Start-up, sociétés par actions simplifiée et crowdfunding

Depuis le 1er octobre 2014, les sociétés par actions simplifiées (SAS) ont la possibilité d'ouvrir leur capital social au public. C’est ce qu’on appelle l’"equityfunding", l'une des facettes du crowdfunding ou financement participatif en capital/"financement par la foule".

En effet, le décret d’application (D. n°2014-1053) de l’ordonnance du 30 mai 2014 (Ord. N°2014-559) qui encadre la pratique déjà répandue du crowdfunding a été publié le 17 septembre 2014 et est entré en application le 1er octobre 2014.
Bonne nouvelle donc, tant pour le crowdfunding que pour les start-up souvent immatriculées sous forme de SAS et qui sont le parent pauvre du financement traditionnel, sans même parler du tarissement des flux bancaires vers l'entreprise depuis quelques années.
Une écrasante proportion de start-up est en effet immatriculée sous forme de SAS et ce, pour une raison simple : la souplesse du  fonctionnement de la SAS et la très grande liberté consentie aux fondateurs dans le choix de la gouvernance et la  répartition des droits de vote - sans équivalent en droit français des sociétés - la recommandent naturellement aux créateurs et porteurs  de projets innovants dans lesquelles des financiers ou investisseurs vont devoir intervenir et prendre toute leur place en contrôle ou management au fur et à mesure du développement de la société.
Créée il y a 20 ans pour les groupes, la SAS s'est donc  révélée l'instrument idéal à la fois du "corporate venture" (capital d'investissement) et du projet individuel de la nouvelle économie.
Pourtant, les SAS qui souhaiteront  recourir aux charmes et bénéfices du « financement par la foule » s'apprêtent à perdre en partie la souplesse qui a fait leur succès.

1. Règles concernant toutes les sociétés

Tout d’abord, contrairement aux organisations dites sans but lucratif qui peuvent elles même lever des fonds à partir de leur propre site internet notamment , les SAS, comme les sociétés d’autres formes, ne pourront pas proposer des titres de leur  capital  social en direct.
Elles devront obligatoirement recourir aux services d’un intermédiaire dont la profession est ainsi créée (Prestataire de service d’investissement ou Conseiller en investissements participatifs) proposant une plateforme répondant aux conditions fixées par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF).
L’offre de titres, calculée sur une période de 12 mois, ne devra pas dépasser un plafond d’un million d’euros. Les levées de fond en "equity" ne pourront donc pas excéder ce plafond annuel.
Les sociétés qui font appel au crowdfunding ne pourront pas non plus bénéficier de la confidentialité des comptes annuels, possibilité  ouverte aux micro-entreprises: vivre caché est un luxe inconciliable avec l'appel public à l'épargne.

2. Règles spécifiques aux SAS

Toujours dans un souci de protection du public investisseur, les SAS qui recourront au crowdfunding devront impérativement appliquer certaines règles relatives aux sociétés anonymes (SA), en matière de droit de vote, d’ordre du jour, d’information préalable et de convocation aux assemblées.
Ces règles sont lourdes. Ainsi les SAS devront :

(i) Pour la convocation aux assemblées :
  • Procéder à une insertion dans un journal d’annonces légales ou, si tous les titres sont nominatifs, convoquer personnellement tout associé par lettre recommandée ou e-mail;
  • Respecter un délai minimum de 15 jours entre la date de l’insertion dans un journal d’annonces légales ou de l’envoi des convocations individuelles et la date de tenue de l’assemblée;
  • adresser ou mettre à disposition de chaque associé le texte des résolutions, le rapport de gestion, les comptes annuels et autres documents sociaux prévus à l’article R225-83 du Code de commerce.
(ii) S’agissant du vote :
  • Appliquer les règles des SA pour la modification des statuts et se soumettre à celles de quorum et de majorité des SA pour les autres décisions collectives;
  • Ne délibérer que sur les questions inscrites à l’ordre du jour;
  • Attribuer à chaque associé un droit de vote proportionnel à la quotité du capital qu’il détient sous réserve toutefois des dispositions statutaires prévoyant un droit de vote double ou limitant le nombre de voix par associé.
Ces nouvelles règles prévaudront sur toute disposition statutaire contraire.
C'est probablement sur la question de proportionnalité du droit de vote par rapport à la participation en  capital  que les problèmes juridiques seront les plus lourds en pratique. En effet, l'un des atouts de la SAS est de permettre une distorsion significative de la règle de  proportionnalité et donc de l'égalité entre associés. 
En résumé, l’equityfunding conduit à remettre significativement en cause la souplesse juridique de la SAS. C’est là le prix à payer pour faire appel public à l’épargne dans le cadre du crowdfunding.
Qui a dit que la foule était sentimentale envers les start-up ?