Quand la réalité virtuelle révolutionne l’ingénierie de conception

Nombreux sont les industriels ayant intégré la VR sur toute la chaîne de valeur du développement produit avant même les phases de production.

La réalité virtuelle n’en finit pas d’évoluer. À l’occasion de la dernière Game Developers Conference de San Francisco, plusieurs technologies révolutionnant la réalité virtuelle (VR) ont été annoncées, comme le système OptiTrack assurant une capture des mouvements d’une centaine d’objets en simultané, ou encore le tracking des doigts de l’utilisateur sans gants connectés par HTC. Depuis le début des années 2000, les casques de VR s’étendent au monde professionnel. Nombreux sont les industriels ayant intégré la VR sur toute la chaîne de valeur du développement produit avant même les phases de production.

Un levier pour le développement industriel de produits

C’est sous l’impulsion de grands groupes tels que Renault et Airbus, pionniers de l’industrie 4.0, que l’usage de la VR s’est démocratisé. Les collaborateurs de ces deux géants bénéficient de dispositifs innovants d’immersion visuelle, les CAVE (ou Cave Automatic Virtual Environment) ; de tels systèmes représentent un investissement conséquent mais sont synonymes de bénéfices bien plus importants. Le groupe Safran a notamment investi dans un CAVE ayant permis de développer la nacelle de l’Airbus A330neo en 42 mois au lieu de 60, avec un retour sur investissement obtenu en moins d’un an. Renault s’est doté de l’un des CAVE les plus performants du monde pour concevoir et valider les produits en étant plongé dans un environnement réaliste. Le développement de la dernière Renault Alpine s’est ainsi fait sans aucun prototype physique permettant une économie conséquente sur le coût et le délai de développement.

Des start-ups comme MeshroomVR ambitionnent de généraliser les usages industriels de la VR pour en faire bénéficier le plus grand nombre. Son concept de simplification de la VR, a permis plusieurs de ses clients, spécialisés dans l’aménagement intérieur de cabines d’avions et hélicoptères, de codesigner l’intégralité des produits en partageant les modèles CAO, en visualisant rapidement les volumes, formes et rendus finaux à l’échelle 1:1 tout en impliquant le client final.

Ces optimisations des étapes de conception réduisent de manière conséquente les coûts ainsi que le time-to-market des industriels. Selon une enquête[1] menée auprès de 700 industriels, 75% des entreprises présentent des bénéfices tels que la réduction de la complexité (+47%) et l’augmentation de l’efficacité opérationnelle (+57%) après implémentation de la VR. Des déploiements à grande échelle sont donc à prévoir avec 50% des entreprises n’utilisant pas encore ces technologies qui prévoient de se lancer dans les 3 prochaines années.

Une intégration réaliste et user-centric pour pallier les limites actuelles de la VR

La VR ne cesse de se développer et de proposer des solutions toujours plus optimisées. Jean-Rémy Chardonnet, Maître de conférences à l’Institut Image de l’école des Arts et Métiers, nous explique que les évolutions à venir seront davantage centrées sur l’expérience utilisateur, pour rendre la technologie encore plus intuitive avec :

  • Des systèmes de tracking (NDLR : systèmes de projection permettant de suivre les mouvements de l’utilisateur et faire évoluer son environnement virtuel)
  • La possibilité à plusieurs utilisateurs de se retrouver simultanément dans le même environnement,
  • Des interactions en réalité mixte, telle que la manipulation d’objets virtuels avec l’intégration du toucher dans les  environnements d’immersion via des gants équipés de capteurs vibrants ou encore des retours d’efforts.

Mais ces outils et nouvelles technologies, pour être réellement bénéfiques, doivent s’intégrer dans des processus de développement adaptés et un accompagnement au plus proche des futurs utilisateurs. Pour cela, il est nécessaire dès le lancement de la réflexion d’intégrer les techniciens pour identifier les cas d’usages, les prioriser en fonction des gains escomptés et mesurer les potentiels impacts associés. La réussite d’une telle démarche repose sur quelques facteurs clés :

  • Le positionnement du métier au cœur du dispositif d’identification des cas d’usages pertinents et de la qualification de ces opportunités, par son aptitude à simplifier les processus tout en générant des gains (quantitatifs ou qualitatifs),
  • La préparation et la mise en place d’une conduite du changement, pour permettre la communication, la formation et le support adéquats aux métiers impactés,
  • Enfin, la mise en place et l’animation d’un réseau d’experts VR accompagnant les techniciens dans la durée pour l’utilisation, l’amélioration continue et le développement de nouvelles opportunités.

Ces trois composantes clés sont critiques car, combinées, elles forment un écosystème d’incubation propice à la réussite d’un projet faisant appel aux technologies de réalité virtuelle.

[1] Capgemini Research Institute, 7 Septembre 2018 “Augmented and Virtual Reality in Operations: A guide for investment”