La mutation des SSII en STI, le nouveau défi de l'informatique

Dans un marché toujours à la recherche de nouvelles compétences, un enjeu majeur se joue. Recruter non plus des compétences mais des êtres humains capables de les porter.

Introduction à la SSII

Les SSII, pour Sociétés de Services en Ingénierie Informatique, sont devenues parmi les plus gros employeurs dans le domaine de l’informatique. On en dénombre des centaines, dont certaines sont même connues du grand public sans pour autant savoir que ces sociétés sont des SSII. 

Une SSII, c’est une société qui va employer un travailleur des métiers de l’informatique pour "louer" sa compétence à un tiers ou l’utiliser pour des projets réalisés au sein de la SSII. Aux fils des années ce qui était une entreprise employant des ingénieurs informaticiens, est devenue une multitude de professions très différentes les unes des autres. Pourquoi ? On ne fait pas le lien

D’ailleurs cette diversité à pousser les acteurs du marché, regroupés autour de la convention collective SYNTEC, a cessé de s’appeler SSII mais SSCI pour Société de Services et de Conseils Informatique en 1980. Mais le terme SSII est ancré dans les mémoires et les usages des acheteurs, on se demande alors pourquoi le syndicat patronal a changé unilatéralement le nom des feu SSII/SSCI en ESN, cette fois pour Entreprise de Services du Numérique. Est-ce que cela reflète plus la réalité ?

1- Fonctionnement d’une SSII

Pour commencer il faut comprendre comment fonctionne une SSII, ou SSCI, ou ESN, finalement peu importe le nom. Une SSII emploie donc un salarié qui a des compétences sur une problématique touchant l’informatique. Le salarié a alors deux grandes options, parmi d’autres que nous n’aborderons pas aujourd’hui

La régie

Ce salarié peut être placé chez un client de sa société pour y travailler pendant une durée ne pouvant excéder trois ans au même poste. Il ne sera pas salarié du dit client, mais son contrat sera renouvelé entre le client et la SSII tous les trois mois. C’est un fonctionnement assez classique qu’on appelle la « régie ». Il apporte de la flexibilité au client, en augmentant la taille de ses effectifs temporairement ou en « louant » une expertise qu’il ne possède pas mais dont il a besoin ponctuellement.

Le forfait

Une SSII peut aussi réaliser des projets pour son client dans ses locaux. Alors l’employé vient travailler dans sa SSII sans avoir forcément de contact direct avec le client. C’est ce qu’on appelle le « forfait ». 

Et alors ?

Outre la différence entre la localisation du salarié, c’est aussi un mode de travail différent. Dans le cadre d’une « régie » vous êtes soumis au rythme du client qui paie la SSII et peut rompre le contrat si vous ne convenez pas à ses attentes. En travaillant au « forfait », le client a payé une somme fixe pour son projet, c’est la SSII qui gère les ressources qui travaillent sur ce projet. Le calcul est simple, plus le projet va vite, plus il est rentable. C’est une version simplifiée, bien évidemment cela dépend du salaire de chaque personne, du nombre, et de tout ce qui compose la rentabilité d’un projet. 

Les avantages et les inconvénients

L’avantage de la SSII, c’est de pouvoir travailler dans des groupes qui n’ont pas de poste ouvert en CDI ou sur des projets tellement gigantesques que le client n’est pas en mesure de le réaliser seul. C’est aussi la possibilité, dans un temps relativement court avec des missions de trois ou six mois, d’en faire plusieurs et donc d’élargir au maximum ses connaissances. Mais aussi de comparer les ambiances de travail entre les grands groupes et de plus petits acteurs, ou bien de découvrir une affinité avec un métier comme les assurances, plutôt que les jeux vidéo. C’est un choix très courant chez les jeunes qui ne savent pas encore quel est leur environnement de travail préféré, mais aussi idéal pour les gens qui aiment varier les plaisirs et qui préfèrent changer régulièrement de sujet. Le travail compose une très grande partie de notre vie autant que celui-ci réponde à nos attentes.

Côté inconvénients, comme vous vous en doutez, il y a aussi des points à noter. Avec des missions en régie vous ne savez pas forcément où vous irez travailler géographiquement, ce qui amène certains salariés à enchaîner les heures de transport en commun. Bien évidement la plupart des SSII cherchent des compromis entre lieu d’habitation et lieu de mission. 

En régie vous ne faites pas partie de l’entreprise, il est donc inutile de fantasmer sur les CE des clients ou l’abondement exceptionnel du PEE. Vous avez vos accords de rémunérations avec votre SSII, qui peuvent d’ailleurs avoir d’excellents CE et PEE. 

Mais il se peut aussi, et c’est dramatique, que vous soyez tenu à l’écart. Oui à l’écart, dans un open-space spécial prestataires où vous toucherez les coudes de votre voisin, voire même de façon totalement contre-productive, tenu à l’écart de certaines réunions concernant le projet sur lequel vous travaillez. 

Bien évidemment ce sont des exemples extrêmes mais malheureusement pas aussi rares que vous le pensez.

En résumé

Nous savons donc désormais ceci : 
  • La SSII est composée d’une multitude de métiers et non pas que d’ingénieurs.
  • Deux modes de fonctionnement : la régie (chez le client) et le forfait (dans la SSII).
  • Contrat et avantages de la SSII, et non pas du client final.
  • La SSII est idéale pour multiplier les expériences ou ne pas tomber dans l’ennui.

2- Les SSII embauchent

1 besoin = 1 recrutement

Comment embauchent les SSII ? Etant donné qu’elles sont tout ou partie dépendantes des besoins de leurs clients ? 

Commençons par l’évidence même, une SSII sait à l’avance combien elle pourra embaucher de personnes. Pas la première année d’existence mais au fil de l’eau, elles anticipent les besoins et demandes de ses clients, et forcément elles parlent avec ses clients. Elle peut donc faire des projections. C’est finalement comme n’importe quelle entreprise.
 
Là où il y a un  problème c’est qu’en réalité, les SSII sont très frileuses à l’idée d’embaucher quelqu’un et de ne pas lui trouver de mission. L’embauche qui devrait se faire sur les compétences de la personne, se transforme alors en ce qu’on appelle "l’embauche sur mission". C’est-à-dire que vous allez, accompagné d’un commercial, rencontrer le client et voir si vous lui convenez, ce n’est qu’ensuite qu’on vous fera la proposition d’embauche. C’est une pratique extrêmement courante mais qui a une faille monumentale. C’est que le client veut quelqu’un qui a déjà fait ses preuves chez un autre client, et comment savoir si le candidat a bien fait ses preuves si vous n’étiez pas son employeur avant ? Avec son CV ? En se basant sur sa bonne foi, son Facebook, ou son LinkedIn ? 

Mais ce n’est que le début de la faille, comme vous cherchez un poste dans une SSII, vous avez postulé dans plusieurs sociétés qui ont malheureusement les mêmes clients. Vous voyez le couac venir ? Si la société A vous présente à son client X, la société B ne peut plus vous présenter à ce client étant donné que vous êtes censé  faire partie de la société A ou B. Du coup vous vous retrouvez avec la même proposition de potentiel poste, puisqu’il s’agit de recrutement sur mission. Mais attention ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Quand la société A vous appelle pour vous proposer une mission chez son client X, elle ne donne pas le nom du client car vous pourriez être tenté d’aller voir directement le dit client. Mais quand la société B appelle, qu’est-ce qu’elle fait ? Vous l’avez déjà deviné ! Oui, elle fait pareil. Vous êtes donc obligé de dire que vous avez déjà vu le client X.

Et, aussi surprenant que cela puisse paraître, avoir révélé cette information joue nettement en votre défaveur. Car si vous avez vu le client X via la société A, comment se fait-il que vous ne soyez pas en poste quand la société B vous appelle ? Vous n’avez pas encore eu de réponse, donc forcément vous n’êtes pas en poste chez le client, ou alors vous prenez le temps de réfléchir. Inutile, la société B, elle, pense que premièrement on ne peut pas vous faire confiance car vous avez divulgué que la société A vous intéresse, que ce soit vrai ou non, pire, qu’elle travaille avec le client X, et c’est peut être nouveau pour la société B et elle n’est pas contente, mais ce qui va vous achever auprès de la société B c’est tout simplement que vous ne soyez pas en poste chez ce fameux client, car du coup, pour elle ça signifie que vous n’êtes pas à la hauteur.

Oui, je sais, vous avez le sens de la logique et là vous trouvez ça totalement absurde, j’en suis navré mais c’est la réalité sans même forcer le trait. Attention, encore une fois, toutes les SSII ne pensent pas ça mais malheureusement cela arrive et beaucoup plus fréquemment que vous le pensez. 

Le mouton à 5 pattes

Dans un contexte économique tendu, les clients des SSII sont devenus plus qu’exigeants. De tout temps le consommateur ou le client a recherché le meilleur rapport qualité prix, mais désormais cela ne s’applique plus qu’aux objets mais aux services, en oubliant souvent que ces services sont fournis par des êtres humains semblables à eux-mêmes. Comme il est compliqué pour les non-initiés de comprendre une série de compétences informatiques bardées d’acronymes, nous ferons un parallèle avec des métiers connus de tous.

Ainsi là où l’on demandait à l’époque un expert en électricité – c’est-à-dire un chercheur –, on demande en plus à ce que celui-ci puisse également jouer le rôle d’électricien – ce qui n’est pas vraiment le rôle d’un chercheur –, mais aussi d’être capable de connaitre le court du cuivre – car c’est ce dont on a besoin pour transmettre du courant –, sans oublier que des connaissances en énergies renouvelables, aussi bien solaires, qu’éoliennes, qu’hydroliennes, seraient un plus, qui est tout de même fortement recommandé. Cela fait un spectre de connaissances plutôt vaste qu’il est difficile de maîtriser parfaitement de bout en bout.
Nul besoin de blâmer les clients, tout cela est induit par une conjoncture économique qui nous dépasse, voire plus simplement de lignes directrices qui ont été dictées en plus haut lieu au sein de l’entreprise du client. 

Malheureusement on oublie bien souvent qu’une personne peut apprendre, et on se retrouve donc dans des impasses avec des profils pourtant qualifiés qui ne font pas mouche auprès du client final. C’est comme le dit Jean-Louis Servan-Schreiber lors de sa présentations TEDx Paris 2011, dans "Les quatre paradoxes de la vitesse", "nous avons tellement pris l’habitude que tout aille vite que nous sommes désormais dans le monde de l’immobilisme". On considère donc qu’un prestataire doit être opérationnel tout de suite. Ce qui bien sûr ne peut être vrai et ce dont les clients ont bien conscience malgré tout. 

On regardera les compétences techniques, les expériences passées et si elles sont similaires à la demande du client, la formation dans certains cas, mais aussi l’intérêt pour la veille technologique qui va prendre  un pas démesuré sur le profil. C’est alors paradoxal car si cet intérêt montre bien la volonté d’apprendre par soi-même il n’est pas forcément révélateur de la capacité à apprendre, ni même de la capacité à se remettre en question ce qui est pourtant nécessaire pour apprendre. Démontrons facilement cette évidence : si vous avez l’habitude d’enfoncer un clou dans un parpaing avec un caillou et que vous ne vous remettez pas en question, vous aurez peut-être la capacité à planter un clou, mais probablement que vous passerez à coté de beaucoup de chose si vous refusez d’utiliser un marteau comme votre voisin vous l’a montré.

En résumé

Nous savons donc désormais ceci : 
  • Un recrutement sur mission qui peut amener à des situations délicates.
  • Un recrutement sur profil trop peu existant.
  • Contexte économique tendu = Besoin de personnes à forte capacité d’adaptation.
  • Contexte économique tendu = Besoin d’un bagage technique solide.


3- Les trois grands profils à la portée de la SSII

La star du code

La star du code correspond en réalité à deux types de profils, les "séniors" qui ont acquis une expertise dans un ou plusieurs domaines et les juniors. Oui, les jeunes avec peu d’expérience professionnelle, à peine sortis de l’école qu’ils ont déjà des compétences impressionnantes et une maturité exceptionnelle, la valeur n’attend point le nombre des années.
En réalité ces jeunes gens ont réalisé en parallèle de leur scolarité, parfois faites en alternance ce qui permet d’acquérir une expérience professionnelle tant recherchée, des projets personnels. Que ce soit via le statut d’autoentrepreneur ou juste pour le fun. Mais  souvent le fun prend une importance car n’étant pas limité par un cadre ou un existant, ils ont pris les outils les plus modernes que les plus grosses sociétés clientes souhaitent désormais aussi utiliser. Ils ont donc une longueur d’avance et peuvent même être à l’origine d’un changement de paradigme dans les sociétés où ils exerceront leurs compétences.
 
C’est un point clé, l’expérience, quelle qu’elle soit, est un bénéfice pour le candidat dans une SSII s’il peut montrer qu’il n’a pas juste copié mais qu’il l’a bien réalisé et qu’il a compris l’essence même de ces nouveaux outils. 

Car le point commun qu’on retrouve chez les juniors c’est de refaire ce qui existe déjà mais d’une façon différente. Cette volonté de refaire permet d’apprendre, de comparer les solutions existantes et les leurs, mais à un coût dramatique pour une société. Il faut donc cadrer ces jeunes profils en leur expliquant qu’il faut être pragmatique.



Pour les séniors, le discours est très différent, mais la capacité de se remettre en question est d’autant plus importante. Rien de plus néfaste dans un groupe que quelqu’un d’ancré dans ces certitudes et qui empêche les autres d’avancer et de progresser. Quelles que soient les années d’expérience, l’écoute et l’échange dans un monde en perpétuel évolution qui est celui de l’informatique sont des points primordiaux chez ces séniors. 

Le junior

A l’opposé des stars du code junior, nous avons le véritable junior. Sorti de l’école, souvent une école d’ingénieur plus ou moins réputée, mais qui n’a pas d’expérience ni de projet personnel à mettre à son compte. C’est alors un cas difficile à traiter, car nous avons vu que ce type de profil ne correspondait pas aux attentes du client, mais celui-ci peut comprendre que de par la jeunesse il n’ait pas encore l’expérience. Mais tout de même, certains de ces camarades de promotion l’ont, pourquoi pas lui ? Mauvais choix ? Il ne sait pas se mettre en avant, c’est au recruteur de chercher s’il pourrait lui trouver un moyen d’évoluer rapidement. Après tout les SSII sont le royaume de la formation accélérée. 
Quel que soit le secteur d’embauche, le manque d’expérience est toujours préjudiciable, et pourtant il faut bien commencer quelque part. C’est alors des profils qu’on va retrouver dans le point suivant : Les âmes perdues.
 

Les âmes perdues

Les âmes perdues, mon cheval de bataille personnel. Ce sont des gens qui ont acquis de l’expérience au fil du temps mais toujours dans des missions en quasi solo. Des missions où ils ont dû jouer plusieurs rôles comme celui de designer, intégrateur, chef de projet, chef de produit etc Mais surtout ils ont évolué dans des missions ou chez des clients sans encadrement. Comment progresser si personnes ne vous montre vos erreurs et vous propose son aide pour vous améliorer ? Comment progresser seul dans un contexte où seul le résultat compte et non la manière de faire ? La réponse est simple, c’est une mission impossible car l’envie va disparaître, l’âme perdue ne sera pas écoutée par ses supérieurs car ils ont déjà un système qui marche, ils veulent juste quelqu’un qui le maintienne. 

C’est le profil le plus compliqué de tous, car après 8 voire 10 ans d’expérience les âmes perdues ont un bagage parfois de junior. Mais ce n’est pas qu’ils n’ont pas accompli de grandes choses pour autant. Au lieu de prendre une bétonnière pour faire le travail, ils ont construit la bétonnière sans savoir que ça existait, ou sans qu’on les laisse en utiliser une déjà prête. Ils ont dû réinventer la roue jour après jour faute d’encadrement et faute de temps. Mais s’ils savent construire une bétonnière, il devrait être capable sans trop de problème de s’en servir, il leur faudrait juste qu’on les laisse essayer un modèle non conçu par leurs soins. 

Ce sont souvent des gens qui sont à bout et qui veulent absolument sortir de cette situation avec des conditions de travail inhumaines. La plupart du temps mal payés de par le manque de mots clé sur leur CV. Ce qui est affreux, c’est que certains recruteurs vont enfoncer le clou en demandant pourquoi ils n’ont pas fait de veille technologique, pourquoi ils n’ont pas utilisé tel outil. De quoi dévaloriser encore plus la personne. Mais ce qu’il faut comprendre c’est que ces âmes perdues sont dégoûtées de ce qu’ils aimaient. Au point de prendre l’option de la reconversion professionnelle !
 

En résumé

Nous savons donc désormais ceci : 
  • Les stars du code : junior avec expérience perso ou sénior qui sait se remettre en question.
  • Les juniors : pas d’expérience comme les stars et donc plus délicats.
  • Les âmes perdues : des profils avec de l’expérience mais pas au goût du jour


4- Passer de la SSII à la STI

C’est quoi une STI

STI, c’est l’acronyme de Société en Talents Informatique. C’est une société dans laquelle l’humain prime sur les compétences car celles-ci peuvent être acquises dans un milieu adéquat. C’est donc aussi un milieu où il est possible de bénéficier de formations ou d’un encadrement pour ne plus être qu’une liste de compétences. En effet, il ne s’agit pas d’encadrer les nouvelles recrues avec pour seul objectif l’obtention d’une certification, mais plutôt de leur permettre de profiter de l’expérience des autres pour leur donner le goût des choses bien faites. 
Mais encore une fois, au-delà de la qualité du travail produit, c’est l’environnement dans lequel celui-ci est produit qui a aussi toute son importance. On parle de méthodologies de travail, mais aussi de capacité aux relations interpersonnelles et comment l’assertivité peut nous aider à progresser. 

On pourrait parler de philosophie d’entreprise, mais allons même plus loin, et parlons d’évangélisation de cette vision. Pas parce que cette philosophie est la meilleure, mais parce que les êtres humains qui y adhèrent sont prêts à recevoir les critiques et à s’améliorer continuellement pour tendre vers ce qui pourrait être parfait et pour faire en sorte que celle-ci touche le plus de gens possible car ils sont heureux de travailler. L’essence même du processus, est de se remettre en question. Mais aussi remettre en question ce qu’on nous a appris. 

Prenons une idée préconçue et largement répandue en France. Les gens qui font du télétravail, ne travaillent pas autant que s’ils étaient à leurs postes. 

Premier point, est-ce le nombre d’heures qui compte ou la qualité du travail effectué voire la quantité pour les plus bassement matérialistes ? Quel est l’intérêt de garder une personne rivée à son siège si elle est inefficace et qu’aller faire un tour de vélo lui changerait les idées pour être plus disponible ensuite ? Nous sommes restés dans cette espèce de structure scolaire qui ne répond pas à un besoin humain mais à un besoin de rentabilité sans même être réellement capable de la mesurer car on ne laisse pas la possibilité de tester la seconde hypothèse. 

Deuxième point, prenons par exemple le temps de concentration en France d’un adulte au travail qui est de… 12 minutes… Au-delà vous serez dérangé par des mails, les gens à qui vous n’avez pas répondu, vos collègues, etc. A l’opposé en télétravail vous pouvez fermer vos mails, couper votre téléphone, et travailler sans sources de perturbations. L’esprit se calme, il est plus apte à se concentrer, il est pleinement conscient. 

Troisième point, est-ce la surveillance de la hiérarchie qui compte ou la confiance de celle-ci ? C’est simple, avez-vous déjà travaillé pour quelqu’un que vous n’aimiez pas. Mais alors pas du tout. Oui ? Vous avez travaillé correctement ? Non. Le travail ne peut pas s’accomplir sous la contrainte ou sous des objectifs même rémunérés. Cette idée même de rémunération sur objectif est contre-productive. Dan Pink a expliqué ces tenants et  aboutissants de façon formidable dans un talk TED. Pour faire simple, plus l’objectif est soumis à une prime importante plus la productivité décroit. Mais on peut y prendre d’autres paramètres comme la confiance et le respect. Vous aurez toujours envie de satisfaire quelqu’un que vous admirez plutôt que quelqu’un que vous détestez. 

Pour ce qui est de diffuser cette philosophie c’est donc à nous consultants d’aller proposer notre vision pour faire en sorte de rassembler les gens autour de nous et de les faire avancer. Inutile d’être hiérarchiquement responsable pour cela, au plus bas de l’échelle des choses peuvent se faire ne serait-ce que par l’entraide. 

Les points clés de la STI

Pour rentrer plus dans le détail de la philosophie de la STI, voici donc quelques points clés à retenir : 
  • Agilité : être capable de comprendre que dans un temps donné tout n’est pas forcément possible mais que ce n’est pas grave.
  • Assertivité : pas de lutte de pouvoir, personne ne cherche à dominer l’autre ou à lui imposer son point de vue.
  • Bienveillance : car il est plus simple de parler des problèmes et d’aider celui qui en a que de l’enfoncer dans son dos, pour aller plus loin chercher les filtres de Socrate.
  • Pragmatisme : parce que même si on a fortement envie de tout recommencer à zéro ça n’est pas forcément rentable, ou parce que se lancer dans une nouvelle technologie sans retour de la part d’autres personnes c’est très risqué.
  • Accompagnement : être capable de donner de son temps pour faire progresser les autres, c’est un investissement, mais celui-ci est souvent plus rentable que la bourse. 
  • Remise en question : car les choses évolues, les méthodologies de travail, les outils, les envies de chacun, tout doit être posé sur la table pour en parler avec assertivité et bienveillance.


5- Recruter l’humain et non son expérience

Pour son envie

Un des points essentiels de cette mutation est de cesser de recruter des gens uniquement pour leur expérience et parce qu’ils savent se vendre. Il faut au contraire chercher les gens qui ont l'envie. Envie d’apprendre, envie de partager, envie de progresser ou même envie de se poser des questions. L’envie est une qualité nettement supérieure à un diplôme d’une école chèrement payée. 

L’humain est plus que son parcours sur son CV, il est impensable de se passer d’une discussion, lors de l’entretien d’embauche, sur la vie quotidienne les passions etc. Il est possible d’ailleurs que le candidat ne sache pas se vendre mais quand il vient à parler de son engagement dans son club de sport ses yeux s’illuminent et vous explique en quoi ce sport est une véritable passion et que ça lui a permis de surmonter des épreuves ou de gagner en sérénité car il a trouvé un exutoire.

Pour sa capacité à se remettre en question

Outre cette envie, c’est aussi la capacité à se remettre en question qui est primordiale. Bien souvent on demandera à un candidat s’il maîtrise telle ou telle chose et comment, avec des fois un test technique. Mais le problème de cette méthode c’est que vous qui connaissez le sujet, vous vous attendez à ce que votre interlocuteur sache le faire de la même manière que vous. 
Prenons un exemple simple, vous savez faire un gâteau au chocolat, si le candidat vous dit qu’il sait en faire aussi avec les bons ingrédients ça peut vous convaincre, même s’il suit la même recette que vous, vous n’obtiendrez pas le même résultat. De fait votre avis est biaisé en cherchant la compétence. 

En revanche si vous cherchez quelqu’un qui a envie de faire de la cuisine et qui a déjà commencé à faire des gâteaux, vous n’aurez aucun mal à lui apprendre votre manière de faire. Et c’est là l’important, c’est d’arriver à ce que votre but soit commun. Et c’est beaucoup plus simple à faire avec quelqu’un qui sait se remettre en question qu’avec quelqu’un qui campera sur ses acquis, car après tout, un gâteau au chocolat c’est un gâteau au chocolat. 
 

Recruter des juniors en pépinière

Pour parvenir à ses objectifs de recrutement, la STI se doit de prendre des personnes juniors. Ces juniors peuvent alors être placés dans une pépinière qui va leur permettre de grandir parmi d’autres membres de vos équipes qui répondent justement à votre but. Ainsi cette jeune pousse va pouvoir grandir selon vos exigences. Il est logique de procéder ainsi car c’est un gain de temps considérable. Plutôt que d’essayer de tordre un vieux chêne autant prendre un jeune bambou plus souple. 

Ce n’est pas là de la manipulation, c’est juste votre capacité à intégrer une nouvelle personne avec toutes ses différences au sein de votre entité dans un but commun dont on parle. D’autant plus que les juniors auront toujours des questions pertinentes vous obligeant à vous remettre en question et vous efforçant à garder votre talent de pédagogue.

Recruter les âmes perdues, et vite

Recruter les âmes perdues est essentiel. Comme nous l’avons vu elles savent construire une bétonnière et s’en servir, il ne reste qu’à leur apprendre à se servir d’un nouveau modèle. C’est une chose aisée si tant est qu’elles répondent à vos valeurs décrites plus haut. L’avantage qu’il y a c’est qu’une fois ces âmes perdues placées dans votre pépinière sa croissance va s’accélérer car elle n’a pas tout à apprendre, juste à modifier certaines choses. A la sortie de la pépinière vous aurez en plus de quelqu’un qui répond aux standards actuels et à vos valeurs, quelqu’un qui a de l’expérience comme le demande vos clients. 

Certains l’ont fait

C’est le cas de Heineken avec cette vidéo intitulée "The Candidate". On y voit un certain nombre de personnes répondre à des questions types, mais c’est bien la personnalité et l’engagement personnel qui l’emportent à la fin.

En résumé

Nous savons donc désormais ceci : 
  • Qu’une STI c’est d’abord la gestion des talents.
  • Qu’une STI fait grandir les gens qui ont le potentiel.
  • Qu’une STI a des valeurs importantes qui ne sont pas négociables mais améliorables.
  • Que recruter et former c’est nettement plus rentable que de tordre un vieux chêne.

Conclusion

La mutation d’une SSII est possible, c’est un investissement qui rendra tout le monde plus heureux et plus motivé. Cette mutation, elle a déjà débuté au Brésil mais en allant encore plus loin. Il ne vous reste plus qu’à définir quelles sont les valeurs humaines que vous voulez porter. Peu importe qu’elles collent à 100% à ce qui est décrit ici. Mais il est essentiel de définir ce profil idéal et d’essayer de l’atteindre via des formations si nécessaire, chacun en sortira grandi. C’est un cercle vertueux.

La phrase qui synthétise tout ce qui est décrit ici serait : Il est temps de cesser d’embaucher "des compétences", mais des gens qui ont les qualités que vous souhaitez pour les porter et vous faire grandir.