Jean Meyer (DateMySchool) "DateMySchool sera lancé en France l'année prochaine"

Le jeune Toulousain a fondé un site de rencontres pour étudiants en 2011 aux Etats-Unis. DateMySchool va bientôt s'exporter en Europe et en Asie.

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Jean Meyer est le CEO de cofondateur de DateMySchool. © Jonas Cuénin pour France Amerique

JDN. Comment est née l'idée du site ? Comment fonctionne-t-il ? 

Jean Meyer. J'étais un étudiant international à la Columbia Business School, tout comme l'autre cofondateur, Balazs Alexa. Nous étions déçus de notre expérience universitaire américaine parce que les étudiants de la Business School ne rencontraient et ne sortaient qu'avec d'autres étudiants de la Business School. Pas de fêtes avec les filles de la Medical School ou de la Law School, comme nous l'avions vu dans les séries et films américains... Nous avons décidé de développer une plateforme de rencontres pour étudiants du campus de Columbia, qui permet de contacter des personnes selon leur filière et leur école. Pour beaucoup, s'inscrire sur un site de rencontres reste embarrassant. C'est pourquoi, sur Datemyschool, tous les utilisateurs sont identifiés et peuvent autoriser uniquement certains groupes démographiques à accéder à leurs profils. Par exemple, un internaute peut choisir de n'être visible que par les personnes qui sont passées par une Ivy League, qui ont entre 20 et 30 ans et qui étudient ou ont étudié en Business School. C'est un excellent moyen pour cacher son profil à ses amis, ses collègues ou ses parents. Plus de risque de croiser sur le campus quelqu'un que vous avez vu en ligne ! Notre devise : "Pas de camarades de classe, pas de proches, pas de collègues, pas de Facebook, pas de 'weirdos', pas de psychopathes."

Comment les utilisateurs sont-ils certifiés ?

Grâce à leur adresse .edu  ainsi qu'avec une base de données nationale de diplômes, utilisée entre autres par les réseaux de ressources humaines.

Quel est votre business model

Nous avons la chance de pouvoir identifier tous nos utilisateurs et donc de proposer un business model adapté. Les étudiants peuvent accéder au service gratuitement. C'est une communauté très active qui crée et communique beaucoup. Les anciens élèves doivent, eux, s'acquitter d'un abonnement mensuel. Nous n'avons donc pas le problème que peuvent avoir d'autres sites de rencontres, c'est-à-dire une perte d'activité lorsque le modèle devient payant. 

"Aux Etats-Unis, tous les cerveaux partent chez Facebook et Google"

L'écosystème américain est-il plus favorable à la création de start-up que l'écosystème français ?

Si j'ai créé une start-up aux Etats-Unis, c'est à cause d'un concours de circonstances. Parce que j'ai rencontré les bonnes personnes, principalement mon business partner, Balazs Alexa. Parce que c'est le plus grand marché sur Terre pour cette industrie. Parce qu'il est beaucoup plus facile de lever des capitaux sur le sol américain. Et parce que le réseau de la Columbia Business School est incomparable. Mais tout n'est pas rose non plus. Il est beaucoup plus difficile de recruter aux Etats-Unis. Nous sommes obligés d'importer des ingénieurs de France et de sponsoriser leur visa. Ici, tous les cerveaux partent directement chez Google, Facebook, Pinterest, etc.

Pouvez-vous communiquer quelques données sur le développement du site ? Nombre d'utilisateurs, d'universités couvertes, de salariés...

Nous avons dépassé les 2 ans de développement. Nous couvrons un peu plus de 200 universités sur 2 000 pour près de 500 000 utilisateurs. Nous sommes présents sur le Web, iPhone, iPad, Android Tablet et Android phone. DateMySchool emploie 10 salariés, qui travaillent dans des locaux de 600 m2 à Brooklyn avec terrain de foot indoor et tables de ping-pong. Enfin, nous rémunérons un réseau de 150 ambassadeurs pour promouvoir le produit dans les universités.

Etes-vous rentables ?

Nous sommes à peine profitables avec un chiffre d'affaires pour l'année 2013 qui devrait dépasser le million de dollars. Mais nos coûts fixes nous plombent un peu. Nous payons très bien nos ingénieurs car nous sommes en compétition avec les grosses start-up américaines pour les engager. Nous allons devoir lever plus de capitaux pour grossir plus vite et dégager plus de marge.

"Nos fonctionnalités pour protéger la vie privée s'adaptent parfaitement au marché asiatique"

Quels sont vos projets ?

Couvrir les 2 000 universités américaines et passer à l'internationalisation, en commençant par la Corée courant 2014, grâce à notre partenaire Daum Communications. Il a investi 2 millions de dollars dans DateMySchool il y a un an et demi en espérant pouvoir le lancer dans les universités coréennes. Le fait que nous proposions des options pour n'afficher son profil que pour certains groupes démographiques s'adapte parfaitement au marché asiatique. Nous souhaitons aussi repenser nos plateformes de manière plus innovante tout en conservant ce qui fait aujourd'hui notre force. 

Allez-vous lancer le site en France ?

Oui, à la fin de l'année prochaine.

Comment fonctionne le réseau d'ambassadeurs qui promeut le site ?

Tous nos canaux marketing sont réfléchis en terme de coûts d'acquisition clients : combien allons-nous devoir dépenser pour avoir un utilisateur de plus sur notre service ? Notre réseau offline d'ambassadeurs est de loin le moins cher. Nous payons ces étudiants ambassadeurs 50 cents pour chaque nouvelle inscription. Les autres canaux d'acquisition en ligne comme Facebook ou Google sont de 20 à 50 fois plus chers.

Avez-vous recours à d'autres stratégies marketing ?

Nous avons testé énormément de canaux, dont certains très inventifs et originaux. Nous avons par exemple garé un camping-car peint aux couleurs du site en face de l'entrée des universités, ou encore installé des caches porte-manteau dans les pressings de Manhattan. Aujourd'hui nous avons imprimé plus de 16 millions de posters pour nos ambassadeurs et ce canal est de loin le plus efficace et le moins cher. Il n'y a pas vraiment de viralité dans le dating. Et ne me parlez pas de Tinder ou Okcupid. Ces deux produits appartiennent a IAC, la maison mère de Match.com et Meetic... Avec toute la puissance marketing qui va avec !

Selon vous, il est plus facile de lever des fonds aux Etats-Unis. Comment avez-vous procédé ?

Tout est dans le réseau. Qui vous introduit ? Comment ? Il faut se souvenir que des VC ont refusé d'investir dans Facebook quand le réseau social n'était dirigé que par Mark Zuckerberg et Eduardo Saverin. Lesquels ont eu besoin de l'aide de Sean Parker et de son réseau pour finalement pouvoir lever des fonds. Cela a été pareil pour DatemySchool. Le bon contact au bon moment. C'est plus du réseau que du produit et une idée ne vaut pas grand-chose sans l'exécution. Il faut que l'investisseur ait confiance en votre capacité d'exécution. C'est un cercle assez fermé, finalement.

Combien avez-vous levé ?

500 000 dollars auprès d'un fond d'investissement en capital risque basé à Palo Alto, Artiman VC, et 350 000 dollars à travers notre réseau de la Columbia Business School. Puis 2 millions auprès de Daum Communications, le deuxième portail de recherche coréen. Les fonds levés nous ont permis de renforcer la base utilisateur et de développer le produit.

A chaque fois, nous nous sommes posés la même question : comment allons-nous pouvoir garder le contrôle de notre entreprise ? Nous avons reçu des offres d'investissements de 4 millions de dollars, mais les conditions ne nous satisfaisaient pas. Nous n'avons jamais connu une véritable levée de série A [avec action privilégiées, privilèges en cas de liquidation... ndlr] et nous possédons toujours 96% du contrôle de DateMySchool. Nous sommes cependant conscients que nous allons devoir lâcher plus d'equity et de contrôle si nous souhaitons augmenter notre capital dans les prochains mois.

Quels sont vos plus grands concurrents et comment vous démarquez-vous ?

Dans l'educated dating ? Il n'y a personne, ou très peu d'acteurs. Beaucoup ont essayé et personne n'a réussi pour l'instant. La clé est dans le rôle de nos fonctionnalités pour protéger la vie privée et dans notre réseau d'ambassadeurs.

On vous compare souvent à Mark Zuckerberg, qu'en pensez-vous ?

Que c'est n'importe quoi et que ça me fait passer pour un petit con arrogant !

Jean Meyer a déjà fondé plusieurs sociétés dans le Web et les nouvelles technologies. Il est le président et fondateur de DMS Network (DateMySchool), qui opère depuis New York la première plateforme de rencontre pour anciens élèves et étudiants aux Etats Unis. Il possède un diplôme d'ingénieur de l'UTBM ainsi qu'un MBA de la Columbia Business School.