Dalton Caldwell (App.net) "Notre réseau social compte 30 000 membres payants"

Lancé en juillet dernier aux Etats-Unis, App.net est un réseau social payant, sans publicité et qui n'exploite pas les données personnelles de ses membres. Son cofondateur tire un premier bilan du projet.

Quel est  le concept d'App.net ?

dalton caldwell
Dalton Caldwell est CEO et cofondateur d'App.net. © S. de P. App.net

App.net est un réseau social payant permettant à un utilisateur d'accéder à son fil d'actualité en temps réel depuis des applications tierces. Etant donné qu'il s'agit d'un service payant, nous n'affichons aucune publicité à nos utilisateurs. App.net propose aux développeurs une API ouverte, car à mes yeux c'est le seul moyen  de favoriser l'innovation. Et l'expérience à l'utilisateur est bien meilleure que si une seule et même société avait conçu l'ensemble des services. Car ici, l'utilisateur a le choix d'utiliser l'application qu'il préfère et n'est en aucun cas contraint. Créé en juillet dernier, App.net compte aujourd'hui près de 30 000 utilisateurs payants et nous sommes déjà financièrement viables.

Pourquoi payer pour utiliser App.net alors que Facebook ou Twitter sont des services gratuits ?

Les grandes plateformes sociales se livrent une véritable  guerre entre les différentes plateformes, notamment  Facebook et Twitter, et on assiste à un retour en arrière en matière d'Open Web. La véritable valeur d'App.net est que nous donnons le pouvoir à nos utilisateurs. Beaucoup d'entre eux sont eux-mêmes développeurs d'applications et ils se rendent bien compte que l'écosystème "Tierce Partie " est en danger. L'utilisation d'App.net est aujourd'hui liée à une certaine mentalité, à une prise de conscience de nos utilisateurs.

App.net est donc un réseau social sans publicité. Est-ce la seule raison qui motive vos utilisateurs à souscrire un abonnement au service ?

Certains disent qu'ils n'ont pas besoin d'App.net  car ils utilisent des logiciels permettant de bloquer les annonces  publicitaires mais il ne s'agit pas uniquement de cela, il s'agit encore une fois d'un état d'esprit. Cette idée, nous avons pu la valider en lançant une campagne de levée de fond auprès des internautes qui nous a permis de lever un peu d'argent et de surtout de valider le fait qu'il existait un réel marché pour App.net.

Beaucoup vous comparent à Diaspora, le réseau social Open Source qui est désormais entre les mains de sa communauté. Etes-vous si proche ?

Je pense que les objectifs que nous nous sommes fixés, comme par exemple celui de rendre à l'utilisateur le contrôle de ses données, sont beaucoup plus réalisables et moins ambitieux que ceux que Diaspora s'était initialement fixé. App.net n'est pas simplement une idée ou une d'utopie. Déjà près d'une centaine d'applications  sont disponibles  sur l'App Store, l'Android Market ou encore sur Windows Phone. Il s'agit ici de choses très concrètes.

Comment faites-vous pour inciter des développeurs à concevoir des applications sur App.net ?

Beaucoup de développeurs présents sur App.net ont déjà développé des services pour des sociétés comme Twitter qui ont, par la suite, peu à peu réduit l'accès à ses API. Ils ont donc déjà développé du code qui est facilement importable vers App.net. Nous avons également mis en place un programme récompensant les meilleures applications présentes sur notre plateforme. Nos utilisateurs votent ainsi pour leurs applications préférées et nous distribuons chaque mois près de 20 000 dollars à celles qui ont réuni le plus de votes.

Combien coûte l'utilisation d'App.net et pourquoi ne pas avoir mis en place une version gratuite permettant de tester le service ?

App.net coûte 5 dollars par mois ou 36 dollars l'année. Je pense que la principale raison à ne pas avoir proposé de version gratuite est que nous ne souhaitons pas brûler les étapes en grossissant trop rapidement. Notre objectif est avant tout de favoriser l'innovation. Nous n'avons que cinq mois d'existence et je ne pense pas que nous soyons encore prêts pour le mass market. Nous avons néanmoins baissé nos tarifs en octobre et nous allons probablement continuer à les diminuer en réalisant des économies d'échelles.

Souhaitez-vous étendre votre cible d'utilisateurs à des profils moins "Tech" ?

Bien sûr. Si vous regardez les premiers utilisateurs de Twitter par exemple, il s'agit surtout d'early adopters souvent très intéressés par la technologie et le web. C'est souvent ce qui se passe au début d'une aventure, avant de pouvoir élargir sa cible à d'autres utilisateurs en cas de succès.

Quels sont vos objectifs pour les mois et les années à venir ?

Nous allons continuer à étendre les possibilités de notre API, car actuellement nos publications sont forcément publiques, ce qui rend notre service assez similaire à Twitter. Mais nous permettrons bientôt l'envoi de messages privés. Cette nouveauté rendra ainsi possible de développer des applications de chat, comme WhatsApp par exemple. Nous commençons également à voir apparaître des prototypes de jeux sur la plateforme.

Le message que je souhaite faire passer est qu'App.net n'est pas un sosie de Twitter et n'ambitionne pas d'être le prochain Facebook. App.net se positionne comme une plateforme sur laquelle les utilisateurs sont les seuls propriétaires de leurs données personnelles. Et je pense qu'il existe une vraie place pour une plateforme comme la nôtre.

Dalton Caldwell est diplômé de Stanford en 2003, il fonde Mixed Media Labs, la société derrière l'application de partage de photos Picplz en 2010. Avant cela, il était à l'origine d'Imeem, un service de streaming musical racheté par MySpace en 2009. En 2012, il cofonde la plateforme sociale App.net