Ces ESN qui se réinventent pour passer au digital

Ces ESN qui se réinventent pour passer au digital Devoteam, Linkbynet, Onepoint sont tout entières positionnées sur la transformation numérique. Elles se sont dotées d'organisations agiles, avec à la clé des gouvernances souvent décentralisées.

Quelle entreprise de services du numérique (ESN) française n'est pas positionnée dans la transformation numérique ? Elles le sont toutes, à un degré ou à un autre. Difficile d'écrire le contraire. Cependant force est de constater que certaines se sont lancées plus tôt que d'autres dans la bataille avec des stratégies nettement plus combatives. Au-delà de leur positionnement, ces sociétés ont au moins deux points communs. Souvent surnommées "digital transformer", elles s'orientent vers des organisations décentralisées qui se veulent souples, pour ne pas dire agiles. Et toutes ont également initié des stratégies de croissance externe dans le but de s'adapter à l'évolution rapide du secteur digital.

Racheter pour s'adapter

Parmi ces acteurs, Devoteam amorce dès 2012 un virage stratégique vers le cloud et la mobilité. L'ESN place alors la croissance externe au cœur de sa stratégie. Depuis, l'entreprise de Godefroy et Stanislas de Bentzmann a réalisé deux acquisitions majeures. Bouclé en 2014, le rachat de gPartner lui permet de mettre la main sur l'un des tout premiers partenaires de Google Enterprise en France. En 2017, rebelote. Elle se porte acquéreur de D2SI, l'un des principaux alliés d'Amazon Web Services en Europe sur le terrain du service. Six ans après, les résultats sont là. Comptant 2 500 salariés en France (sur un total de près de 5 000 en Europe), le groupe de Levallois-Perret enregistre près de 50% de son chiffre d'affaires trimestriel dans les SMAC (pour social, mobilité, analytics et cloud). 

Autres exemples d'ESN engagées dans des croissances externes : les Française Onepoint (1 900 salariés) et Linkbynet (650 salariés). Fort d'un chiffre d'affaires de 200 millions d'euros en 2017, la première, qui se présente comme un pure player de la transformation digitale, a absorbé l'ESN belge Vision IT en 2015, puis le cabinet Natea Consulting en 2016. Enfin il y a quelques jours, elle a annoncé le rachat de Geronimo, un expert en développement web et mobile. Quant à Linkbynet, elle a bouclé deux acquisitions au cours des six derniers mois : les rachats de l'Aixois Treeptik (expert DevOps et Docker) et de Securiview (dans la sécurité informatique).  "Ces opérations nous permettent d'accélérer sur des positionnements verticaux qui apportent une valeur à nos clients", explique Stéphane Aisenberg, cofondateur de Linkbynet.

Des organisations libérées

Mais plus originale est la manière dont ces acteurs s'organisent. Il y a un an, Onepoint décidait d'abandonner sa structure pyramidale pour s'orienter vers un modèle beaucoup plus horizontal. En ligne de mire, l'idée était de gagner en souplesse. "Nous sommes allés jusqu'à rompre la relation entre rémunération et statut. Nous avons aussi mis fin aux bilans annuels en faveur d'une démarche de progression continue via des feedbacks réguliers", confie David Layani, président d'Onepoint. "L'idée est de créer du mouvement en donnant la possibilité aux salariés de faire partie de différentes communautés de pratiques." Quant aux pools de collaborateurs missionnés sur les projets client, ils se forment "dynamiquement" autour de "leaders", en fonction de l'envie, de l'appétence, de la disponibilité de chacun, dans une philosophie "d'entreprise libérée".

Onepoint entend ainsi se donner les moyens de former rapidement des équipes pluridisciplinaires (associant consultants, développeurs, architectes...) taillées pour répondre finement aux besoins de ses clients. "Sur cette base, nous allons jusqu'à déployer chez certains d'entre eux des usines digitales avec des effectifs mis en commun. L'idée étant de les accompagner dans une relation partenariale, avec à la clé une rémunération du contrat pouvant dépendre d'indicateurs opérationnels, voire même des parts de marché gagnées", confie David Layani. Jusqu'ici, Onepoint a mis en place une dizaine de ces digital factory. L'une des dernières en date a été lancée pour le compte de GTRGaz.

Une inspiration dans la Silicon Valley

Comme Onepoint, Linkbynet s'oriente, lui-aussi, vers une dynamique de progression continue des savoirs et compétences. Dans une logique de lean Management, formations et coaching ont pour but de faire évoluer les managers vers un rôle d'accompagnateur et moins de donneur d'ordres. En cohérence avec cet état d'esprit, le siège social de Linkbynet (basé à Saint-Denis) reprend les codes des acteurs digitaux de la Silicon Valley. Espaces de travail thématiques, bibliothèque collaborative, salle de sport, terrain de basket, espaces de repos... Tout est là. Le lieu a d'ailleurs était baptisé LBN Valley. "Nous avons souhaité créer un environnement en cohérence avec l'esprit start-up que nous entretenons depuis notre création en 2000. Travailler dans une ambiance saine et détendue est aussi un moyen de stimuler la productivité", reconnait Stéphane Aisenberg. Dans le sillage de ce chantier, Linkbynet a remporté le prix Entreprise et Convivialité 2015, dans le cadre de la Semaine de la qualité de vie au travail.

"Chez Onepoint également, nous avons souhaité créer des espaces de travail en cohérence avec notre approche", souligne David Layani. Le siège de l'ESN, rue des Sablons à Paris, a été conçu comme un espace ouvert et modulable. Autour d'une sorte de grande agora, des petits salons chaleureux et des salles de réunion aux décors modernes sont utilisables au gré des projets et meetings clients.

Des organisations "en mode start-up"

Devoteam aussi évolue vers une organisation plus transversale (en vue, là-encore, d'aligner plus efficacement des équipes pluridisciplinaires). Mais le groupe pousse encore plus loin cette logique. En parallèle, il s'est doté d'une gouvernance décentralisée, pour ne pas dire en mode "start-up". "Nous recrutons des dirigeants passionnés par la transformation digitale. Nous leur confions une activité, avec un financement, et l'objectif de lancer une offre. Ils bénéficient du branding de Devoteam, de nos références client, et de notre back office", explique Sébastien Chevrel, COO de Devoteam. Avec pour vocation de conquérir de nouvelles niches dans les SMAC, les structures en question ciblent une courbe de croissance rapide dans l'optique d'être bénéficiaires dès le 8e ou 9e mois. Une douzaine ont été lancées depuis 2013 sur des créneaux divers (transformation digitale dans la banque d'investissement, conseil en gestion de la relation client et multicanal, offre autour de ServiceNow RH...).