le pouvoir et l'argent qu'un poste à contenu intéressant", regrette-t-elle. Aux côtés de ses responsabilités opérationnelles, elle prend la fonction de directeur général-adjoint en 1995, et se lance notamment dans l'élaboration d'une charte RH. Après le départ de Jacques Wallut, le projet est stoppé.

"Le vrai travail d'une SSII : recruter des débutants et en faire des professionnels, puis éviter le turn over et fidéliser" (Michèle Havelka, consultante)

En 1998, son entretien annuel se passe mal. "On m'a fait clairement comprendre qu'étant une femme avec des enfants à la maison, je ne pouvais prétendre progresser encore. Je n'en revenais pas", lâche-t-elle. Profitant de son plan de stock-options, Michèle Havelka décide alors de quitter l'entreprise en 2000. Mais ensuite, que faire ? Après avoir trouvé un poste dans un cabinet de conseil, elle prend finalement une année sabbatique. Puis, en pleine bulle Internet, elle se lance dans le capital-risque.

"A partir de 2001, je suis redevenue plus raisonnable, et me suis lancée dans le conseil en indépendante", poursuit Michèle Havelka. Une activité qui lui permet de nouveau de pratiquer son métier comme elle le désire. "C'est-à-dire en apprenant tous les jours et en enrichissant les clients, plutôt qu'en les dépossédant de leurs compétences comme le font de plus en plus les SSII", souligne la consultante. Elle travaille notamment pour la Mairie de Paris, puis pour Orange sur la mise en place d'une software factory.

Fin 2002, sa mission chez Orange est stoppée. Le secteur du conseil étant en perte de vitesse, Michèle Havelka prend la décision de changer de voie. Elle s'associe pour créer un cabinet de conseil centré sur le développement comportemental des managers (tous secteurs confondus), avec pour objectif de les aider à mieux appréhender les enjeux humains et la complexité des projets d'entreprise. Une activité qu'elle poursuit aujourd'hui.

Mais Michèle Havelka garde un pied dans l'informatique. Elle est en effet présidente de l'association des anciens d'Unilog, et également fondatrice et présidente de l'Association Nationale des Informaticiens de France (Anfi) qui vise à réfléchir aux impacts de la globalisation des échanges, de l'offshore notamment, sur l'emploi informatique.