Transition environnementale des orchestres : vers un vrai virage écologique ?

Le spectacle vivant, et plus particulièrement l'écosystème orchestral, tente d'effectuer sa propre transition écologique.

Un festival peut émettre jusqu’à 7 700 tonnes de CO2 en quatre jours seulement en raison du transport des festivaliers. Une salle de concert peut quant à elle émettre plus de 1 000 tonnes uniquement en raison du transport des costumes et décors. Ces chiffres vertigineux, publiés par le Shift Project pointent du doigt l’impact non négligeable du spectacle vivant dans les émissions de gaz à effet de serre, secteur souvent grand oublié des rapports environnementaux. Pourtant, le spectacle vivant, et plus particulièrement l’écosystème orchestral, tente d’effectuer sa propre transition écologique.

Le transport : un fléau environnemental  

Discrets, les orchestres sont de plus en plus amenés à examiner de près la manière dont ils peuvent se rendre plus durables sur le plan environnemental. Tous les aspects de leur fonctionnement sont passés au crible, de la gestion des salles aux tournées internationales.

Si l’empreinte carbone d’un orchestre peut varier considérablement en fonction de plusieurs facteurs, notamment sa taille ou encore ses pratiques de gestion, les études les plus sérieuses sur le sujet convergent en déclarant que les postes d’émission de CO2 les plus énergivores sont ceux liés au transport des spectateurs, des artistes et enfin des costumes et décors.

Les postes d’émission liés à l’alimentation ou encore à la gestion des déchets sont également significatifs, de façon secondaire, cumulant quelques centaines de tonnes par projet ou saison.

Le train à tout prix ?

De nombreux orchestres ont sauté le pas des tournées en train, mode de transport de masse le moins émetteur de CO2.

C’est le cas de l’Orchestre Philharmonique de Munich, qui a fait voyager en train mi-septembre plus de 200 artistes à Lucerne, Cologne et Berlin pour jouer la célèbre 2ème Symphonie de Gustav Mahler.

Une vraie marque d’engagement que l’on salue, d’autant plus que l’orchestre déplore avoir subi trois annulations de trains et un concert berlinois retardé de 25 minutes, avec des musiciens épuisés par les dizaines d’heures de trajet. L’orchestre a immédiatement dénoncé via les réseaux sociaux le manque de fiabilité de la compagnie ferroviaire Deutsche Bahn.

Si les orchestres font des efforts considérables sur la thématique du transport, ils restent cependant très dépendants des infrastructures utilisées, très inégales en fonction des villes.

Soulignons également que le choix du train au détriment de l’avion est parfois impossible, notamment lorsqu’il s’agit de partir en tournée à l’étranger. Pourtant, les tournées à l’étranger restent considérées comme incontournables pour les orchestres afin d’asseoir leur notoriété internationale.

Mais ne peut-on pas remettre en cause la nécessité de ces tournées à l’étranger, gourmandes en émissions ? Grouper davantage les dates par territoires à proximité, pouvant être desservis par des modes de transport plus durables ? Les espacer sur plusieurs années ? Choisir des artistes locaux ?

Des nouveaux modèles sont en train de se développer et risquent de profondément transformer les choix artistiques et les grilles de programmation à l’avenir. Une belle occasion de réinventer le monde du spectacle vivant.

Et les partitions dans tout ça ?

Selon une étude que nous avons menée conjointement avec l’Orchestre symphonique de Melbourne en Australie, l’usage des partitions émet 5 tonnes de CO2 par saison. L’émission provient principalement, de l’expédition par voie aérienne de plus de 600 kg de partitions commandées auprès d’éditeurs européens ainsi que de l’impression de plus de 80 000 pages à destination des musiciens. Au regard des proportions présentées plus haut, l’impact environnemental des partitions reste très marginal avec un rapport de 1 pour mille, et surtout marginal par rapport aux 9,0 tonnes de CO2 émises par personne et par an en France. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas le prendre en compte, c’est pourquoi de nombreux orchestres revoient leur copie et prennent un virage numérique. Tout ceci dans la lignée d’un devoir d’exemplarité des acteurs du monde de la culture, comme des spectateurs. Car après tout, sans écologie, il n’y aura plus d’art.

Aurélia Azoulay-Guetta, CEO et co-fondatrice de Newzik.