Jean Paoli (Microsoft) Je n'ai aucune difficulté à travailler avec les communautés Open Source

Homme clé de la politique de Microsoft en termes d'interopérabilité, le co-créateur du langage XML évoque ce que signifie pour lui ouverture des formats et collaboration entre systèmes hétérogènes.

Peut-on dire que la culture de Microsoft en termes d'interopérabilité change ? Si oui, quelles sont les dates clés ?

Je pense que cela fait longtemps que Microsoft travaille à l'interopérabilité des systèmes. On peut mettre depuis très longtemps toutes les imprimantes du monde sous Windows, grâce à l'intégration des pilotes , et cela c'est de l'interopérabilité ! Mais pour moi, il y a trois étapes clé.

Je crois que le point de départ, c'est l'Internet ; et la note de Bill Gates à ce sujet, en 1995. C'est d'ailleurs à ce moment là qu'il m'a recruté, pour mettre en place ce qui allait devenir le langage XML, chez Microsoft.

Mais quand je suis arrivé chez Microsoft en disant qu'il fallait faire autre chose que du HTML, ça n'a pas été simple d'entrer ! Ils m'ont donné ma chance, mais j'ai du prouver ce que je disais au sujet de XML. Il fallait que la solution soit rapide, efficace, bonne, bref, la question de la mise en place d'un langage interopérable dans cette société a pris du temps, mais on ne peut pas nier la volonté de Bill Gates d'avoir voulu aller dans ce sens.

Quelles ont été les autres étapes ?

Premièrement en 2000, avec la publication du framework .Net, basé sur XML. Les outils de développement reposaient sur XML, qui est un langage interopérable. Et puis la dernière étape, selon moi, ça à été la décision de mettre du XML dans les documents Microsoft Office.

Alors, comment définiriez-vous la question de l'interopérabilité ?

Depuis quelques années, trois à quatre ans en fait, nous avons décidé d'avoir une approche structurée de l'interopérabilité, et cette approche est basée sur l'utilisateur.

"Depuis 3 à 4 ans, nous avons une approche structurée de l'interopérabilité"

Le besoin de l'utilisateur aujourd'hui, c'est que son téléphone fonctionne bien avec les autres appareils de l'entreprise par exemple. C'est en fait une question de connectivité. Il y a 20 ans, une fois que vous aviez investi dans l'achat d'un ordinateur, peut être vous restait-il assez d'argent pour acheter une imprimante ! Et bien souvent, vous ne pouviez pas la connecter à l'ordinateur par manque de connectivité. Aujourd'hui, avec un Iphone, on peut ouvrir des documents en .docx [ndlr. le dernier format de fichier Microsoft Word], affichés en version native dans l'iPhone. C'est ça l'interopérabilité !

Est-ce la maturité du marché qui permet aujourd'hui, ou oblige, deux acteurs à vendre des produits avec des accords interopérabilité ?

Il n'y a pas eu d'accord commercial pour la compatibilité entre Iphone et .docx. Open XML est un standard implémenté dans leur code.

En fait, l'approche de l'interopérabilité chez Microsoft se décline en quatre composants. Premièrement, les produits doivent implémenter les différents formats. Deuxièmement, la coopération au moins à deux est importante. A mon niveau, je n'ai aucune difficulté à travailler avec les communautés Open Source par exemple.

Nous avons implémenté les versions Windows et Mac de Silverlight, et Novell a implémenté la version Linux, qui se nomme Moonlight. Nous avons également travaillé avec la société française Soyatec, une société Open Source, pour la mise en place d'un environnement Java et Mac afin de rajouter à l'environnement de développement Eclipse des possibilités de développement sur Silverlight.

Qu'en est-il des développeurs ?

C'est le troisième point. Nous travaillons sur l'accès aux ressources techniques pour les développeurs. C'est très important de savoir quelles sont les informations pour interopérer, et en janvier, nous venons de publier sur l'Internet les détails de l'implémentation des standards.

Enfin, quatrième et dernier point, nous croyons qu'il est important de participer aux travaux des organismes de standardisation. Microsoft est engagé dans plus de 150 organisations sur ce sujet.

Par ailleurs, nous avons créé le conseil exécutif de l'interopérabilité avec nos clients. 35 DSI du secteur privé et du secteur public se réunissent avec nous tous les six mois, sous la présidence de Bob Muglia [ndlr. vice président de Microsoft]. Ces clients échangent avec nous sur des questions d'interopérabilité. Ce sont des clients importants, qui ont tous des environnements hétérogènes, et la seule discussion, c'est la stratégie des produits Microsoft du point de vue de l'interopérabilité avec leurs autres systèmes.

Alors pourquoi une telle confusion sur les formats documentaires au sujet de la standardisation à l'ISO ?

Le fond de l'affaire, c'est que nous avons mal communiqué ce que nous étions en train de faire. Beaucoup de gens ont pensé que nous voulions entrer en compétition avec ODF [ndlr. le format Open Office]. En fait, Les deux formats sont destinés à faire des choses différentes.

"Nous avons mal communiqué sur Open XML"

La puissance d'Open XML, c'est de pouvoir ouvrir, modifier et conserver des milliards de documents qui ont été créés en .doc, .xls, .ppt, sur des versions précédentes de Microsoft Office. Quand nous avons regardé ce que pouvait faire le fichier .odf, nous nous sommes aperçus que ce format n'exprimait pas correctement les informations d'un document créé par une ancienne version d'Office, et ne le sauvait pas correctement. Il y avait beaucoup d'approximations.

Donc, vous avez insisté pour qu'Open XML devienne un standard ISO...

Encore une fois, la question, c'était de laisser le libre choix à l'utilisateur, et il a fallu expliquer cela. D'ailleurs, une équipe de standardisation en Chine travaille à la rédaction d'un autre format documentaire, spécifique, et chez Microsoft, nous travaillons à l'implémentation de ce format grâce à des outils Open Source, pour qu'il soit compatible avec Microsoft Office.

Mais quid de l'interopérabilité des formats documentaires sur vos propres outils, comme Microsoft Office ?

Et bien nous venons d'implémenter le format ODF dans le SP2 de Vista, et nous allons implémenter le format PDF. Nous allons aussi intégrer la version ISO d'OpenXML.

Pouvez-vous nous parler d'un projet Microsoft où la question de l'interopérabilité à été centrale ?

Nous avons travaillé au Portugal par exemple avec les services de l'Etat pour mettre en place une carte d'identité qui permette d'accéder à différents services, comme la sécurité sociale, l'état civil, et autres. Les différents systèmes informatiques de l'Etat fonctionnent sur des infrastructures techniques diverses.

Nous avons travaillé avec Siemens et Accenture sur un projet à base de Windows Server pour connecter cinq  environnements hétérogènes à une seule entité. Les citoyens utilisent ce système au Portugal depuis un an, et désormais une seule carte remplace cinq cartes pour ces différents services.

Jean Paoli est directeur de l'architecture XML de Microsoft au niveau mondial.