Serious games : les premiers retours d'expérience en France

Air France, BNP Paribas, L'Oréal, Axa... Plusieurs grands groupes français se sont engagés dans des projets visant à exploiter le jeu vidéo au profit de la formation. Le point.

La France affiche un retard de plusieurs années sur les pays anglo-saxons dans l'usage des serious games. Alors que les sociétés américaines présentent des retours d'expérience remontant à 2003-2004, nous en sommes ici qu'aux  tout premiers déploiements de grande ampleur.

Comment expliquer ce démarrage qualifié de "long et douloureux" par les experts du domaine. "A la différence des anglo-saxons qui ont le goût de la 'joke' durant les réunions de travail, il n'est pas vraiment dans nos habitudes d'envisager de faire passer une connaissance par le jeu", analyse Olivier Lombart, P-DG de NetDivision, agence interactive positionnée sur les serious games.

Difficile dans ces conditions de convaincre les responsables formation des grands groupes de se lancer dans l'aventure. Un point de passage obligé cependant pour les acteurs français du domaine. Car avant de devenir éditeurs de "jeux vidéo sérieux", ces spécialistes entendent cibler en premier lieu les grandes entreprises, seules capables de disposer des budgets nécessaires à des projets dignes de ce nom (200 à 300 000 euros).

Objectif de ces sociétés de services : se faire un nom, et se renforcer financièrement pour se lancer dans la production et la commercialisation de serious games à grande échelle. "La déferlante des jeux vidéo intellectuels, comme les Sims, contribue à faire évoluer les esprits. Nous sommes également aidés par la popularité montante des consoles de jeux", reconnaît Olivier Lombart.

Et Sébastien Beck, P-DG de l'agence Dæsign, d'ajouter : "Ces dernières années, le jeu commence à être réhabilité au sein de la population des cadres. On le voit bien avec le pocker qui est de plus en plus prisé, y compris au sein de la classe dirigeante." Mais, pour beaucoup de responsables de services formations, le déclic intervient avec l'arrivée sur le marché du travail d'une nouvelle génération d'employés, connue sous le nom de "génération Y". Une tranche d'âge qui baigne dans la culture de la communication Web, et même Web 2.0.  

Des Serious Games pour la formation aux entretiens professionnels ou d'évaluation

Dans ce contexte mouvant, les profils des clients français évoluent. "Entre 2004 et 2007, la plupart de nos commanditaires étaient issus des secteurs banque, assurance et télécoms, et les budgets des projets étaient avant tout portés par les départements innovations", se rappelle Sébastien Beck. Depuis 2008, des chantiers ont également été initiés dans l'industrie, au sein des constructeurs automobiles en particulier. Les départements formations sont désormais moteurs des déploiements.

Qu'en est-il des premiers retours d'expérience ? Adossant son offre sur une technologie propriétaire permettant de réaliser des jeux de rôles 3D autour de scénarios de situations d'entretien, Dæsign a notamment réalisé une application pour Orange. Déployée auprès de 7 000 téléconseillers, elle est conçue pour former à l'accueil téléphonique. A la demande de BNP Paribas, l'agence a mis au point un serious game pour apprendre à mener un entretien annuel d'évaluation. Chez Air France, un jeu a été élaboré, ciblant cette fois l'entretien professionnel (mise en place dans le cadre de la loi Fillon).

Parmi ses autres références, Dæsign compte l'Organisation Internationale pour les Migration (OIM), avec un programme de formation à la gestion de projet (formant au recrutement d'équipes, à la conduite de réunions, etc.). Chez Axa, la société de services à remis le couvert. Après un premier projet (ciblant l'entretien annuel d'évaluation), elle a réalisé un deuxième serious game visant à sensibiliser les vendeurs aux comportements d'achat. "L'idée étant de les amener à adapter le mieux possible leur discours en fonction du profil client", commente-t-on chez Dæsign.

Un  serious game appliqué aux défis marketing. C'est également une piste largement explorée par NetDivision. "Nous avons par exemple créé un jeu pour L'Oréal. Il est diffusé par le groupe auprès des professionnels de la coiffure et au sein des écoles de coiffure, pour former aux techniques et comportements du métier, s'initier aux nouvelles techniques de merchandising, et se confronter aux différentes problématiques de relation clients et de fidélisation. Le tout par le biais de mises en situation", détaille son P-DG, Olivier Lombart. Derrière ce jeu figure également l'enjeu de la formation aux techniques commerciales des produits L'Oréal.

Suite à ces premiers retours d'expérience plutôt positifs, les acteurs spécialisés misent désormais sur un accroissement de la demande. Une montée en puissance qui, selon certains, pourrait gagner à bénéficier d'un petit coup de pouce de l'Etat.

"L'exemple anglais est sur ce point intéressant", note Sébastien Beckc (Dæsign). "La politique qui a été menée depuis quelques années dans l'éducation autour de l'utilisation d'outils électroniques dans les salles de classe, de type tableaux blancs numériques, crée un nouveau marché, et tire les fournisseurs, y compris dans le domaine des serious games."