Le cloud est-il apte à faire face aux grands défis sociétaux ?

Presque 10 ans après son arrivée massive, le cloud est désormais largement adopté par les grandes entreprises.

Presque 10 ans après son arrivée massive, le cloud est désormais largement adopté par les grandes entreprises. Face à la nouvelle donne géopolitique et environnementale, sa croissance jusqu’ici exponentielle sera-t-elle impactée par les trois enjeux majeurs que sont la sobriété énergétique, la souveraineté numérique et la pénurie des talents ?

Le secteur devrait maintenir sa dynamique grâce aux avancées technologiques, à l’émergence du Green IT et à la maturité grandissante des process de migration vers un cloud toujours plus hybridé.

Historiquement orientées soit vers un cloud privé, soit vers un cloud public, les transformations vers le cloud bénéficient désormais de l’expérience acquise par les acteurs de l’IT. Cette maturité ouvre la voie à de nouvelles approches pour les donneurs d’ordre : le multi-cloud et l’hybridation. 

Avec le multi-cloud les entreprises évitent de mettre “tous leurs œufs dans le même panier”, réduisant de fait leur dépendance aux cloud providers, ce qui rééquilibre la relation à leur avantage. 

En parallèle, le cloud hybride est devenu un incontournable, pour des questions de souveraineté, de compatibilité technique ou de contraintes économiques.

Quelle que soit l’approche choisie, il est crucial de proposer un cadre complet et structuré pour garantir le succès de la migration vers le cloud. Comprendre la stratégie, l’activité et les besoins des métiers donne du sens à la transformation, et facilite l'adhésion des équipes. Un ensemble d'outils et de process permet de cadrer les projets dès leur conception pour éviter les écueils – notamment financiers – rencontrés ces dix dernières années. Cet accompagnement est également décisif pour parvenir à relever les nouveaux défis sociétaux du numérique. 

Le cloud souverain au cœur des débats

Les tensions géopolitiques ont rappelé l’importance de la souveraineté des données et de l’indépendance technologique. La France et l'Europe cherchent à proposer des alternatives pour protéger certaines données et applicatifs stratégiques des lois extra-territoriales.

Malheureusement, le débat prend trop souvent une tournure idéologique. Pourtant, Guillaume Poupard de l’ANSSI l’a souligné ces derniers mois, l'idée n'est pas de s'affranchir des fournisseurs américains, qui répondent de fait aux besoins des entreprises. Il s’agit de poser les bases d’une collaboration plus saine et équilibrée avec les hyperscalers, tout en proposant une alternative française pour les entreprises et collectivités qui souhaitent à la fois de la souveraineté et des solutions cloud à l’état de l’art.

La multiplication récente des annonces autour de création de co-entreprises (GaiaX, Bleu, S3NS) va dans ce sens mais ne résout pas totalement le problème de la souveraineté. Rappelons-le, ces structures juridiques reposent sur des alliances entre des acteurs européens et les technologies des hyperscalers américains. Les entreprises, notamment industrielles, ont besoin de clarté et de visibilité : ces annonces tendent à l’inverse à brouiller les messages sur ce qui est souverain et ce qui ne l’est pas.

Il devient donc urgent que l'Europe dessine sa propre trajectoire, propose des solutions viables et des normes lisibles par tous. Le cloud hybride, lorsqu’il est conforme aux plus hauts standards de sécurité et de souveraineté de l’ANSSI, est une réponse évidente, parce qu’il offre à la fois un hébergement de confiance européen et l'usage des services innovants proposés par les hyperscalers.

La sobriété : prochain défi du cloud

En écho à l’actualité, les considérations écologiques sont au cœur des préoccupations. Le sujet est central, pour les entreprises comme pour le gouvernement et les organisations publiques, concernés par leur empreinte carbone et impactés par la crise énergétique. Pour le secteur numérique, l’enjeu est triple, lié à la fois à la résilience opérationnelle, au maintien de la rentabilité et à l’image que les acteurs de l’IT renvoient aux clients, aux collaborateurs et aux candidats. 

La mise en place de process et de solutions techniques destinées à mesurer et maîtriser les consommations électriques des systèmes d’information est aujourd’hui un impératif. Cette démarche concerne déjà bon nombre d'entreprises mais elle devrait s’accélérer en 2023 avec la mise en place d'outils capables de mesurer les consommations application par application, et de processus d'automatisation visant à éteindre les ressources inutiles. Là encore, les fournisseurs de cloud et les ESN vont devoir montrer l’exemple en assurant des hébergements dans des datacenters certifiés "responsables" et en proposant à leurs clients des solutions de GreenOps avancées. 

Pour aller plus loin, le refactoring applicatif permettra de rationaliser les applications et de les moderniser pour conjuguer sobriété, résilience et agilité. Prolongement naturel de la transformation numérique, il conduit vers des solutions cloud natives. Les microservices, Kubernetes, le serverless seront des étapes importantes, à la croisée entre l'infrastructure et le développement. On se place là clairement dans une logique de DevOps.

Les talents, nerf de la guerre

Le marché de la tech reste extrêmement tendu en termes de recrutement et le phénomène ne devrait pas disparaître dans les prochaines années. Au-delà du risque de pénurie des talents, cette tension des ressources humaines crée un turnover rapide qui ajoute des difficultés supplémentaires pour recruter, onboarder, former, etc. 

L’attraction des talents est un sujet central, et leur fidélisation, un impératif absolu pour toutes les entreprises qui veulent utiliser pleinement les potentialités de l'IT et rester compétitives. 

L’enjeu est complexe, car il induit une profonde évolution culturelle et managériale. Comme les entreprises ont su il y a 10 ans révolutionner leurs pratiques autour de l’expérience client, l’IT doit vivre une révolution de l’expérience collaborateur. 

Que veulent les jeunes talents ? Les baby-foot et les espaces lounge des bureaux ne sont pas une réponse. La question des salaires est importante, mais ne suffit plus à faire la différence. 

En revanche, des défis techniques, des formations de qualité, des perspectives d’évolution intéressantes pèsent dans la balance. De la même façon, il semble que la confiance et la considération des collègues et des managers, la convivialité et l’entraide, la liberté d’organiser son temps entre présentiel et full-remote, l'équilibre de vie pro/perso sont devenus plus que des avantages : des valeurs essentielles. 

Et pour revenir aux racines de la pénurie des talents, il faut prendre en considération le manque d'écoles formant aux métiers de l'IT et surtout du cloud, mais plus encore, le manque de candidats pour ces formations. Afin de redorer l'image des métiers de l'informatique, il revient aux acteurs du secteur d’agir collectivement, en identifiant des ambassadeurs capables d’expliquer aux plus jeunes combien le cloud est passionnant et porteur d’avenir.