Un an après son lancement, Microsoft Teams a-t-il gagné face à Slack ?

Un an après son lancement, Microsoft Teams a-t-il gagné face à Slack ? En France, les organisations engagées dans le déploiement d'Office 365 se tournent massivement vers l'outil de messagerie d'équipes. Les grands groupes sont sur les rangs.

Le 14 mars 2017, Microsoft sortait Teams en version finale. Un an après, les résultats sont là. D'après les derniers chiffres de l'éditeur, 200 000 organisations ont désormais recours à la messagerie d'équipe à travers le monde, contre 125 000 en septembre dernier. En France, les grandes entreprises ayant fait le choix d'Office 365 (c'est le cas de 80% du Cac 40) se tournent en nombre vers la nouvelle brique de la suite. "Presque tous nos clients s'orientent vers Teams. Je peux citer Arkema, Canal+, Maif ou encore Sodexo", égraine Bastien Le Lann, responsable du pôle analyses chez Lecko, un cabinet de conseil français spécialisé dans les solutions collaboratives. Quant au principal concurrent de Teams, Slack, il revendique certes 2 millions de clients payants au compteur. Mais son offre Enterprise Grid, lancée il y a déjà un an avec pour cible les grandes entreprises, n'atteint pour l'heure que 200 abonnements dans le monde.

Les secrets de la réussite de Teams ? Ils résident dans la bonne qualité de son interface graphique, mais aussi et surtout dans son intégration, sans surcoût, à Office 365. Incluant l'outil, son forfait d'entrée de gamme à destination des entreprises (Office 365 Business Essentials) s'élève à 5,10 euros par utilisateur et par mois. Sachant qu'il comprend, en plus, la messagerie Exchange, une capacité d'1 To de stockage (sur OneDrive), sans oublier Skype Entreprise. De son côté, la version standard de Slack affiche un tarif d'environ 5,4 euros par utilisateur et par mois.

"En France, les projets de mise en œuvre de Teams ont commencé à se structurer depuis septembre, souvent à l'initiative des DSI", constate Bastien Le Lann. "Avant l'été, l'application avait dans la plupart des cas été simplement ouverte aux collaborateurs, avec certes quelques sessions de vulgarisation, mais sans s'interroger réellement sur l'apport de tel ou tel usage ou fonctionnalité pour le business de l'entreprise."

Des taux d'utilisation élevés

Rares sont les organisations dans l'Hexagone à avoir adopté une démarche de projet structurée dès la sortie de Teams il y a un an. Parmi elles, on relève néanmoins Canal+ (lire l'article : Canal+ déploie Microsoft Teams auprès de 6 000 collaborateurs) ainsi que la Ville de Versailles. Tous deux ont été parmi les premières à déployer le produit en France. Avec pour ambition d'expérimenter le ChatOps pour fluidifier la collaboration, la Ville de Versailles entendait en plus y nicher un bot de support. Un agent intelligent qui devait pouvoir répondre aux questions des agents municipaux en se connectant à des bases internes (de données RH notamment).

Infographie publiée par Microsoft à l'occasion du premier anniversaire de Teams. © Microsoft

"Le déploiement de Teams est un succès", constate aujourd'hui Guillaume Ors, directeur des systèmes d'information et du numérique (DSIN) de la Ville de Versailles. L'application est désormais activée sur tous les postes de travail et smartphones de la municipalité, mais aussi sur ceux du siège de l'agglomération Versailles Grand Parc (dont Guillaume Ors est également DSIN). Au total, Teams motorise quelque 300 groupes de travail au sein des deux structures. Quant au niveau d'adoption, "il est relativement important". 20 à 30% des effectifs utilisent l'outil quotidiennement côté Ville de Versailles, et 70% côté Versailles Grand Parc.

Lecko observe lui-aussi des taux d'utilisation quotidiens de Teams souvent élevés (et globalement supérieurs à ceux des logiciels de collaboration traditionnels). "Ce n'est pas étonnant. Un système de team messaging est un compagnon du quotidien pour le travail d'équipe. On doit s'y connecter en permanence. Ce n'est pas le cas à contrario d'un réseau social d'entreprise conçu pour la communication transverse et le partage de connaissances, et qui n'est pas destiné à la gestion de projets et de tâches", commente Bastien Le Lann.

"Teams va devenir l'unique environnement pour le partage de documents de la Ville de Versailles"

Fort du succès de leur projet, la Ville de Versailles et l'agglomération Versailles Grand Parc ont récemment décidé de faire de Teams leur outil de collaboration interne de référence. "Nos serveurs de fichiers DFS seront prochainement supprimés au profit de l'application de Microsoft qui va devenir l'unique environnement pour le partage de documents", confie Guillaume Ors. Via un connecteur, un fichier, une fois échangé et validé dans Teams, pourra ensuite être poussé dans la plateforme de gestion électronique de documents de la ville.

Seul bémol dans la success story de la Ville de Versailles, le projet d'agent conversationnel initialement envisagé a été laissé de côté. "Les performances promises par le bot en termes d'IA n'ont pas été satisfaisantes compte-tenu des coûts de développement à prévoir. Il n'apportait pas grand-chose de plus qu'une FAQ", reconnaît Guillaume Ors. Et Bastien Le Lann de renchérir : "En matière de chatbot, Teams est encore loin des standards de Salesforce ou Facebook. Mais d'ici un ou deux ans, Microsoft devrait avoir nettement gagné en maturité sur ce plan".

Teams, le généraliste vs Slack, le spécialiste

Et Microsoft n'a pas attendu le premier anniversaire de Teams pour le faire évoluer. En fin d'année dernière, le groupe a d'abord annoncé vouloir en faire l'application de communication unifiée principale d'Office 365, en lieu et place de Skype for Business. Depuis, l'éditeur a initié un vaste chantier de R&D visant à intégrer à Teams toutes les fonctions de ce dernier (lire l'article : Voici la killer application de Microsoft pour contrer Slack). Une décision qui paraît plutôt cohérente. Si Teams doit servir à planifier les réunions d'équipe, autant réaliser ensuite les meetings dans le même espace. Autre évolution introduite depuis, une nouvelle boutique d'applications nettement plus riche que la première. Et pour cause, elle reprend l'offre disponible dans le store AppSource de Microsoft"La nouvelle fonction de gestion d'invités qui vient d'être introduite était aussi très attendue", ajoute Guillaume Ors. "A la Ville de Versailles, elle va nous permettre de travailler dans le même univers avec des acteurs externes, nos fournisseurs par exemple."

"Teams demeure encore relativement pauvre en termes d'API"

Chez Lecko, on pondère. "Teams demeure encore relativement pauvre en termes d'API. Cette faiblesse rend son intégration complexe avec des outils tiers d'analytics ou des digital workplaces comme Powell 365 et Unily", note Bastien Le Lann. "Côté déploiement, mettre en œuvre Teams avec un Office 365 déjà en place n'est pas toujours simple non plus. Quand on déploie Teams en dehors d'Office, le paramétrage des briques pour le faire fonctionner (comme SharePoint pour le stockage de fichiers), est automatique. Mais quand on veut l'associer à Office, c'est plus compliqué. Intégrer des espaces SharePoint existants à Teams est une autre paire de manches."

Au sein des différents services de la Ville de Versailles, Teams est utilisé pour valider les documents d'appel d'offres. Quant au groupe chimique Arkema, il a recours à l'application pour traiter les demandes de support hors-ticketing.  © JDN / Capture

Alors Slack a-t-il vraiment perdu la bataille ? Pas tout à fait. Il restera un acteur qui compte sur le segment du team messaging. Son principal point fort demeure son app store qui compte plus de 1 000 applications et bots. Une offre qui devrait lui permettre de rester leader sur le terrain des messageries collaboratives départementales (dans les DSI, les R&D, les services marketing) qui impliquent souvent un fort niveau de personnalisation applicative de par leur spécificité métier. "A contrario, Teams se veut plus généraliste. Et surtout, du fait de son intégration à Office 365, il peut être rapidement déployé à toute une organisation", conclut Bastien Le Lann. Pour enfoncer le clou, Microsoft plancherait sur une version 100% gratuite de Teams (dixit Petri). Le groupe vient par ailleurs d'intégrer une nouvelle salve de nouveautés dans l'application, parmi lesquelles le recours à l'assistant vocal Cortana pour gérer les meetings par la voix.