Start-up : la DefenseTech française passe à l'offensive
Fin octobre, Bpifrance organisait à Paris la première édition de l’European Defense Week. Quelques jours plus tôt, la banque publique d’investissement annonçait le lancement de son fonds Bpifrance Défense, dévoilé le 14 octobre. Ces deux initiatives auraient pu étonner il y a encore quelques années. Fin 2025, elles ne surprennent plus personne : les start-up de la défense forment désormais un secteur qui compte dans la French tech.
Si la DefenseTech a pris de l'ampleur, on le doit en grande partie au contexte international. "La guerre en Ukraine et l'arrivée de Trump au pouvoir nous ont fait comprendre que notre souveraineté en matière de technologie stratégique était à repenser", explique Guy Gourevitch, président de Defense Angels, un réseau qui rassemble des business angels du secteur. "Avec le contexte géopolitique tendu, les analystes ont prévu que la défense allait connaitre un taux de croissance important dans les années à venir", indique Nicolas Berdou, expert défense de la Bpifrance. A titre d'exemple, une étude d'EY prévoit que les dépenses mondiales dédiées au secteur devraient atteindre 3 300 milliards d’euros en 2030, contre 1 700 milliards d'euros en 2020.
Des investisseurs opportunistes
"Toutes ces prédictions ont attiré les financiers. Des investisseurs traditionnels de la French tech s'intéressent désormais à la défense et des entrepreneurs veulent tirer leur épingle du jeu", fait remarquer Nicolas Berdou. "Les mentalités ont évolué. On se rend compte que l'ère de la paix qu'a connu l'Occident est bouleversée et la défense est soudainement perçue comme plus éthique". "En peu de temps, la défense, autrefois mal vue pour des raisons liées aux critères RSE et ESG, a changé d’image", abonde Guy Gourevitch.
Fort de ce contexte guerrier et de sa nouvelle virginité, le secteur a amorcé sa structuration. Côté investisseurs, Bpifrance avait ouvert la voie en 2018 avec la création de Definvest, avant de dévoiler, le 14 octobre, Bpifrance Défense, un fonds accessible aux particuliers qui a récolté près de 3 millions d’euros dès son premier jour. Du côté privé, la France compte encore peu d’acteurs spécialisés, à l’exception du réseau Defense Angels et de Weinberg Capital Partners, davantage tourné vers les entreprises matures que vers les jeunes pousses. En revanche, les fonds généralistes de la French Tech manifestent un intérêt croissant pour la filière. En 2025, Omnes Capital, Sienna ou encore Ciclad ont chacun annoncé le lancement de véhicules d’investissement dédiés à la défense. "On voit arriver des fonds qu’on n’avait pas l’habitude de croiser. Ça montre que le secteur est à la mode !", se félicite Guy Gourevitch.
Un secteur complexe pour une start-up
En matière de start-up, les représentantes du secteur restent encore discrètes, mais certaines font figure de locomotives. Beaucoup d’entre elles se concentrent autour de deux grands axes : le new space et les drones. Dans le spatial, The Exploration Company, Unseenlabs et Loft Orbital ont levé respectivement 150 millions, 85 millions et 170 millions d’euros lors de leur dernier tour de table. Côté drones, on compte notamment Delair ou encore Harmattan AI, qui pourrait atteindre le statut de licorne lors de sa prochaine levée de fonds selon Sifted. Une jeune pousse a même tapé dans l'œil d'un grand groupe puisque Safran a racheté le spécialiste de l’analyse d’images satellites militaires Preligens en septembre 2024. "Les industriels commencent à s'intéresser au secteur. Certains d'entre eux coopèrent avec des start-up et créent des fonds corporates pour investir", indique Guy Gourevitch.
Malgré leur dynamisme, ces jeunes pousses devront cravacher pour devenir à leur tour des poids lourds de la défense. Le secteur propose de nombreux défis difficiles à relever pour une start-up : "Les cycles de vente sont très longs, alors même que les start-up ont d’importants besoins de trésorerie. Les contraintes à l’exportation peuvent également freiner leur développement. Enfin, les grands acteurs industriels étant déjà très performants, la recherche de solutions alternatives est moins forte que dans d’autres secteurs", analyse Nicolas Berdou. "Il y a des défis mais ce n'est que le début. Tout cela était inimaginable avant la guerre en Ukraine", rappelle Guy Gourevitch. Reste désormais à savoir si les start-up de la défense sont prêtes à passer à l’attaque.