Commercialisation des prestations informatiques : vers une nécessaire réforme

Sous-traitance en cascade et délits de marchandage se développent dans le secteur de la prestation de service informatique. Le point sur la situation juridique et les impacts économiques.

Pour certaines spécialités, tel que SAP, la majorité des compétences ne se trouvent ni chez les éditeurs ni dans les SSII, mais dans un secteur moins connu : les indépendants.

Ces indépendants - appelés aussi "freelances" - sont nombreux, plus de 10 000 en France. Ils ont souvent effectué leur début de carrière en SSII, avant d'entamer leur parcours autonome. Ils ont alors découvert, outre les joies de la comptabilité, un étrange marché : celui des intermédiaires commerciaux.

La plupart des acheteurs et responsables informatiques sont en relation avec une demi-douzaine de sociétés de service. Quand un besoin se fait sentir, ces sociétés cherchent tout naturellement la compétence en interne. En cas de carence, cas fréquent vu l'extrême ciblage et l'urgence de la plupart des besoins, elles se tournent alors dans deux directions : les confrères et les indépendants.

Si la tractation entre confrères ne présentent rien de particulier, il faut tout de même signaler qu'elle est généralement illégale en ce qui concerne les marchés public (articles 112 et 114 du code des marchés publics interdisant une sous-traitance globale et obligeant le sous traitant à informer le client de la situation de sous-traitance.)

Mais pour le recours aux indépendants, les choses vont beaucoup plus loin car la plupart des SSII font appel à des intermédiaires qui recherchent le bon profil pour elles. De nombreuses structures de ce type existent, disposant généralement de leur site Internet, ou associés à des sites "gratuits".

L'anomalie majeure est que cette cascade d'intermédiaires ne facture pas un travail commercial ou de prospection à l'échelon précédent mais l'intégralité du travail à l'échelon suivant. Par exemple le freelance facture 400 euros à l'intermédiaire qui l'a contacté, celui-ci refacture 500 à la SSII, et cette dernière refacture 600 euros à son client. Les écarts sont parfois beaucoup plus importants, dépassant dans des cas extrêmes 50% entre les deux extrémités de la chaîne. Même quand il n'y a qu'un intermédiaire entre l'acheteur et le vendeur, 20% est considéré comme un chiffre ordinaire.

Ce système est possible car les indépendants n'ont pas de charges de structure (commerciaux, secrétariat, direction, locaux...). Leur tarif est donc en moyenne inférieur à celui de leurs confrères de SSII.

Si l'activité commerciale est parfaitement légitime dans son principe, on ne peut être que s'étonner de la banalisation de telles pratiques. Dans un secteur comme la location immobilière, le niveau de commission est à 10%, et ce en toute transparence vis-à-vis des acteurs, alors que les marges de l'intermédiation sont généralement opaques pour le client et pour le freelance.

Les Directions Informatiques et les indépendants n'ont aucun intérêt à cautionner un tel système, surtout en période de crise. Mais les indépendants-vendeurs semblent souffrir d'un grand déficit commercial. De leur coté, les entreprises-acheteuses sont dans l'impossibilité de localiser simplement les profils recherchés et quelque peu prisonnières de leurs habitudes.

La sous-traitance en cascade, surtout opérée de manière systématique, est une pratique extrêmement décriée. Sa limitation est fréquemment évoquée par les législateurs, mais ses derniers semblent plus focalisés sur les préjudices sociaux que sur la dimension économique.

Sur le plan légal, l'activité de nombreuses sociétés semble contraire à l'article L. 125-1 du code du travail dès lors que le freelance est salarié de sa propre société ou salarié d'une société de portage.

La réforme viendra-t-elle de l'intérieur, par évolution naturelle du marché, ou de l'extérieur par des législations plus contraignantes ou mieux appliquées ? L'avenir le dira.

Références :

Délit de marchandage :
http://questions.assemblee-nationale.fr/q11/11-29546QE.htm

Vers une régulation européenne :
http://www.wk-rh.fr/actualites/detail/10080/l-europe-veut-reguler-les-chaines-de-sous-traitance.html

Loi sur la sous-traitance du 31 décembre 1975 :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006068498